Du 17 au 21 mars 2025, l’Assemblée nationale examine deux propositions de loi en matière de lutte contre la criminalité organisée. La première, adoptée par le Sénat, voudrait renforcer l’arsenal répressif contre le narcotrafic afin de structurer l’action des pouvoirs publics. La seconde fixe le statut du procureur national de la République anti-criminalité organisée.
Ces textes ambitionnent de combler les lacunes actuelles de la lutte contre la délinquance structurée et transnationale.
Renforcement des dispositifs de lutte contre le blanchiment d’argent
La première proposition de loi entend structurer la lutte contre le narcotrafic en créant un parquet national anti-stupéfiants (PNACO), chargé du traitement des dossiers les plus sensibles et doté d’une compétence exclusive sur les crimes liés au trafic de drogue. Par ailleurs, un service chef de file sera institué pour coordonner l’action des services de l’État dans ce domaine. L’accent est mis sur le renforcement des dispositifs de lutte contre le blanchiment d’argent et l’exploitation des technologies numériques par les trafiquants.
Le texte prévoit ainsi la fermeture administrative des commerces suspectés de blanchiment, un accès élargi aux données de transport pour les douanes, ainsi que l’interdiction des « mixeurs » de crypto-actifs. Il introduit également des techniques d’enquête avancées, dont l’activation à distance d’appareils électroniques à des fins de surveillance, et l’infiltration en ligne. Le renforcement des pouvoirs d’enquête des douanes et la modernisation du statut des « repentis » font également partie des mesures phares.
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Des débats vifs en commission
Lors de son examen en commission des lois, le texte a fait l’objet de modifications substantielles. Parmi les amendements retenus, la présence de magistrats judiciaires au sein du service chef de file a été actée, tout comme l’extension des compétences du PNACO aux crimes de meurtre et de torture en bande organisée. La commission a aussi instauré une circonstance aggravante pour les trafiquants exploitant des personnes vulnérables.
En revanche, certaines mesures ont été supprimées. C’est le cas de l’obligation de déchiffrement des communications par les opérateurs, jugée attentatoire aux libertés individuelles. L’activation à distance d’appareils électroniques pour enregistrer des conversations a également été abandonnée pour des raisons de respect de la vie privée. Enfin, la commission a rejeté le concept de « dossier-coffre », qui aurait permis aux forces de l’ordre de conserver des preuves en dehors du dossier judiciaire.
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Un procureur national renforcé
La seconde proposition de loi organique, adoptée par le Sénat, fixe le statut du procureur de la République national anti-criminalité organisée. Sa durée d’exercice sera limitée à sept ans, alignée sur celle des autres magistrats, notamment le procureur antiterroriste. La commission des lois a validé cette disposition et a fixé l’entrée en fonction de ce nouveau procureur au 1er juillet 2026.
Vers une adoption sous tension
Ces textes provoquent un large débat, entre la volonté de renforcer la lutte contre le narcotrafic et la nécessité de garantir les droits fondamentaux. Si le texte prévoit des mesures fortes – création d’un parquet national dédié, renforcement du statut des repentis – il a été allégés en commission de plusieurs dispositions « problématiques », comme la garde à vue prolongée des « mules » ou la surveillance des trafiquants via objets connectés.
Reste que le gouvernement pourrait réintroduire par amendements en séance certains dispositifs, au risque d’une censure constitutionnelle. Ugo Bernalicis dénonce une « instrumentalisation sécuritaire » du texte par la droite et Gérald Darmanin.
Les rapporteurs de ces deux propositions de loi sont Vincent Caure (Ensemble pour la République, Paris), Eric Pauget (Droite Républicaine, Alpes-Maritimes) et Roger Vicot (Socialistes et apparentés, Nord).
