Parking Aristide-Briand à Sète : mauvais signe du Tribunal administratif

Sète Bancs Publics François Piettre rend compte de l'audience - Photo - Isabelle Goutmann
Sète Bancs Publics François Piettre rend compte de l'audience - Photo - Isabelle Goutmann

Deux jours après l’audience au tribunal administratif de Montpellier qui devait examiner les requêtes déposées par le collectif Bancs Publics contre les divers documents officiels autorisant la réalisation du parking Aristide Briand, le rassemblement du samedi 5 juillet était empreint de gravité et de colère.

Les responsables du collectif ont rendu compte en détail de cette scène surréaliste au cours de laquelle le rapporteur public a rejeté un à un les recours déposés, que ce soit contre le permis de construire, l’abattage des arbres, l’enlèvement du kiosque à musique , l’absence d’étude d’impact environnemental sur la base de faux documents et enfin le pompage excessif qui menace à présent tout l’équilibre du bassin de Thau… etc. Le communiqué publié par le collectif à la sortie du tribunal était titré « L’avis du rapporteur public ou le jeu des x erreurs entre réel et virtuel. »

Ignorance de la réalité de terrain

Audience surréaliste en effet car en contradiction avec la réalité de terrain qu’il est pourtant aisé de vérifier : L’entrée et la sortie du parking, par exemple, sont déjà en construction rue Gabriel-Péri, alors même que l’instruction officielle évoque une sortie côté boulevard Casanova. Aucun permis modificatif n’a été produit. Le rapporteur passe dessus…

Autre exemple : L’arrêté préfectoral prévoit le remplacement des 57 arbres arrachés par des arbres à croissance équivalente alors que le système “tree-parker” retenu dans le projet limitant la profondeur de terre à 1,50 m empêche toute croissance d’arbre au-delà de 10 à 12 mètres. Qu’à cela ne tienne, « il n’y aura qu’à rajouter de la terre… » aurait-on dit en audience.

Et puis enfin, le dépassement du seuil de pompage justifiant l’exemption d’étude d’impact environnemental (182 000 m3 au lieu des 30 500 m3 annoncés) pourtant dûment constaté par une expertise judiciaire. Circulez, il n’y a rien à voir.

Rejet, rejet, rejet… ça n’a été que ça ! C’était un moment effarant”, relate François Piettre. “On a décidé d’être sages parce qu’on voulait pouvoir écouter la plaidoirie de notre avocat, mais franchement, on a compris qu’on avait affaire à une justice qui ne respecte pas les citoyens”

L’aplomb avec lequel le rapporteur a rejeté chaque requête sans la moindre considération pour les arguments pourtant irréfutables et pièces apportées au dossier indique le niveau élevé de connivence entre cette mal nommée “Justice” et le pouvoir politique en responsabilité de ce chantier, comme l’a démontré l’avocat du collectif, Maître Stéphane Fernandez. Sachant que les juges suivent généralement l’avis du rapporteur, les défenseur·ses de la place Aristide Briand ne sont guère optimistes quant à la décision finale qui sera rendue aux alentours du 20 juillet.

L’état au service de qui ?

La colère est à son comble. Si elle ne s’est pas exprimée dans l’enceinte du tribunal, ici à Sète, elle fuse de partout : “On nous a roulés”, “Y’en a marre”, entend-on dans la foule. “Si le tribunal administratif, au regard du cynisme du rapporteur, démontre la vitalité de l’Ancien Monde, la réalité rappelle que la nature reste toujours maîtresse du destin et de notre destin”, a proclamé Henri Loison au nom du comité des usagers des cycles de l’eau du Bassin de Thau.

Même état d’esprit mêlant colère et détermination quand, en direct par téléphone, les amis sétois du GNSA (groupe National de Défense des Arbres) décrivent le dispositif policier mis en place dans le Tarn où devait se tenir le rassemblement des opposant·es à l’A69,  rassemblement interdit par le Préfet “Barrage de police, drones dans le ciel. On est ici aussi dans l’aberration écologique. On n’a pas d’autres choix que de résister. Voilà les nouvelles du front” déclare Corinne pourtant prête à affronter les gaz lacrymogènes.

