La question des infrastructures routières et de leur pertinence à l’ère de l’effondrement écologique a dominé les débats lors de la conférence consacrée au projet de contournement ouest de Montpellier (COM), organisé par l’Observatoire de la faculté d’économie de l’université de Montpellier en cette mi-janvier.
Mardi, réunis pour examiner ce projet vieux de trois décennies, des économistes, des experts en transports et des militants ont pointé les limites d’une approche encore centrée sur l’automobile, dans un contexte où les objectifs climatiques exigent un changement radical des politiques d’aménagement.
Un modèle dépassé
Mathias Raymond, maître de conférences en sciences économiques, a retracé l’évolution des infrastructures routières en France. Après 1945, l’automobile devient le pivot des déplacements. Cet usage banalisé entraîne un développement massif du réseau routier : une multiplication par cinq des routes goudronnées entre 1960 et 1970. Mais, depuis 2000, l’utilisation de la voiture en milieu urbain stagne. Pourtant, les chiffres restent parlants : en 2022, 82 % des transports intérieurs se font en voiture, et la moitié des trajets de moins de 3 km utilisent encore ce mode de transport.
Résultat : la mobilité est le premier émetteur de gaz à effet de serre en France, avec 32 % des émissions nationales de CO2, dont 94 % attribués au transport routier. Ces données posent la question : pourquoi continuer à construire des routes alors que leur impact environnemental est connu et documenté ? Mathias Raymond évoque la loi de Zahavi et le paradoxe de Downs-Thomson, qui démontrent que l’élargissement des routes engendre un trafic supplémentaire sans résoudre la congestion. Pire encore, il aggrave au passage l’étalement urbain et la dépendance automobile.
Les défis du COM
François Mirabel, spécialiste de l’économie des transports, a souligné que les orientations actuelles reposent sur des objectifs ambitieux, comme la neutralité carbone d’ici 2050. Les lois françaises récentes (TECV, LOM, Climat et Résilience) et la stratégie nationale bas carbone (SNBC) encouragent des politiques favorisant la sobriété et la réduction de l’impact écologique des infrastructures. Or, le projet du COM semble aller à contre-courant de ces orientations.
Prévu pour relier l’A750 à l’A709, le COM promet une fluidité temporaire, mais, selon Hugo Arnichand, membre de l’association The Shifters, son impact global risque d’être contre-productif. Non seulement les congestions se déplaceront sur d’autres axes, mais le projet n’intègre pas les effets du « trafic induit » dans ses études d’impact. Résultat : une augmentation des émissions de CO2 et des particules fines va contredire les promesses d’une réduction des pollutions.
Une vision alternative
Les opposants, dont Céline Scornavacca du collectif AutreCom, militent pour une autre approche. Selon eux, l’avenir réside dans une réduction de la place de la voiture au profit des mobilités douces et des transports en commun performants. Ils appellent à des solutions alternatives, comme des lignes de bus en libre-service, un réseau cyclable ambitieux et des mesures de sobriété pour limiter l’usage des véhicules individuels. À Paris, où le trafic automobile a été réduit de moitié, « ces transformations montrent qu’un tel changement est possible ».
Une information locale biaisée ?
La conférence a également noté un problème de manque de transparence, voire de fakenews. Certains médias locaux, comme La Gazette de Montpellier, ont été accusés de relayer des informations biaisées, en lien avec les intérêts de Vinci, porteur du projet. La distribution de prospectus vantant les mérites du COM illustre, selon les intervenant·es, la difficulté pour le public d’accéder à une information neutre et objective.
Sur le territoire de l’Hérault, la pertinence des projets comme le COM est largement remise en question. Les experts appellent à repenser le modèle d’aménagement, non plus en fonction de l’automobile, mais autour des principes de sobriété, de résilience et d’équité sociale.
Pour eux, une transition est possible, encore faut-il que les élus aux commandes des budgets s’engagent sur cette voie. Avec ce COM, Montpellier et sa métropole se retrouvent à la croisée des chemins : qui osera politiquement prendre le virage du futur, plutôt que de rouler à contre-sens ?
