C’est une mobilisation citoyenne d’une ampleur rare qui pourrait provoquer un tournant démocratique. Dimanche 20 juillet à 17h50, la pétition demandant l’abrogation de la très controversée loi Duplomb a franchi le cap symbolique du million de signatures sur le site de l’Assemblée nationale.
Au-delà de son ampleur, ce succès ouvre la voie à un débat potentiel dans l’hémicycle, une première sous la Ve République.
Déposée le 10 juillet par Éléonore Pattery, une étudiante de 23 ans en santé environnementale, la pétition dénonce une loi jugée « scientifiquement, éthiquement, écologiquement et sanitairement aberrante ». Adoptée dans un relatif silence médiatique, la loi Duplomb autorise à nouveau l’utilisation de l’acétamipride, un pesticide interdit en France, mais encore toléré dans d’autres pays européens jusqu’en 2033.
« Tueur d’abeilles »
Cette loi répondrait aux demandes pressantes d’une partie du monde agricole, notamment des producteurs de betteraves et de noisettes, en quête de solutions contre les ravageurs. Mais pour ses opposants : associations écologistes, apiculteurs, syndicats paysans minoritaires, scientifiques et élus de gauche, cette réintroduction constitue un grave recul environnemental. Qualifié de « tueur d’abeilles », l’acétamipride suscite de vives inquiétudes, d’autant que les effets sur la santé humaine demeurent encore mal connus.
Conférence des présidents de l’Assemblée nationale
Le 19 juillet, la pétition franchissait le seuil des 500 000 signatures requises, réparties sur au moins 30 départements. Cet indicateur donne désormais à la conférence des présidents de l’Assemblée nationale le pouvoir de décider de son sort : soit classer le texte, soit organiser un débat public.
Si ce dernier venait à se tenir, il porterait uniquement sur la pétition, sans remettre en cause la loi elle-même ni permettre son abrogation. Mais un tel débat n’a encore jamais eu lieu dans l’Histoire de la République.
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La loi « ne pourra en aucun cas être remise en cause »
Face à la pression, la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, s’est dite « favorable » à ce débat, sur France Info, tout en rappelant que la loi « ne pourra en aucun cas être remise en cause ». Le sénateur LR Laurent Duplomb, auteur du texte, s’inquiète de « la concurrence déloyale » que subiraient les agriculteurs français sans cet ajustement.
À gauche, l’initiative est saluée comme un signe fort. Jean-Luc Mélenchon s’est félicité d’un débat « imposé par la mobilisation », Boris Vallaud demande à l’inscrire à l’agenda parlementaire dès la rentrée, et Marine Tondelier y voit « l’écologie qui contre-attaque ».
Quant aux grandes centrales agricoles, FNSEA en tête, elles dénoncent un retour en arrière dangereux. Mais pour les associations citoyennes, cette séquence marque une rupture. « C’est le début d’une nouvelle séquence politique », estime Fleur Breteau, du collectif Cancer Colèren auprès de l’AFP. Fracture donc, entre la majorité parlementaire et une opinion publique de plus en plus mobilisée sur les enjeux écologiques.
