Face à la colère légitime de la population qui ne trouve pas de médecin, en particulier les 11 % de Français de 17 ans ou plus sans médecin traitant, les parlementaires s’agitent et les organisations syndicales de médecins poussent des cris d’orfraie pour protester contre l’adoption d’une timide mesure de régulation de l’installation.
En effet, regardons de plus près le vrai problème qui est celui de savoir si l’organisation du système de santé doit relever des principes d’une mission de service public dans le cadre de l’aménagement du territoire. La réponse à cette question doit être un oui franc. Dans ce cas, il est légitime de considérer que la situation actuelle est la conséquence du maintien d’un système de médecine libérale qui repose sur deux principes imposés par la corporation médicale lors de la mise en place des premières assurances sociales après la Première Guerre mondiale : la liberté d’installation et la rémunération à l’acte.
Il est donc évident aujourd’hui que toucher à un de ces piliers sans toucher à l’autre n’aboutira qu’à un échec. En effet, une autre cause de la difficulté d’accès aux soins sont les dépassements d’honoraires consubstantiels du paiement à l’acte. Donc la bonne question à débattre au parlement n’est pas de se contenter du ventre mou d’une loi transpartisane, mais bien de se poser la question de l’extinction du mode d’exercice libéral.
L’exemple incomparable des centres de santé
Question politique clivante qui ouvrira les perspectives de vraies solutions. Nous voyons en effet aujourd’hui émerger un nouveau mode d’exercice qui permet à la fois de réguler l’installation des médecins et de sortir du paiement à l’acte, c’est celui de l’exercice salarié dans des centres de santé. Il est ainsi possible que les pouvoirs publics en lien avec les élus locaux décident du lieu d’implantation de ces structures qui seront financées par la Sécurité sociale avec un budget adapté prenant en compte les réalités locales qui ne sont pas les mêmes d’un territoire à l’autre. Le blocage aujourd’hui est financier. En effet, sous la pression des lobbies du monde libéral, les financements de la Sécurité sociale privilégient très fortement la rémunération des acteurs libéraux au détriment des centres de santé publics. C’est la raison pour laquelle la Fédération nationale des centres de santé vient de dénoncer la convention qui la lie à la Sécu et qui détermine les modalités de financement des structures qu’elle représente.
La solution politique est donc simple, il faut privilégier le financement des centres de santé pour leur permettre de proposer des salaires attractifs aux médecins et à leurs autres salariés, tout en leur assurant une stabilité financière globale. Il est ainsi possible de répondre à deux priorités de la population : avoir un médecin en proximité et ne pas payer de dépassements d’honoraires. En ce qui concerne les médecins, ils verront rapidement, en particulier les plus jeunes, que leur qualité de vie au travail s’améliorera tout en leur assurant une rémunération et une protection sociale de qualité.
[NDLR] : les centres de santé dont le docteur Christophe Prudhomme, médecin urgentiste, préconise le développement comme modèle de médecine accessible et efficace sont les centres de santé publics. Ils n’ont rien à voir avec des centres, le plus souvent dentaires ou d’ophtalmologie, qui portent le même nom, mais qui appartiennent à des groupes privés peu scrupuleux qui n’hésitent pas à frauder l’Assurance maladie pour accroître leurs profits. 30 centres de ce type ont été fermés l’an dernier et la CPAM vient d’en déconventionner 7 pour un préjudice estimé à 6,6 millions d’Euros.
