Dans l’Hérault, Sète, dite l’île singulière, la ville de Brassens vit des heures politiques mouvementées à quelques encablures des prochaines élections municipales. Au théâtre de la Mer, c’est une ambiance « sergent recruteur », les tambours en moins, le parti communiste en plus, pour ouvrir une nouvelle page.
La « Nouvelle Page pour Sète » (NPPS) veut s’écrire. Une première réunion publique a eu lieu dans la salle Tarbouriech du théâtre de la Mer, le mercredi 25 septembre 2024. À l’entrée, dès 18h30, François Liberti, l’ancien maire PC de la ville 1996-2001, et Gabriel Blasco qui se définit comme le « double candidat Nupes et NFP des deux dernières Législatives » accueillaient leurs amis sétois. Les deux hommes serraient des mains et claquaient quelques bises.
L’objectif de cet événement était de lancer la campagne des Municipales en tentant de zapper (dans un premier temps) les organisations et les militants de gauche PS, LFI, et Les Écologistes. Une opération en apparence réussie, la salle s’est remplie d’une centaine de personnes. Le PCF de Sète veut prioriser les citoyens. Normal, il faut construire une nouvelle légitimité rapidement, lorsque sur une ville de 45 000 habitants avec 33 815 inscrits, ce parti n’a recueilli que 779 voix pour les élections européennes de juin dernier. Plus marquant, son candidat PC/NFP Gabriel Blasco a été battu dès le premier tour par le candidat RN Aurélien Lopez-Liguori dans cette 7e circonscription de l’Hérault. L’heure est au sauvetage électoral.
« Faire émerger des nouveaux visages » ou « une 5e défaite aux élections municipales.» ?
Ce ne sont pas les « citoyens » qui ont expliqué la naissance de la NPPS, mais bien des élues « n’appartenant pas à un parti politique. » Il semblerait qu’à Sète, aujourd’hui, cela fait mieux d’être non encarté, on l’affiche et on le clame. C’est ainsi que ce sont présentées Véronique Calueba et Laura Séguin, conseillères municipales d’opposition. Cela devient presque une forme de respectabilité, ou si l’on est réaliste, on pourrait y déceler une posture démagogique pour avancer masquée, dans le but de ne pas effrayer le chaland. Prendre le temps de lui agiter les colifichets de la novlangue « citoyenniste » en lui faisant miroiter l’idée d’une carrière politique locale : « je souhaite vraiment que cette nouvelle initiative prenne… que vous en soyez entièrement partie prenante… ce que l’on veut, c’est faire émerger des nouveaux visages », affirme Laura Seguin en scrutant la salle, avant d’enchaîner, « parce qu’à l’heure actuelle quand vous regardez la composition du conseil municipal, elle n’est pas du tout représentative de la diversité sociale de la ville. » Dès le début de cette première réunion publique, l’enjeu était donné : qui veut être sur la liste « Nouvelle Page pour Sète » ?
Pas dupe, en amont de ces festivités, Sébastien Denaja, conseiller régional d’Occitanie et proche de la présidente Carole Delga, a déclaré sur les réseaux : « bonne réunion aux communistes sétois et aux citoyens non encartés qui forment le premier cercle citoyen de leurs sympathisants. » Cependant, le conseiller régional PS a mis en garde contre une possible dispersion des forces avec un message en faveur de l’unité politique pour éviter de reproduire les échecs passés, craignant que cette initiative soit « le ferment d’une 5e défaite aux élections municipales. »
Défaite. Le mot est lâché. Le parti communiste sétois, toujours tête baissée s’acharne sur les nouvelles marques de la Nupes, comme du Nouveau Front Populaire, pour essayer d’inventer des combinaisons locales au-delà des partis, capables d’afficher une unité de la gauche, comme en 1996, et racheter une « faute originelle » de l’un des leurs, commise en 2001 : la fuite d’un sondage confidentiel, qui promettait la réélection du maire communiste sortant, dès le premier tour. C’était un bel avenir prédit pour Sète, mais cette stratégie a eu l’effet inverse. La victoire semblait acquise, mais la démobilisation aussi. François Liberti a été battu, et François Commeinhes a pris les commandes de la ville, pour quatre mandats successifs.
