La carte scolaire pour la rentrée 2025 a été présentée en CSA. Avec 16 fermetures de classe prévues et zéro poste de remplaçant supplémentaire, elle a suscité l’opposition unanime des syndicats, obligeant la direction académique à revoir sa copie pour le 4 mars.
Explications et réactions de Sabine Raynaud, représentante du SNUDI-FO 34 ( Syndicat National Unifié des Directeurs, Instituteurs et professeurs des écoles de l’enseignement public Force Ouvrière)
Rayan Bell : Qu’est-ce que ce fameux CSA et pourquoi la carte scolaire qui y a été présentée suscite-t-elle l’opposition des syndicats ?
Sabine Raynaud : C’est l’instance paritaire entre l’administration et les organisations syndicales, organisée chaque année. La DASEN (Directrice Académique des Services de l’Éducation Nationale) y présente son projet de carte scolaire : Combien de classes seront ouvertes/fermées ? Combien de postes seront supprimés/créés, combien de « décharges » seront données ou retirées aux directeurs… Le problème, c’est que cette année, la carte scolaire est fortement impactée par les coupes budgétaires de 50 milliards d’euros récemment adoptées à coup de 49.3 avec le gouvernement Bayrou. C’est dans ce contexte que la DASEN nous a annoncé la fermeture de 71 classes pour seulement 55 ouvertures, on perd donc 16 classes sans être compensées. Le gouvernement justifie ces fermetures par la baisse démographique, mais cette baisse n’est pas répartie équitablement sur le territoire national.
“Pour à peine un élève de moins par école, on perd 16 classes”
Dans notre département, elle est extrêmement minime. On perd uniquement 518 élèves pour 607 écoles, ça fait à peine moins d’un élève par école. La fermeture des 16 classes est totalement disproportionnée. C’est un prétexte pour essayer de justifier la fermeture des classes, mais nous ne sommes pas dupes, la vraie cause de ces fermetures vient des coupes budgétaires.
Dans ce projet de carte scolaire, on a également vu qu’il n’y avait aucune création de postes de remplaçants. Or l’année dernière il y a eu plus de 19 000 journées d’école non remplacées. Si l’on rapporte ce chiffre à notre département, il se traduit par 30 jours d’école non remplacés dans chacune des 607 écoles de l’Hérault. Pendant ces journées non remplacées, les élèves de CP peuvent être placés dans des classes avec les CM2 par exemple, et si les parents ne travaillent pas, l’enfant reste à domicile. Dans tous les cas, c’est 30 journées scolaires perdues pour l’enfant.
L’objectif de cette carte scolaire est de masquer la dégradation des conditions d’apprentissage des élèves et des conditions de travail du personnel en mettant en avant leur fameux taux d’encadrement. Un taux faussé par une moyenne incluant des classes dédoublées en REP+, limitée entre 12 et 17 élèves. Ce taux fictif ne reflète en rien la réalité des classes surchargées. On pourrait régler cette situation, mais on préfère augmenter le budget de l’armée de manière exponentielle ( on prévoit 413 milliards), tout cet argent aurait pu être investi dans l’école ou dans l’hôpital.
Rayan Bell : On constate que les élèves en situation de handicap sont directement impactés. Comment vont évoluer les unités autisme, les classes ULIS (Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire) et ce genre de dispositif ?
Sabine Raynaud : L’année dernière, 24 000 élèves ont reçu une notification pour être scolarisés dans des établissements spécialisés. Malheureusement, faute de moyens, ces élèves sont dans le meilleur des cas envoyés dans des classes ULIS, qui ne sont pas adaptées pour eux. Et dans le pire des cas, ils sont placés dans des classes ordinaires, pas du tout adaptées; ça finit souvent très mal avec l’enfant qui reste à domicile, car il ne supporte pas les conditions de scolarisation standards et se retrouve privé de tout.
83% des élèves qui devraient être en IME (Institut Médico Educatif)
sont chez eux ou dans des classes ordinaires
Le ministère manipule encore les chiffres en dressant des bilans quantitatifs sur l’inclusion des élèves en situation de handicap dans des classes ordinaires sans évaluer la qualité de leur inclusion. Ils se gargarisent en évoquant les 17 % des élèves notifiés à l’IME (Institut médico éducatif) ou à l’ITEP (Institut thérapeutique éducatif et pédagogique), mais cela signifie qu’il y a plus de 83 % des élèves notifiés qui ne sont ni en ULIS, ni en IME, ni en ITEP. Ils sont en classes ordinaires ou chez eux.
Ça fait deux ans que l’on demande au préfet de nous communiquer les chiffres officiels d’enfants notifiés. Je lui ai personnellement demandé lors du dernier conseil départemental de l’Éducation nationale de nous transmettre ces chiffres, ce à quoi il a répondu : « Je n’ai aucune intention de cacher ces chiffres, je vais vous les donner. » Nous sommes fin février et toujours aucune donnée ne nous a été transmise. Ils refusent de nous donner ces chiffres.
Rayan Bell : Et dans tout cela, quelles sont les conséquences sur les conditions de travail des enseignant·es ?
Sabine Raynaud : Le métier n’attire plus personne, le salaire est totalement insuffisant. Depuis les années 2000, on a perdu 31 % de pouvoir d’achat. Nous avons le temps de travail le plus lourd de tous les fonctionnaires de catégorie A et nos conditions de travail continuent de se dégrader avec des suppressions de postes. Nous avons toujours plus d’élèves à gérer dans nos classes déjà surchargées, l’école « inclusive » nous force à mal faire notre travail en nous obligeant à garder des élèves perturbés, ce n’est plus du domaine de l’apprentissage. Certains élèves présentent des profils tellement lourds à gérer qu’ils relèvent du médical et non du pédagogique. Les AESH (accompagnement des élèves en situation de handicap) ont un salaire en dessous du seuil de pauvreté, puisqu’elles sont contraintes de travailler à temps partiel et sont contractuelles. Nous réclamons pour elles un statut de fonctionnaire, car nous avons besoin d’elles en permanence. Nous manquons de médecins scolaires et d’infirmières scolaires pour faire le dépistage de la vue et de l’audition. Ce n’est pas le rôle du professeur de réaliser toutes ces choses.
Rayan Bell : Il y a eu des mobilisations dans d’autres départements qui ont permis d’annuler certaines fermetures, est-ce qu’on peut avoir des résultats similaires dans l’Hérault ?
Sabine Raynaud : On ne va pas se mentir, pour l’instant, ce n’est pas le cas. Ce 14 février, on a tous voté unanimement contre ce projet de carte scolaire, et c’est un premier point d’appui très important. On essaie de s’organiser avec les autres syndicats en attendant le CSA de repli qui aura lieu le 4 mars et dans lequel la DASEN pourra apporter des modifications à sa proposition initiale, bien que ce soit peu probable.
