À la veille de l’inauguration du parc Frédéric Bazille par le maire de Castelnau-le-Lez, Frédéric Lafforgue, l’opposition municipale unie (Les Écologistes, La France insoumise, le Parti communiste français et le Parti radical de gauche) choisit une interpellation à la fois poétique et politique.
Une lettre imaginaire du peintre impressionniste, figure emblématique de la ville, est adressée symboliquement au maire. Le ton se veut grave et sensible : il s’agit de dénoncer la fuite en avant urbanistique qui, selon eux, défigure le paysage castelnauvien.
Castelnau, une mutation brutale dénoncée
Depuis plusieurs années, la ville connaît une mutation brutale. Zones naturelles rongées, terres agricoles sacrifiées, berges du Lez menacées : la bétonisation massive serait devenue la norme, et elle relègue au second plan les enjeux écologiques, sociaux et démocratiques. Les signataires du communiqué s’accordent à dire que le nouveau parc, bien que bienvenu, ne saurait servir de paravent à une stratégie d’aménagement jugée dépassée et opaque.
Sablassou c’est fini ou retour possible après modifications du projet ?
Au cœur de la contestation : l’OAP (Orientation d’Aménagement et de Programmation) de Sablassou. Pour la troisième fois, les commissaires enquêteurs ont émis un avis défavorable sur ce projet d’urbanisation. Un nouvel échec que Frédéric Lafforgue, loin de reconnaître comme un désaveu, attribue une nouvelle fois à un supposé manque d’impartialité des enquêteurs.
Pour Alexia Laforge (LFI), l’entêtement du maire à vouloir urbaniser ces terres fertiles est inquiétant : « Les conséquences seront irréversibles ». Le président de la métropole, Michaël Delafosse, a certes acté la sortie de Sablassou du vote global sur le PLUi, mais l’opposition redoute une stratégie en septembre-octobre, via une modification partielle du plan.
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Démocratie confisquée
La critique dépasse la seule question écologique : c’est tout le fonctionnement démocratique local qui est remis en cause. « À Castelnau, nul débat, nulle volonté pédagogique, nulle rencontre citoyenne avec l’enquêteur public », dénonce Jordan Homps (PCF), évoquant une démocratie locale « en panne ».
Même constat du côté de Jacques Burguière (PRG), qui dénonce sans cesse une vision « archaïque » du développement : « Déplacer une clinique après avoir rasé un quartier, détruire des emplois et des logements pour reconstruire ailleurs : est-ce là l’idée que l’on se fait du développement durable ? »
Le cas de la clinique, la fermeture de l’antenne locale de Veolia, ou encore la destruction de locaux d’activité sont autant d’exemples cités pour illustrer, selon eux, les effets délétères d’un urbanisme autoritaire, socialement destructeur et économiquement contestable.
Vers un changement en 2026 ?
Face à cette situation, les signataires formulent trois exigences : l’abandon définitif de l’OAP Sablassou, des études d’implantation alternatives, et une véritable concertation ouverte et transparente. « Frédéric Lafforgue va-t-il maintenant inventer le PLUi à la découpe ? », s’interroge Richard Corvaisier (Les Écologistes). Ce conseiller municipal d’opposition très affûté sur les dossiers de sa ville comme ceux de la métropole redoute une stratégie de contournement qui consisterait à faire passer séparément ce que la mobilisation a réussi à bloquer dans son ensemble.
Pour les forces de gauche et écologistes de Castelnau, la rupture est consommée. Ils appellent à une nouvelle ère, celle d’un urbanisme concerté et respectueux des habitants. Le scrutin municipal de 2026 est déjà dans les esprits et Richard Corvaisier prévient : « La Métropole doit renoncer clairement et définitivement au projet de Sablassou. Elle doit respecter la volonté des citoyens et laisser aux élections de 2026 le soin de trancher cette question majeure pour l’avenir de notre ville. »
Un message pertinent et impertinent, porté par la mémoire symbolique de Frédéric Bazille : artiste visionnaire, devenu le messager imaginaire d’une ville qui doit pouvoir se renouveler pour vivre en équilibre avec les exigences de l’urgence climatique et sociale de son époque.
Lettre imaginaire de Frédéric Bazille à Frédéric Lafforgue
Je suis peintre, je ne suis pas urbaniste. Mais je sais ce que l’on perd lorsque l’on tourne le dos au vivant, au beau, à l’équilibre. Ce que je vois ici, c’est l’effacement progressif de l’âme d’un lieu. Un effacement que la peinture ne pourra jamais réparer. Les promoteurs promettent le confort, l’efficacité et le rendement. Mais qui parlera pour la beauté ? Qui défendra le silence d’un matin sur le Lez, la fraîcheur d’un sous-bois, la lumière dans les champs cultivés ?
Je vous en conjure : ne laissez pas disparaître ce que j’ai tant aimé. Ne laissez pas comme trace de votre passage la disparition de ces terres de Sablassou et la construction d’une Maison du Numérique, dont la présence viendrait ternir la vocation même du parc que vous dédiez à ma mémoire.
Sauvez ce que la peinture n’a pu fixer qu’un instant. Préservez, renaturez, et surtout… regardez. »