« Forcer la gauche sociale et écologique à se mettre en ordre »
Face à ce quart de siècle de mandature « à droite toute », Pierre Confavreux, président de la Ligue des droits de l’homme (LDH) à Sète, se remémore les jours heureux, ceux de l’ère Liberti. Lors de cette réunion publique au théâtre de la Mer, il explique : « la vie démocratique, le vivre ensemble, la culture ici à Sète, ça nous avait apporté quand même beaucoup, beaucoup de choses. » Nostalgique, il poursuit en transformant la « Nouvelle Page » en nouvelle donne : « quand on m’a sollicité en me demandant si je voulais bien signer un appel pour une nouvelle donne, là évidemment je n’ai pas hésité une seconde. » Cet homme engagé semble trouver là « un mouvement citoyen » qui, à ses yeux « a pour but de forcer la gauche sociale et écologique à se mettre en ordre de route, en bataille, dans l’unité de façon, à arriver à une nouvelle donne. »
« La Lucie Castets de l’île singulière »
« Forcer la gauche » le verbatim est puissant. Mais il est peu probable que cette aventure en réalité partisane, dans laquelle seraient enrôlés des citoyens sincères, soit en mesure d’encourager l’union. Cette méthode déjà utilisée par les mêmes personnes avec la création d’un « comité ou d’une assemblée citoyenne du Nouveau Front Populaire» annoncée par Gabriel Blasco avait provoqué des tensions. La France insoumise avait raillé, début septembre, le conseiller départemental PCF en indiquant qu’il n’était pas « la Lucie Castets de l’île singulière ». Les Écologistes et le Parti Socialiste revendiquaient comme les Insoumis une absolue nécessité de transparence. Une rencontre a été demandée avec le PCF pour clarifier la situation et organiser l’avenir de la gauche à l’échelle locale. Bref ! Penser à l’organisation, pour les batailles d’aujourd’hui comme pour les rendez-vous électoraux de demain.
Tirer son épingle du jeu…
Théâtre de la Mer. Véronique Calueba déclare « si on veut gagner, il faut unir, il faut rassembler ! Élargir au maximum l’assise de ce mouvement. » À l’horizon, encore un énième comité d’animation pointe le bout de son nez. « Il est là, il est sorti de ce premier groupe de signataires… c’est un comité d’animation qui est destiné probablement à s’élargir », défend l’élue d’opposition et conseillère départementale, en assurant que l’idée de la Nouvelle Page est née de la volonté spontanée « de personnalités, et de simples citoyens ».
Cette distinction entre « simples citoyens » et « personnalités » ne semble troubler personne dans la salle, pas plus que cette étonnante hiérarchisation effectuée entre citoyens encartés « partisans » et les non encartés, lesquels répondent au doux nom de « société civile ». Espérons que ces fines distinctions toujours martelées ne fissurent pas les bases d’un front qui se veut populaire, rassembleur et égalitaire.
Reste que cette réunion a magistralement été animée par le militant Régis Catinaud capable de faire lever une salle comme un seul homme, pour les besoins de sa démonstration sur la crise de la représentativité. Enthousiasmé par la participation du public dans un jeu de questions-réponses, il s’est emballé en galvanisant ses futures troupes : « on va repartir avec un programme dès ce soir, je pense. » À défaut de remplir cet objectif, la NPPS (Nouvelle Page pour Sète) semble avoir trouvé de quoi écrire quelques idées, dans son nouveau cahier de campagne tout neuf.
À Sète, il sera toujours bon de se rappeler dans les mois qui viennent les propos du Sénateur de Paris, Ian Brossat lors de la fête de l’Humanité de cette mi-septembre 2024 : « le Nouveau Front Populaire, c’est une condition nécessaire pour la victoire, ce n’est pas une condition suffisante. Et donc, on doit rester unis, mais on doit réfléchir aux moyens de progresser ensemble. Je le dis comme responsable communiste, la seule chose qui m’intéresse , ce n’est pas comment le parti communiste tire son épingle du jeu dans cette affaire. Ce qui m’intéresse, c’est comment nous, comme parti, on est utile à l’ensemble de la gauche pour lui permettre de gagner. »
« Source : article reproduit avec l’autorisation de son auteur Jean-Philippe Vallespir. Tous droits réservés. Publié initialement le 26 septembre 2024. »