Chacun.e perçoit dans ce concentré d’événements, entre saccage environnemental et mépris des lois, intimidation et répression, fuite en avant écocide, déni climatique et affairisme, une “trumpisation de la société” comme le qualifie Christophe Lalia. Localement, il avertit : “Ne nous leurrons pas, même sans Commeinhes, ça ne s’améliorera pas. Au contraire, ses élèves veulent faire plus fort que le maître”.

Un quart du budget de l’État consacré aux “aides aux entreprises” et combien versé par les collectivités qui assurent 70% des investissements publics confiés à quelques entreprises dominant le marché ? En parallèle à la confiscation massive de l’argent public au service des intérêts privés, force est de constater que les grandes institutions régaliennes que sont la Justice et la Police sont mises au service prioritaire des intérêts du BTP, de l’agrobusiness ou du Big Pharma… voir des trois à la fois dans le cas de l’A69.

La balle est dans le camp des citoyen·nes

Comme pour le droit international sur lequel s’assoient allègrement de trop nombreux pays, l’état de droit est de plus en plus remis en cause en France, pas seulement du fait de l’indigence des moyens accordés à la justice, mais par choix politique revendiqué au plus haut niveau de l’État. Sans compter que les juges traînent autant à appréhender les enjeux environnementaux que ceux des violences sexistes et sexuelles. Dans cette agora du samedi matin, Bernard Colin ne s’est pas privé de rappeler que 97% des plaintes pour viol sont classées sans suite ou finissent par une relaxe de l’agresseur. Quel que soit le domaine, c’est donc aux citoyen·nes qu’il revient de défendre leurs droits et de faire appliquer la loi, coûte que coûte.

Malgré ce qui pourra être dans quelques jours un revers dans la bataille engagée pour rendre au cœur de ville sa respiration en évitant « d’y entasser des bagnoles dans une boîte hermétique, mais pas du tout étanche« , la guerre n’est pas perdue. Les animateur·trices de Bancs Publics ne se découragent pas : “Ne baissez pas les bras. Ils veulent nous noyer. Mais on est là et on ne lâche rien”. Selon elleux, le chantier risque de s’auto-détruire face aux difficultés techniques et financières. Des entreprises ne sont pas payées et pourraient se retourner contre le maître d’ouvrage. Et deux procédures sont encore en cours d’instruction.
On reprendra cet espace », assure Christophe Lalia. « Un jour, on dansera sur cette place parce que c’est l’espace public que l’on va récupérer et c’est nous-mêmes qui allons le ré-imaginer”.

À retenirJuridiction administrative, une justice à part

La justice en France est organisée en ordres et juridictions. Elle distingue l’ordre judiciaire (divisé en justice civile pour les litiges privés et justice pénale pour les délits et crimes) et l’ordre administratif.

Le rôle de la justice administrative est de juger un conflit qui oppose un citoyen, une association ou une entreprise à l’administration publique (de l’État, des collectivités territoriales et des administrations de la Sécurité sociale) parce que depuis 1790,  celle-ci n’est pas considérée comme un justiciable ordinaire.

Bien qu’en charge de faire respecter la loi, cet ordre à part peut être considéré comme une justice spéciale, pour ne pas dire d’exception, puisqu’il est à la fois juge et partie. Outre le fait qu’il n’a pas de moyens d’investigation, et qu’il dépende directement de l’état, le juge administratif (qui n’existe pas dans de nombreux pays) est toujours plus enclin à donner raison à l’administration puisqu’il est gardien de son action. Cette justice s’exerce par des tribunaux administratifs répartis par département, puis en Cour d’appel qui permet de « délocaliser » les affaires et enfin, ultime recours, avec le Conseil d’État.

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