L’enquête publique sur le plan local d’urbanisme intercommunal PLUi est ouverte depuis ce mercredi 29 janvier, et ce jusqu’au 28 février. Dès son ouverture, il y a du monde dans les mairies pour rencontrer les commissaires enquêteurs.
Même si le maire de votre ville est, en vertu de la loi française, un officier de police judiciaire et un officier d’état civil , rassurez-vous : le commissaire enquêteur n’est pas là pour enquêter sur vous et vos motivations. Il est là pour recueillir la parole des citoyen·nes, autrement dit pour faire vivre la démocratie. Ils sont 11 commissaires sur le territoire, désignés par le tribunal administratif et sont à priori tous sympathiques et pédagogues sur « un dossier énorme et complexe » autant pour les politiques que pour les administrés.
[VIDEO] Interview Philippe Bosch, commissaire enquêteur :
À Clapiers, Cécile attend son tour. Elle habite Prades-le-Lez, et elle est là pour dénoncer un point du nouveau PLU intercommunal qui prévoit de transformer une partie de sa parcelle privée en « zone verte », la rendant inconstructible. En 2012, cette zone était classée en secteur urbanisable, avec 1 500 m² destinés à la construction. Or, en 2025, non seulement ces 1 500 m² deviendraient inconstructibles, mais 500 m² supplémentaires sont reclassés en zone verte. Un changement brutal qui annule tout projet immobilier et entraîne une forte dévalorisation foncière pour Cécile : « on nous parlait d’urbanisation possible, aujourd’hui, on évoque une biodiversité remarquable », s’indigne-t-elle, face à ce qui lui apparaît comme une incohérence.
À l’inverse, ce sont surtout certaines OAP (Opération d’aménagement et de programmation) qui inquiètent comme à Malbosc à Montpellier qui conservent la menace des pelleteuses pour y installer des équipements, comme à Sablassou où des terres agricoles cèderaient la place à une clinique (alors que l’ARS n’a pas validé de lits supplémentaires). Le classement de parcelles dont le caractère constructible n’était pas contesté en zone verte à Prades-le-Lez ressemblerait presque à un alibi « greenwashing » dans ce PLUi ou une petite compensation aux hectares volés à la nature.
Sophie, habitante de Grabels, vient elle pour contester la mise en place des OAP et du PLU de Montpellier sur sa commune. « Il y a des OAP qui me semblent totalement inégales, voilà. » Elle pointe notamment la différence entre la Valsière et Gimel : « La Valsière, c’est dans une zone urbanisée, Gimel, c’est en extension. » Pourtant, les règles de densité ne sont pas les mêmes : « R+6, R+7 à Gimel, mais à la Valsière on est sur du R+1, R+2 parce qu’il y a une canopée extraordinaire », dit-elle d’un ton moqueur. Elle dénonce aussi un manque de prise en compte des commerces et des transports pour certains secteurs : « tous les commerces de proximité, ça n’existe pas pour la colline, pour le centre, oui, ça existe. Les transports en commun, aucune prise en compte.» Malgré tout, un élément est préservé : « On conserve le chemin de Compostelle, c’est magnifique, non ? » pointe-t-elle avec ironie. Elle souhaite signaler au commissaire enquêteur que selon elle, « le SCoT (schéma de cohérence territoriale) n’est pas appliqué. »
Exercer son droit de participation
Dans la profusion de documents pas forcément accessibles aux citoyen·nes, il est légitime de se poser la question : est-ce un PLUi Climat ou un PLUi Promoteurs qui veut s’imposer à la métropole ? Lors d’une conférence de presse organisée devant la mairie de Clapiers, Carine Barbier, conseillère municipale d’opposition et membre du groupe Ensemble pour Castelnau, a dénoncé une « parodie de concertation » et une « entrave à la démocratie locale ».
L’un des principaux griefs exprimés concerne l’absence de permanence des commissaires-enquêteurs à Castelnau-le-Lez, pourtant la deuxième commune de la métropole avec plus de 25 000 habitants. Contrairement à Clapiers, Sainte-Drezéry et Castries, où des permanences sont organisées, les Castelnauvien·nes n’ont pas la possibilité de consulter les documents en version papier ou d’apporter leurs contributions autrement que numériquement. « Ce PLUi est d’une ampleur considérable, avec des centaines de pages et de nombreuses cartes à analyser. Comment les personnes âgées ou moins familières avec les outils numériques peuvent-elles exercer leur droit de participation ? », s’inquiète Carine Barbier. L’élue d’opposition note une volonté des maires de restreindre la participation citoyenne : « Cette enquête publique semble gêner certains édiles, à commencer par le maire de Castelnau, Frédéric Lafforgue. A-t-il délibérément demandé l’absence de permanence dans sa commune ? »
[VIDEO] Conférence de presse des élues Ensemble pour Castenau et membre de l’association :
La bataille de Sablassou
Au cœur des tensions, le projet d’urbanisation de 11 hectares de terres agricoles à Sablassou continue de faire vivre un débat essentiel pour l’avenir de la commune. L’été dernier, une enquête publique sur la création d’une réserve foncière avait déjà récolté près de 1 000 contributions, dont 98 % opposées à l’artificialisation de ces terrains fertiles et irrigués. Le commissaire-enquêteur avait alors rendu un avis défavorable. Pourtant, le projet réapparaît dans le PLUi-Climat sous la forme d’une opération d’aménagement et de programmation (OAP Sablassou).
Pour Carine Barbier, cette obstination représente un « véritable déni de démocratie », elle n’hésite pas et selon elle « le conseil de métropole a ignoré les avis négatifs des habitants, des associations et même du commissaire-enquêteur. Pourquoi maintenir cette OAP contre l’intérêt général ? ».
Des enjeux environnementaux et économiques
Sablassou est située sur une nappe phréatique affleurante et des terres alluvionnaires riches, qui devraient être préservées selon les recommandations préfectorales. De plus, une étude de la préfecture identifie la zone comme étant à risque d’inondation, renforcé par la proximité de la voie ferrée qui sert de bassin de rétention. « Comment justifier la bétonisation de zones agricoles tout en prétendant lutter contre le changement climatique ? », questionne l’élue. Outre les préoccupations écologiques, les conséquences économiques sont également pointées. L’urbanisation de Sablassou entraînerait l’expulsion d’une entreprise de recyclage de déchets électroniques employant des personnes en situation de handicap. « Cette activité essentielle serait remplacée par une clinique privée. Où est l’intérêt général dans ce choix ? »
Quelle suite pour l’enquête publique ?
Face à ces critiques, Ensemble pour Castelnau demande une prolongation d’un mois de l’enquête publique, jugée trop courte pour un dossier aussi complexe. « Les habitants doivent se mobiliser massivement », insiste Carine Barbier. L’opposition dénonce également le manque de transparence sur l’étude des alternatives à l’implantation de la clinique du Parc. « Le maire de Castelnau affirme qu’une étude interne a été réalisée, mais elle n’est pas publique. Si la métropole en a commandé une autre, nous exigeons qu’elle soit rendue accessible et réalisée de manière indépendante ».
Alors que 31 maires de la métropole ont déjà validé ce PLUi, seule une forte participation à cette enquête publique pourra infléchir les décisions de la métropole.
