Menaces sur l’industrie gardoise : la France insoumise mobilisée

Aimargues juin 2025, Sébastien Rome, Aurélie Trouvé, Raphaël Arnault - Photo - JEF / LAB_ PLURIELLE INFO
Aimargues juin 2025, Sébastien Rome, Aurélie Trouvé, Raphaël Arnault - Photo - JEF / LAB_ PLURIELLE INFO

La France insoumise n’est pas en terrain conquis en Petite Camargue. Pourtant, plus de 180 personnes ont assisté au meeting organisé autour de l’alerte sociale concernant l’emploi industriel dans le Gard. Un mercredi soir à 20h30, à Aimargues — là où le RN dépasse haut la main les 50 % dès le premier tour — cette mobilisation est un signe : celui du bon écho donné à une méthode modeste, qui consiste à se mettre au service des salarié·es.

Perrier (propriété de Nestlé), la Verrerie du Languedoc (propriété d’Owen Illinois), Éminence, Royal Canin, Solvay… Le nombre d’industriels implantés dans le Gard annonçant des suppressions d’emplois, voire la fermeture de sites, donne le tournis. D’abord aux salarié·es de ces entreprises, qui « sentent bien qu’il se passe quelque chose d’anormal dans le Gard, tout ferme d’un seul coup », pour reprendre les mots de Sandrine* (le prénom a été changé), qui fait partie de la quarantaine de femmes craignant de perdre leur emploi à Sauve, dans l’un des derniers ateliers de confection de sous-vêtements de France.

Crainte d’un déménagement durant l’été

Reçues par la présidente de la commission des affaires économiques ce 26 juin, la députée FI Aurélie Trouvé, trois des employées aujourd’hui au chômage partiel (deux jours de travail par semaine) ont exprimé leur désarroi et leur impuissance. Elles craignent que les dirigeants profitent de la pause estivale d’août pour déménager les machines. Le tri a déjà été fait entre « celles qui fonctionnent et celles qui demandent de la maintenance. Celles qui fonctionnent n’ont jamais été aussi propres. » L’entreprise profite des jours chômés pour faire le ménage…

Fondée en 1944, dans le Gard, par un juif et un protestant, Georges Jonathan et Gilbert Sivel, juste après la période noire du nazisme où de nombreux Juifs trouvèrent refuge dans les Cévennes protestantes, Éminence est le symbole de ces entreprises familiales attachées au territoire et à leurs employés. Mais cette époque semble bien lointaine pour les dirigeants de Delta Galil Industries, qui ont racheté en 2018 l’une des dernières entreprises de fabrication de sous-vêtements 100 % français.
Après la décision de la marque « Le Slip français » de produire en interne dans sa nouvelle usine d’Aubervilliers à partir de 2025, les commandes pour l’usine de Sauve s’effondrent. La contrainte de produire un produit haut de gamme, 100 % français, constituait une protection pour ces couturières aux savoir-faire inégalés. Délivrés de cette exigence patriotique, les dirigeants concentrent depuis le début de l’année leur production au Bangladesh et au Maroc, laissant aux ouvrières françaises le soin de rattraper les malfaçons. Objectif ? Augmenter les profits. À terme, c’est le site d’Aimargues, avec près de 250 employé·es, qui est menacé.

BlackRock et Perrier-Nestlé à l’œuvre à Vergèze

Les « filles » de Sauve cèdent la place aux « garçons » de la verrerie dans la salle Lucien Daumas d’Aimargues, servant pour l’occasion de permanence pour l’urgence sociale.

Pour la Verrerie du Languedoc, qui produit toutes les bouteilles en verre pour Perrier, on retrouve la même logique vorace des actionnaires. Alors même que l’entreprise enregistre une progression de 7 % de ses bénéfices, le fonds d’investissement très proche de l’Élysée, BlackRock — principal actionnaire du groupe américain Owen Illinois, verrier international — décide de supprimer plus de 500 postes en France, dont la fermeture du site gardois de la Verrerie du Languedoc à Vergèze. Accolée à Perrier, la verrerie avait été créée pour permettre au groupe, alors familial, de partir à la conquête de l’Amérique. C’est une réussite : plus d’un milliard de bouteilles par an. Perrier et sa bouteille emblématique dominent le marché de l’eau de source naturelle gazeuse, avec ce positionnement unique de « champagne des eaux ».

Après la reprise par Nestlé dans les années 1990, le groupe suisse décide de se séparer de la verrerie, tout en continuant d’être le principal donneur d’ordres. Les trois quarts de la production de bouteilles, « commandées par simple coup de fil entre les équipes de Perrier et de la Verrerie », alimentent le géant de l’agroalimentaire.

