Culture : un budget en trompe-l’œil et une colère bien réelle

Culture intervention de Cathy Gracia mars 2025 - Photo - Jean-Philippe Vallespir
Culture intervention de Cathy Gracia mars 2025 - Photo - Jean-Philippe Vallespir

Depuis la révélation par Libération d’un budget « zéro euro » pour la culture dans l’Hérault, l’inquiétude n’a cessé de croître parmi les acteurs du secteur.

Cathy Gracia, élue CGT Spectacle, incarne cette mobilisation collective née en réaction à une annonce aussi brutale que symbolique. « Zéro euro pour la culture : c’est ce que M. Mesquida nous promettait en janvier », rappelle-t-elle d’une voix ferme devant l’hôtel du département, mardi 25 mars.

Trois mois plus tard, la situation a évolué. Mais dans quel sens ?

Derrière l’effet d’annonce d’un budget « sauvé » à hauteur de 9 millions d’euros ( 9 144 967€), les doutes persistent, alimentés par un flou comptable et une absence de dialogue avec les élus. Officiellement, le département de l’Hérault a voté un budget de 9 millions d’euros pour la culture. Mais selon Cathy Gracia, cette somme inclut dans sa réalité 6 millions d’euros de « dépenses contractuelles obligatoires » : autrement dit, des crédits sur lesquels le département n’a aucune marge de manœuvre. La part réellement « arbitrable » tomberait donc à 3 millions. Or, l’an dernier, le budget prévisionnel était de 12,4 millions. Si les 6 millions représentaient 48 % en 2024, comme le département l’indiquait lui-même, cela signifie bien une baisse réelle de 25 %, soit 3 millions en moins.

« Nous demanderons des comptes » Cathy Gracia

Autre problème de taille : l’absence de chiffres consolidés sur le budget réalisé en 2024. « Ils votent dans le flou », dénonce Cathy Gracia. « Nous n’avons toujours pas le budget exécuté, on est seulement sur du prévisionnel. » Une opacité budgétaire qui rend tout débat impossible et suscite la méfiance. D’autant plus que les élus, « que l’on interroge sur ce point », restent « silencieux ou fuient les échanges », confie l’élue syndicale en ajoutant très déçue : « ils ont crié victoire pour la presse, pas pour la culture ». Puis elle prévient : « nous demanderons des comptes ».

[VIDEO] Interview de Cathy Gracia, élue CGT Spectacle :

Des centaines d’emplois en jeu et du « clientélisme à la petite semaine »

Car au-delà des chiffres, ce sont des centaines d’emplois et d’initiatives culturelles locales qui sont en jeu. La précarisation des centres de formation, les baisses de dotations régionales pour la formation professionnelle, et la dilution annoncée des responsabilités entre le département et les intercommunalités plantent un paysage de plus en plus morcelé. Un glissement vers ce que Cathy Gracia qualifie sans détour de « clientélisme à la petite semaine ».

Cet éparpillement et ce montage des financements restent un élément fort de communication pour annoncer un budget qui chuterait à seulement – 3%, mais il montre toute sa faiblesse lorsqu’on entre dans le dur, quand les acteurs culturels cherchent à savoir où déposer leurs demandes de subvention. « On ne sait même pas à quelle porte frapper ! Département ? Interco ? Quelle commune ? C’est la base, et on ne sait pas », s’indigne Cathy Gracia. Une incertitude qui renforce le sentiment d’abandon dans un secteur déjà très fragile.

Face aux renvois de responsabilités : « c’est pas nous, c’est l’État », « c’est pas nous, c’est la région », « c’est pas nous, c’est la guerre », Cathy Gracia résume la situation ainsi : « ce n’est pas un projet sociétal que de dire que les communes doivent prendre le relais du département ». L’alerte semble très sérieuse : si rien n’est clarifié, les acteurs culturels risquent d’être ballotés d’un échelon à l’autre, sans réponse claire ni moyens pérennes.

Avec l’ensemble du monde culturel, Cathy Gracia est déterminée à ne pas se laisser berner par les effets d’annonce. Alors que les arbitrages budgétaires de 2025 puis 2026 se profilent, les professionnels de la culture appellent à plus de transparence, de concertation et de cohérence.

Share via
Copy link