Extrême-droite : on les a déjà (trop) essayés !

Conférence-débat sur la gestion des villes par l'extrême droite - Photo - PLURIELLE INFO
Conférence-débat sur la gestion des villes par l'extrême droite - Photo - PLURIELLE INFO

Pari gagné pour la première initiative publique du collectif sétois de lutte contre l‘extrême droite samedi 7 juin: l’espace Victor Meyer est comble et déborde dans le jardin pour entendre les témoignages de responsables associatifs des villes gérées par l’extrême droite : Perpignan, Béziers, Beaucaire.

L’idée des organisateur·rices est simple : les gens tentés par le vote RN disent souvent « on n’a jamais essayé ». Or les idées d’extrême droite sont déjà à l’œuvre et montrent non seulement leurs limites, mais surtout leurs dangers.

Elles sont à l’œuvre malheureusement dans certains domaines par le gouvernement actuel, par exemple dans sa contestation de l’État de droit, son penchant pour l’autoritarisme et le tout répressif, ses lois ségrégatives et le sacrifice des services publics engendré par la baisse de la fiscalité (en réalité, la baisse des recettes et des cotisations sociales). À plusieurs reprises, Marine Le Pen s’est vantée d’avoir remporté des victoires idéologiques dans les choix du gouvernement. Le fascisme, même caché sous les traits doucereux d’un gendre idéal, apparaît comme l’issue politique aux ravages de décennies d’ultralibéralisme qui ont démoli les systèmes de solidarité et combiné crise sociale et crise démocratique, pour permettre aux dominants de continuer à dominer.

Les idées d’extrême-droite sont aussi diffusées et appliquées dans certaines villes de droite dite classique. « En entendant parler de ce qui se passe dans les villes gérées par le RN, on a parfois l’impression d’entendre parler de ce qui se passe à Sète », souligne une intervenante qui rappelle que le conseil municipal s’y réunit à huis clos pendant 5 ans, que de nombreux lieux de socialisation ont disparu, que des quartiers sont plus maltraités que d’autres. Toutes les villes gérées par le RN l’étaient auparavant pas la droite qui leur a déroulé le tapis rouge.

Et puis, plus concrètement encore, « on a déjà essayé » des maires et équipes d’extrême-droite, qu’ils soient sous l’étiquette RN ou pas. Ils gèrent plusieurs villes en France et notamment en Occitanie, il est tant de voir ce qui s’y passe vraiment.

Tel était l’objectif de cette journée organisée en trois tables rondes : d’abord sur les services publics, les travaux et la vie associative, puis autour des thèmes identitaires et religieux, et enfin sur les questions de Sécurité, Police, surveillance et démocratie… Pour introduire chaque thème et répondre aux nombreuses questions, sont intervenu·es Marie-France et Francis Labbe pour la ville Beaucaire, Mathilde Vidal et Didier Ribo pour Bézier, Josie et Jean Boucher pour Perpignan.

Avec bien sûr des variantes et des différences entre les trois villes, des traits communs : Politique d’aménagement tape-à-l’œil pour les centres-ville et les quartiers résidentiels tandis que les quartiers populaires sont relégués et ghettoïsés, négation totale des enjeux écologiques, surenchères identitaires fantasmées entre folklore passéiste et chrétienté sur fond de mépris de la laïcité et du débat démocratique, remplacement de la culture par du divertissement lucratif, politique sécuritaire impuissante à vaincre le trafic de stupéfiants et les conséquences d’une politique qui précarise et appauvrisse un nombre croissant de familles … les traiter de parasites ne parviendra jamais à faire cité, à faire société. La peur ou la haine de l’autre ne peuvent servir de projet. C’est donc autant au terreau de ces peurs qu’il faut s’attaquer qu’aux récits symboliques mélangeant promesses de grandeur et hiérarchie raciale.

Au-delà de la dénonciation, les nombreux témoignages qui ont rythmé cet après-midi d’échange ont démontré que les forces en mesure de résister et porteuses d’un autre idéal et d’une autre conception de la république existent partout. Mais elles peinent à s’unir pour contrecarrer les discours xénophobes dominants et pour peser dans les urnes.

Dans le difficile exercice de conclure plusieurs heures de débat, c’est une sociologue qui a vécu la guerre civile en Algérie, Leïla Acherar, qui est revenue sur cette nécessaire union en lançant un avertissement d’une grande gravité : « quand les fascistes arrivent au pouvoir, ils ne font pas de distinction entre les gens. Ils les tueront tous. Et on sera tous là à pleurer parce que nos amis sont morts alors que la veille, nous nous battions entre nous ». Le tremblement de la voix donne le poids du drame vécu. C’est pleine d’émotion que la salle accueille son exhortation « à apprendre de nos erreurs, à essayer de comprendre comment nous devons travailler ensemble, comment nous pouvons aller plus près des gens (que menace et discrimine directement l’extrême-droite). Nous n’avons pas de leçons à leur donner. Nous avons à leur dire qu’ils ont toute leur place dans la cité, pas seulement pour se lamenter, mais parce qu’ils ont des propositions à faire et qu’ils sont capables d’agir à nos côtés. »

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