Mais là encore, la voracité du capitalisme n’a pas de limites, comme le constatent les représentants de l’intersyndicale fortement mobilisés. BlackRock exige une rentabilité de près de 20 % sur ses actions ! Comble du cynisme : alors qu’Owen Illinois veut fermer le site de Vergèze, ce même groupe répond à l’appel d’offres de Perrier-Nestlé pour produire… les bouteilles de Perrier ailleurs en France ou en Europe. Le bilan du passage de l’entreprise sous la coupe d’un fonds de pension — source de financement des retraites américaines —, c’est l’absence d’investissement dans un site pourtant à la pointe de la production décarbonée de verre. Résultat : des milliers de camions supplémentaires sur les routes pour transporter des bouteilles, avec un impact écologique doublé. Une double absurdité.

Mais cette absurdité cache un crime plus grand encore, celui de Perrier-Nestlé. En doublant la production annuelle, passant d’un à deux milliards de bouteilles, alors même que « selon les anciens, la capacité de régénération de la source ne dépassait pas le milliard », le géant suisse a épuisé la ressource naturelle. Résultat : le pompage d’eaux qui ne sont plus naturellement filtrées.
La perte du label « eau naturelle » aura des conséquences désastreuses pour les salarié·es de Perrier et de la Verrerie, rendant le site moins attractif pour un éventuel repreneur. Le capitalisme exploite à outrance la terre, autant que les femmes et les hommes.

Les étapes de  la mobilisation

Dans ce contexte, le meeting d’Aimargues du 25 février et l’appel à la mobilisation du 3 juillet prochain à Vergèze sont autant d’étapes vers une mobilisation populaire contre la voracité de ces grands groupes. À la tribune, Sébastien Rome, ancien député de l’Hérault, enfant du pays dont le père travailla à la Verrerie, s’adresse aux salariés en lutte : « Le combat que vous menez vise non seulement à sauver vos emplois, mais sert aussi d’apprentissage de la lutte pour la population et les jeunes. […] Nous sommes là et nous serons encore là, à vos côtés. » Il rappelle la mobilisation des militant·es insoumis·es, particulièrement investi·es dans cette cause.

Raphaël Arnault, jeune député du Vaucluse, déjà présent à Vergèze lors de la venue de Manuel Bompard en avril dernier avec Nathalie Oziol (députée de l’Hérault) et Sébastien Rome, se souvient : « Il y a un an à peine, j’étais au SMIC. Je sais ce que fait le capitalisme à nos corps et à nos esprits. Quand on est malade, on a honte. Honte de le dire à son patron, honte de le dire à ses collègues. Qui parmi vous n’a jamais suspecté un collègue d’être un tire-au-flanc quand il disait qu’il était malade ? Moi, je l’ai pensé. Nous l’avons tous pensé. Et bien, cette division, c’est celle que le capitalisme installe entre nous. »

Aurélie Trouvé clôture la soirée en détaillant l’abandon de l’industrie par les macronistes, évoquant « le plus mauvais ministre de l’Industrie de la Ve République, le témoin de mariage de Macron, Marc Ferracci, millionnaire grâce à un cabinet de conseil hérité de son père. » Elle poursuit : « Ce qui se passe à la Verrerie est en tout point comparable à ce qui se passe chez ArcelorMittal. L’État accepte, voire encourage, la disparition du savoir-faire français. Qu’il soit sacrifié sur l’autel des profits des actionnaires leur est indifférent. Même des députés de droite commencent à s’en rendre compte. […] Il est urgent de censurer ce gouvernement. Malheureusement, lorsque nous pouvions faire tomber Bayrou, le PS a refusé la censure. Aujourd’hui, ils y reviennent, mais c’est par assurance que le RN ne la votera pas. PS et RN, pour des raisons différentes, portent une même responsabilité : maintenir ce gouvernement qui détruit l’industrie, les emplois, les services publics et ne fait aucun investissement nécessaire, notamment en matière d’écologie. »
Elle ajoute qu’un pacte est possible entre les « vrais entrepreneurs » et le programme de la France insoumise : « En tant que présidente de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, je rencontre de nombreux chefs d’entreprise. Tous nous demandent la même chose : une planification économique et écologique pour avoir une lisibilité de l’avenir et enclencher les investissements. »

Mais ce sont les représentants du personnel des sites d’Éminence à Sauve et de la Verrerie de Vergèze qui ont recueilli les plus vifs applaudissements. Dans un discours clair sur la responsabilité de Macron, sur la réalité politique du pays et sur le cynisme des dirigeants, ils ont rappelé à toute la salle l’importance de la mobilisation.

En conclusion de la rencontre avec Aurélie Trouvé, celle-ci s’est engagée à obtenir les réponses de Nestlé et d’Owen Illinois qui manquent encore aux salarié·es. L’Union régionale des SCOP était également présente pour accompagner les couturières de Sauve. En quelques mots, la France insoumise s’est mise au service des ouvrières et des ouvriers du Gard — ce que le RN ne fera jamais.

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