Depuis quatre mois, l’ONG BLOOM s’était tue. Ce silence inhabituel, explique sa fondatrice Claire Nouvian, n’était pas un repli mais une préparation. Dans un communiqué publié en cette fin d’octobre, la militante dénonce une vague d’intimidations d’une rare intensité, attribuée aux lobbies de la pêche industrielle. « Menaces, harcèlement, sabotage, espionnage, vandalisme », écrit-elle, décrivant ce qu’elle appelle une « guerre d’usure » destinée à épuiser son organisation.
Ces attaques surviennent dans un contexte de tension extrême entre l’État français, les industriels et les défenseurs des océans. Lors de la Conférence des Nations unies sur l’océan, en juin 2025, BLOOM avait révélé le « scandale des fausses aires marines protégées », accusant le gouvernement d’avoir présenté une carte trompeuse de zones prétendument interdites au chalutage profond. Une affaire rebaptisée « AMPgate » par les militants, qui pourrait déboucher sur un recours en justice contre l’État pour tromperie environnementale.
Claire Nouvian, lauréate du prix Goldman pour l’environnement en 2018, n’en est pas à son premier bras de fer. L’ONG qu’elle dirige a déjà obtenu, en 2016, l’interdiction du chalutage profond au-delà de 800 mètres. Mais cette fois, la militante estime que la riposte des industriels choisirait des méthodes de voyous. En juin dernier, Le Monde révélait qu’elle avait été intimidée à son domicile à quelques jours de la conférence internationale sur l’océan. Depuis, dit-elle, sa boîte aux lettres est régulièrement forcée et ses poubelles fouillées.
Ce climat de tension traduit la violence d’un affrontement plus large : celui du modèle de pêche industrielle, soutenu par d’importantes subventions publiques, contre la défense d’une pêche artisanale durable. BLOOM accuse les grands armements français et européens d’exercer une pression considérable à Bruxelles pour bloquer les réformes en cours sur la protection des fonds marins et la fin du chalutage dans les zones protégées. « Ce qui se joue au Conseil et au Parlement européen peut littéralement détruire l’Union européenne », alerte Claire Nouvian, convaincue que l’Europe est en train de céder face aux lobbies.
La cause de BLOOM dépasse la seule écologie marine. Elle pose la question démocratique : comment peser face à des intérêts économiques qui disposent d’un accès privilégié aux décideurs ? Comment garantir que les engagements climatiques de la France et de l’Union européenne ne se résument pas à des opérations de communication ?
Pour l’ONG, la réponse réside dans la mobilisation citoyenne. « Si l’un de nous tombe, dix sortent de l’ombre », écrit Claire Nouvian, invitant ses soutiens à « resserrer les rangs ». Car si les océans sont les poumons bleus de la planète, leur défense reste un combat dans le temps. BLOOM promet de reprendre la parole « plus puissamment que jamais ».