La grande salle de la Bourse du travail était archi comble ce jeudi 27 février pour le lancement du livre témoignage de François Liberti. Au point que son éditrice, Marie-Pierre Vieu, a pu dire “c’est exceptionnel qu’une présentation de livre ressemble autant à un meeting”.
Exceptionnel également le fait de “travailler à 800 km de distance avec un auteur qui n’a ni portable, ni internet” confie Caroline Constant, la journaliste qui a accompagné dans son long travail d’écriture l’homme qui se revendique de “la tradition de la tchatche” et qui corrige le propos avec un clin d’oeil à son épouse Anita : “ Je n’ai pas de portable ni internet, mais ma femme si”.
Figure incontournable de Sète, cet infatigable militant communiste, pêcheur devenu conseiller départemental puis maire et même député incarne à la fois la mémoire de la Ville et un engagement sans faille ni pause “au service de l’humain”, comme il a souhaité titrer son livre. Son histoire se confond avec sa ville, Sète qui “est née du Port et dont le port a fait la ville” dit-il en réponse à ceux qui veulent remettre aujourd’hui en cause le droit du sol.
« Ici, dans une ville-port, on vient tous d’ailleurs »
Rappelant l’arrivée de son grand-père, pêcheur italien venu se fixer à Sète avec d’autres compatriotes, il raconte : “après ce sont ceux de Catalogne et du Maghreb, ces gens venus de tous les ports de la Méditerranée qui ont fait l’identité culturelle de Sète, et qui ont fait du port de Sète le 1er port de pêche français de la Méditerranée”. Ces gens du peuple et de l’exil dont les enfants comme “Hervé Di Rosa, Robert Combas, Topolino, Cosentino…. tous ces plasticiens font aujourd’hui la renommée culturelle de notre ville qui rayonne à l’échelle internationale. C’est ça la richesse de notre ville. Certains l’oublient. Un port, c’est un lieu d’échange, entre les hommes et les femmes, entre les cultures, entre les savoirs-faire… Ici plus qu’ailleurs, on doit mesurer combien il faut rejeter tous ces discours sur l’immigration responsable des maux du monde. Ici, c’est l’immigration qui nous a fait vivants.”
Autre moment d’émotion quand François Liberti évoque ses souvenirs de collégien vivant en 1960 rue Lazare Carnot :”On voyait partir sur les bateaux quai de la République les armes et les soldats du contingent pour la guerre en Algérie, et on voyait aussi revenir les cercueils . A 13 ans, avec les copains, on a fondé le premier comité pour la paix en Algérie”.
La passion de la pêche et de la lutte
Issu d’une famille de pêcheurs italiens du côté de son père et de pêcheurs bretons du côté de sa mère, François raconte comment lui même est devenu pêcheur “un métier difficile, dangereux. Il n’y avait pas encore la mécanisation”, puis livre ses souvenirs de mai 1968 avec son syndicat CGT “La Coquille” dont tous les membres étaient (petits) patrons et la création de l’intersyndicale des métiers de l’étang de Thau….”Je pourrai en parler pendant des heures” reconnait-il, intarissable, puis il s’interrompt pour constater tout ce qu’il a oublié de mettre dans son livre. “Une fois qu’on a fini et que le bon à tirer est parti, tu regardes et là tu te dis, « putain, mais, tu n’as pas parlé de ça ! « . Dans cette lutte pour la pêche artisanale et l’ostréiculture, iI y a par exemple quelque chose que j’ai oublié mais je vais quand même vous raconter “. Tout le public se régale alors du récit de la longue bataille pour l’installation des mas au Barrou… Mais nous n’en dévoilerons rien ici car il y aurait peut-être bien de quoi écrire le volume deux.
« La gauche n’a gagné que quand elle a été unie avec un mouvement citoyen »
François Liberti a ensuite évoqué la belle aventure de son accession à la mairie en 1995/96 “parce que la gauche était unie” et d’un fructueux mandat de cinq ans; puis son expérience de député avec l’innovation de mettre en place un comité consultatif de circonscription.
Aujourd’hui, à 78 ans, il continue de militer et « même de coller des affiches de temps en temps ». Il retient comme priorités : ses activités dans son quartier de l’Ile de Thau (où il vit depuis 50 ans) pour aider les habitants à s’organiser, pour faire reculer le fléau du trafic de la drogue et agir avec Bancs Publics contre le projet de parking en centre-ville « écocide et absurde« . « Il s’y construit une vraie conception de la ville et de son aménagement dans tous ses aspects ».
Le militant-témoin a tenu à conclure son propos par un appel solennel à participer à la mobilisation pour les prochaines élections municipales “car il est urgent, urgent d’en comprendre la dimension et l’enjeu. Je n’ai plus de mandat mais je participe au mouvement citoyen Nouvelle Page qui travaille à structurer les citoyens et les forces engagées, tout ce qui fait le corps social, toutes les forces politiques de gauche, tout ce qui lutte et qui doivent se rassembler”. Les applaudissements nourris qui ont accueilli ses propos étaient sans doute motivés autant par leur sagesse et leur sincérité que par le respect dû à ces 65 ans d’engagement “au service de l’humain”, que chacun·e aura sans doute plaisir à découvrir à la lecture de son livre.
