Depuis jeudi après-midi, l’usine SBM Formulation, située dans la zone industrielle du Capiscol à Béziers, est bloquée par une grande majorité de salariés qui revendiquent des augmentations de salaires. Malgré l’augmentation des bénéfices nets qui justifie ces demandes, le directeur, Cyril Van Caneghem, fait mine de ne pas les comprendre.
Lors des discussions obligatoires annuelles, les syndicats ont demandé une augmentation de salaire justifiée notamment par les « 3 millions d’euros de bénéfices nets réalisés par l’entreprise après impôts », explique Julien Rader, Secrétaire général UL Béziers. Une revendication qui répond aussi à un problème d’équité salariale : avec la nouvelle convention collective obtenue par le secteur de la chimie, les salaires d’entrée de base ont été augmentés. Résultat, « des salariés ayant 10 ans d’expérience touchent aujourd’hui moins que les nouveaux embauchés. »
Les salariés en grève musclent leurs revendications
Le 16 janvier 2025, pour les négociations annuelles obligatoires, la direction de SBM Formulation a proposé une augmentation salariale de 1 %, qui a été perçue par la CGT comme une marque de mépris envers les salarié·es. Après consultation en assemblée générale, une grève a débuté jeudi pour exiger une hausse de 150 euros brut par mois. Malgré un premier échange qui a conduit à des propositions révisées, les salariés jugent ces efforts insuffisants et réclament désormais 250 euros brut mensuels. Cette revendication s’appuie sur les bénéfices réalisés par l’entreprise, confirmés par une expertise en CSE (comité social et économique qui remplace les anciens CHSCT et CE) . Ils demandent également un plan de modernisation des lignes pour améliorer les conditions de travail.
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La CGT a organisé cette mobilisation. Une barricade de pneus et de palettes en bois bloque l’accès aux véhicules, et les grévistes s’organisent pour occuper les lieux jour et nuit. « La société est à l’arrêt complet, on a prévenu la direction que l’on ne laisse rentrer que les cadres, mais depuis deux jours, ils sont en télétravail, » précise Frédéric Sepulveda, délégué syndical CGT.
Des conditions de travail difficiles
Les conditions de travail difficiles, souvent dénoncées, et jamais prises en considération par la direction, aggravent aussi la situation. Pour rappel : en 2005, l’usine SBM Formulation, classée Seveso 2, a été ravagée par un incendie. Béziers concentre trois sites Seveso « seuil haut » dans la zone industrielle du Capiscol.
La direction, représentée par Cyril Van Caneghem, se déclare ouverte au dialogue et a proposé une discussion quotidienne à 11h, même si ce dernier a déclaré d’emblée « les conditions de travail, je ne veux pas en parler, sinon vous allez m’énerver », témoigne Julien Rader. La manipulation de produits dangereux, dans un environnement non chauffé, nécessite normalement des contrôles et améliorations permanentes, d’autant que les risques liés aux produits cancérigènes restent une réalité quotidienne. Comment écarter un sujet d’une telle importance pour la vie des salarié·es ?
« Intellectuellement, je ne vous comprends pas ». Cyril Van Caneghem
Dans les discussions qui ont commencé à s’installer, Cyril Van Caneghem feint de ne pas comprendre l’enjeu de la mobilisation. Celui-ci a déclaré à Frédéric Sepulveda qu’il voulait « tout ça par écrit », en argumentant que sinon : « mon boss ne va pas me croire ». Et à plusieurs reprises, il a affirmé: « intellectuellement, je ne vous comprends pas ». Spécialiste dans le domaine de la formulation et du conditionnement de produits phytosanitaires, Mr Van Caneghem aurait donc du mal à suivre les demandes des salariés : « vous vous rendez compte, vous m’avez demandé 150 euros lors des premières négociations. On vous a dit non ! Et là ! Vous revenez et vous demandez 250 euros. » Le délégué de la CGT reste de ce fait dubitatif sur la volonté de la direction d’avancer. La production de l’usine, spécialisée dans les phytosanitaires, est à donc l’arrêt. Le personnel s’organise pour tenir un mouvement qu’il qualifie de déterminé et nécessaire. Sans l’instauration de ces rapports de forces, jamais les salarié·es n’obtiennent de leur direction la moindre amélioration de leur rémunération et de leurs conditions de travail.
