Samedi 23 novembre, après avoir participé à la manifestation contre les violences sexistes et sexuelles à Montpellier, Clémence Guetté a pris la route de Ganges pour un débat autour du premier livre édité par l’Institut la Boétie : “Extrême droite : la résistible ascension”.
En préambule, Clémence Guetté précise faire la tournée des camarades “que nous voulons voir revenir à l’Assemblée” à l’exemple de Sébastien Rome, ancien député LFI de la 4e circonscription de l’Hérault, qui ouvre la soirée avec son regard avisé sur la montée du RN sur le pourtour méditerranéen. Elle remercie pour son accueil chaleureux le public de la salle archi comble du “Café du siècle” et du second local associatif “De l’autre côté” qu’il a fallu ouvrir pour recevoir tout le monde… Autant de lieux non marchands de sociabilité, de débats, de vie culturelle et d’action qui sont partout et surtout en milieu rural, un contrepoison à l’individualisme et à la peur de l’autre, terreau du vote RN.
Une tête bien faite qui ne « prend pas la grosse tête »
On comprend vite en écoutant Clémence Guetté comment cette jeune femme de 33 ans a pu, en quelques années seulement, coordonner le programme de Jean-Luc Mélenchon “L’Avenir en commun”, administrer le groupe insoumis à l’Assemblée Nationale, être en 2023 vice-présidente de l’Institut La Boétie et accéder en 2024 au “perchoir” de l’Assemblée Nationale en étant élue 1re vice-présidente. Brillant palmarès et hautes responsabilités qu’elle assume au prix d’un travail acharné. Loin de “prendre la grosse tête”, elle demeure toujours accessible, précise dans ses propos, calme et souriante, même sur les plateaux télé transformés en grand tribunal de la France Insoumise.
Une somme de connaissances pour résister !
Elle présente l’Institut La Boétie, fondation politique lancée en 2023 par la France Insoumise comme un « lieu de formation, d’éducation populaire et de recherche » (https://institutlaboetie.fr) qui a déjà à son actif de nombreux débats, conférences, groupes de recherche et publications utiles à tou•tes celleux qui veulent participer à la transformation profonde de la société. Ce premier ouvrage de librairie qui réunit pas moins de 18 contributeur•trices opère une synthèse des recherches en sciences sociales permettant d’analyser la montée de l’extrême droite et offre un outil pour déjouer le scénario de sa victoire en France, scénario rêvé et mis en scène médiatiquement par la classe dominante comme issue autoritaire à l’insoluble crise économique, sociale et démocratique à laquelle aboutit son système prédateur de la nature et de tous les droits humains.
Le titre même de l’ouvrage en donne l’ambition : “ la résistible ascension”. Pour Clémence Guetté, “il ne faut pas se désespérer. Et il ne faut pas non plus s’endormir sur nos lauriers. En juillet 2024, on a limité la casse. Mais 143 député·es RN, c’est beaucoup trop” dit-elle en rappelant le caractère fondamentalement violent de l’extrême droite et le danger concret qu’elle constitue pour les catégories les plus discriminées de la population.
La vérité sur l’électorat RN
L’analyse sociologique de l’électorat RN restituée dans l’ouvrage par Yann Le Lann ou Félicien Faury notamment, dément l’affirmation selon laquelle les ouvriers ou les ruraux voteraient majoritairement RN : “la caractéristique de l’électorat populaire, c’est surtout l’abstention” souligne Clémence Guetté qui complète : “le socle du vote RN est plutôt constitué de catégories intermédiaires, commerçants, artisans et professions libérales, majoritairement propriétaires, peu diplômées”. Mais insiste-t-elle, “ce qui est déterminant dans ce vote, c’est la dimension raciste : 82% des électeur·trices d’extrême droite se déclarent eux-mêmes racistes” .
L’enjeu pour ces catégories est de parvenir à « garder sa place » dans l’échelle des dominations au détriment des plus précaires et des plus pauvres, et non de remettre en cause le système, celui de la compétition néolibérale. Aux « clivages verticaux » sur l’échelle des richesses, antagonismes de classe bien réels dans une société où les inégalités se creusent et où les finances publiques sont pompées par les plus riches, le RN substitue et multiplie des « clivages horizontaux”, c’est-à-dire tous les moyens de division du peuple.
La vérité sur son programme et son soutien indéfectible aux puissants
Le RN est cependant condamné à buter sur ses propres contradictions, prédit Clémence Guetté. Derrière son discours dégagiste et faussement populaire, ce parti s’oppose à toutes mesures de justice sociale, comme il vient de le prouver dans le cadre du débat budgétaire. Il vote avec la droite et les macronistes pour s’opposer au rétablissement de l’ISF ou à la taxation des super-riches et des superprofits. « Faute de vouloir augmenter les recettes en prenant l’argent là où il est, son programme est inapplicable« . Il suffit de voir l’embrouille concernant son annonce de vouloir abroger la réforme des retraites sans en prévoir le financement et en votant contre la proposition sérieuse, dûment financée, présentée par le Nouveau Front Populaire. Pas facile d’expliquer de telles contorsions ! C’est peut-être une des causes de la faiblesse du corps militant du RN sur le terrain. « En réalité, son projet politique se réduit à son discours raciste« , plus aisé à pérorer sur les plateaux TV ou devant un comptoir.
Les responsabilités politiques de l’ascension
Clémence Guetté dénonce les dégâts du mandat Hollande qui a avalisé les diktats de l’économie capitaliste libérale et surtout, l’immense responsabilité de Macron dans l’implantation des idées d’extrême droite qu’il était censé combattre; extrême droite avec qui il partage en définitive, la vision de l’ordre (comme l’a martelé son ministre de l’Intérieur) et la survalorisation du thème de l’immigration que son 1er ministre veut réinjecter dans le débat public, comme s’il n’y était pas déjà omniprésent. “On assiste dans les faits à la fusion du bloc central (centriste) et du bloc d’extrême droite”, largement aidée en cela, voire commandée, par les médias bollorisées qui “orchestrent la politisation des peurs”.
“À nous de travailler à la crédibilité d’une politique de rupture avec le système, à montrer la nécessité d’une autre société, désirable”, et “de montrer concrètement comment on peut faire vivre des solidarités à toutes les échelles de territoire, notamment lors de la prochaine campagne des élections municipales” a conclu celle qui a postfacé un livre qui s’affirme d’ores et déjà comme un ouvrage de référence pour les militant·es humanistes et un outil indispensable de la lutte contre l’extrême droite.
