dimanche 16 mars 2025 • 14h33

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Pézenas : Ugo Bernalicis démonte le projet de loi contre le narcotrafic

Ugo Bernalicis conférence-débat Liberté Sécurité Sûreté Pézenas mars 2025 - Photo - PLURIELLE INFO
Ugo Bernalicis conférence-débat Liberté Sécurité Sûreté Pézenas mars 2025 - Photo - PLURIELLE INFO

Lors d’une conférence à Pézenas jeudi 13 mars sur le thème « Liberté, sécurité, sûreté : quelles réalités ? Quelles solutions ? », le député insoumis Ugo Bernalicis a démonté avec un talent certain les mécanismes et les dangers de la dérive sécuritaire. Il a tracé les pistes de solutions à la fois républicaines et humanistes.

Face à un État de plus en plus autoritaire et inefficace en matière de sécurité, il a tenu à rappeler les principes fondamentaux de la République issus de la Révolution française de 1789, aujourd’hui menacés par des pouvoirs vacillants qui ne survivent que par une surenchère sécuritaire et identitaire. En réalité, « ils ne veulent pas plus de sécurité, ils veulent plus de contrôle. »

De la sûreté à la sécurité : les droits humains à la trappe

« Si vous cherchez le mot sécurité dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, vous ne le trouverez pas , prévient l’orateur. En revanche, vous trouverez à l’article 2 de la DDHC la sûreté, notion qui protège les citoyens et citoyennes des abus de l’État » , de l’arbitraire et du « fait du prince », en plaçant toute enquête policière sous le contrôle d’un magistrat. La notion de sécurité recouvre elle la protection contre les agressions ou délits. Oublier la sûreté est un moyen d’instaurer des mesures liberticides sous prétexte de protection, c’est un moyen de remettre en cause « l’état de droit » démontre le député qui affirme : « Bruno Retailleau dit : l’État de droit n’est pas sacré. Mais en réalité, ce qu’il veut remettre en cause, c’est la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. ».

En toile de fond, Ugo Bernalicis constate que ceux qui prétendent défendre aujourd’hui la République dans un « arc » dont ils ont exclu la France Insoumise, sont les premiers à en bafouer les principes de « Liberté, Égalité, Fraternité » en leur substituant des notions plus vagues et pernicieuses qui appartiennent à la rhétorique du fascisme ( « les traditions », « notre façon de vivre », « la France des clochers »… etc. ). Ce qui conduira le député à dire dans sa conclusion : « ils nous ont volé la République, on va la reprendre. »

La fabrique de la peur comme stratégie centrale

Le député insoumis démonte la stratégie qui consiste à entretenir un climat anxiogène pour détourner l’attention des véritables enjeux sociaux. Il accuse notamment les médias et de trop nombreux responsables politiques de jouer sur la peur en survalorisant dans l’information les faits divers et menaces plus ou moins réelles pour paralyser l’opinion et renforcer leur pouvoir. Il insiste sur l’alignement des partis traditionnels sur les thèses du Rassemblement national, citant la phrase de Marine Le Pen lors du vote de la loi Asile-Immigration : « C’est une victoire idéologique totale » ce qui lui fait dire avec humour « pour une fois, je suis d’accord avec elle. »

Dans ce climat de peur savamment entretenu, le gouvernement multiplie les opérations de communication telles que les opérations « Place nette » dont Nathalie Oziol avait démontré en introduction toute l’inefficacité. « Ces opérations ne sont suivies d’aucun bilan », remarque la députée de Montpellier qui constate le déplacement des points de deal. Elle avait aussi fustigé les gesticulations médiatiques de Michaël Delafosse réclamant plus de pouvoirs aux maires alors que ce sont au contraire les moyens à la police judiciaire et à la justice qu’il faudrait renforcer.

Une loi contre le narcotrafic : dangereuse, inefficace et liberticide

Le maire de Montpellier, et plus naturellement celui de Béziers, cautionnent ainsi les dérives et fausses solutions portées par la proposition de loi « visant à sortir la France du piège du narcotrafic » adoptée au Sénat en février et qui va être débattue la semaine prochaine à l’Assemblée nationale. Ugo Bernalicis démonte toute son imposture. Alors qu’elle est censée cibler les « gros poissons », elle s’attaque avant tout aux habitant·es des quartiers populaires. « Le haut du spectre, les vrais gros trafiquants, ils sont à Dubaï, pas dans les HLM ! »

La proposition de loi prévoit en effet un certain nombre de mesures arbitraires, des sanctions administratives échappant au pouvoir judiciaire : la possibilité d’expulser des locataires sur simple suspicion d’implication d’un membre du foyer dans le trafic, l’extension des heures de perquisition, l’interdiction de paraître prises par le préfet … Même chose concernant la possibilité pour les maires d’interdire des commerces pour suspicion de participation au trafic ou de son blanchiment (ce que réclame Delafosse), « alors que l’essentiel de ce blanchiment passe par les mêmes filières que l’évasion fiscale » précise le député LFI. Bref, une justice sans juge, sans enquête ni preuve, rendue sur suspicion de délits… au facies ou à l’adresse ?

Autre aberration : la surveillance généralisée des communications sous prétexte de lutte contre le trafic de drogue. Dénonçant l’anachronisme des moyens préconisés et l’inefficacité des algorithmes censés traquer le narcotrafic avec des « mots-clés comme cocaïne », le député ironise : « Vous voyez un grand narco écrire sur WhatsApp : « Mets une tonne de cocaïne après-demain ? »

« La répression ne marche pas, la prévention et la dépénalisation oui. »

Le pire dans tout cela est que la répression ne fonctionne pas : « Darmanin a distribué des amendes forfaitaires comme des petits pains. 250 000 amendes pour consommation. Résultat ? La consommation ne baisse pas, elle augmente, » constate le député qui annonce la rédaction prochaine d’un nouveau rapport parlementaire d’évaluation des mesures mises en place par l’ancien ministre de l’Intérieur, notamment celle qui place la police judiciaire sous l’autorité des préfets.

Plutôt que de criminaliser davantage, Ugo Bernalicis prône une approche sociale et éducative. « On ne tombe pas dans le narcotrafic comme dans une marmite de potion magique » affirme-t-il, s’indignant que la société n’offre pas d’autres alternatives à des milliers de jeunes que de survivre de ce trafic. Une société dont le gouvernement actuel s’attaque comme jamais à tout ce qui peut les aider à y échapper : l’école en premier lieu, mais aussi la justice des mineurs, la prévention spécialisée, l’aide sociale à l’enfance, la protection maternelle et infantile, la médecine scolaire, la formation professionnelle, les associations de quartier… Pour lui, « la première des sécurités, c’est la Sécurité sociale. »

Pour combattre le trafic, « il faut regarder ce qui fonctionne » en s’appuyant sur l’exemple du Portugal qui a vu la consommation de drogues chuter après avoir dépénalisé leur usage…. et corolairement, le trafic disparaitre et les recettes de l’état augmenter.

Répondant aux nombreuses questions de la salle, Ugo Bernalicis a abordé avec la même conception humaniste le problème des prisons, de leur sur-occupation, des polémiques sur les portables et tablettes et le traitement matériel et médiatique visant à déshumaniser les prisonniers : « la souffrance n’est pas un objectif de la Justice en théorie. L’objectif, c’est de pacifier les relations, pas que les gens ressortent pire que quand ils sont entrés. L’objectif, c’est aussi la réinsertion » .

« La liberté, c’est la première des sécurités »

Ugo Bernalicis conclut une heure trente d’échanges animés par Patrick Delbac en appelant la gauche à ne pas traiter les questions de sécurité sous le même biais que la droite, mais à les aborder en gardant la vision républicaine et humaniste de l’État de droit. Prévoyant malheureusement une adoption de cette loi malgré son inconstitutionnalité manifeste (mais comment faire confiance à un Conseil présidé par Richard Ferrand ?), Ugo Bernalicis ne voit pas d’autre issue pour stopper la tendance fascisante que la victoire d’une vraie gauche : « il faut que l’on gagne, cette fois-ci ! Pas relativement, mais complètement ! » Et de renverser l’absurde maxime sécuritaire reprise depuis Manuel Valls jusqu’à Marine Le Pen « la première des libertés, c’est la sécurité » par « la liberté, c’est la première des sécurités. »

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