Aux urgences du CHU de Montpellier, les soignant·e·s sont submergé·e·s. Le problème n’est pas nouveau, mais il a atteint un point de non-retour, estiment les syndicats. La semaine dernière, ils ont lancé une procédure de « danger grave et imminent » pour les personnels. Ce mardi 14 janvier, ils avaient rendez-vous avec la direction de l’hôpital.
-6°C sur le thermomètre : la température est négative à Montpellier, mais personne ne s’est découragé·e. Il est à peine 9h, et une trentaine de personnes sont déjà regroupées devant l’entrée de la direction du Centre hospitalier universitaire Lapeyronie. La plupart sont soignant·e·s, d’autres militant·e·s ou associatif·ve·s venu·e·s en soutien. Ce mardi 14 janvier, les syndicats ont rendez-vous avec la direction et le ras-le-bol face à l’asphyxie du service des urgences est de toutes les prises de parole . La semaine dernière, la CGT, soutenue par une cinquantaine de salarié·e·s, a sonné l’alarme avec le signalement d’un « danger grave et imminent » pour les personnels. Une procédure exceptionnelle, mais qu’elle estime justifiée par la situation.
« Chaque jour, j’engage ma responsabilité et j’ai peur de rater une personne en danger de mort. »
Philippe jette un œil vers l’autre côté du parking et l’accueil des urgences « Là-bas, c’est le miroir grossissant d’une situation catastrophique. » Cet infirmier aux urgences psychiatriques raconte son quotidien : « On a des gens qui vomissent dans les couloirs, des patient·e·s qui attendent 17 heures sur un brancard ! Des mamies qui nous demandent de l’aide et à qui personne n’a le temps de répondre. » Épuisé, il ne supporte plus ses conditions de travail : « Moi, je prends en charge des personnes fragiles mentalement qui se retrouvent complètement stressées, au milieu de la Cour des Miracles. »
Noémie est infirmière, chargée du tri à l’accueil des urgences. Avec ses collègues, elle raconte les quelques courtes minutes qu’elle peut accorder à chaque patient·e : « C’est souvent insuffisant pour déterminer si un·e patient·e peut attendre. Chaque jour, j’engage ma responsabilité et j’ai peur de rater une personne en danger de mort. »
« Le fléau, ce n’est pas l’épidémie de grippe, c’est la rigueur budgétaire. »
Dès que la conversation s’engage, tou·te·s racontent le stress, les tensions avec des patient·e·s exaspéré·e·s, des brancards dans les couloirs et une affluence qu’il n’est plus possible de gérer. Tou·te·s s’accordent aussi sur un point que résume Philippe : « Le fléau, ce n’est pas l’épidémie de grippe, c’est la rigueur budgétaire. » Depuis des années, les politiques publiques réduisent les capacités d’accueil pour faire des économies. « Ça devait arriver, on atteint le point de rupture », diagnostique Françoise Gaillard, infirmière et élue syndicale.
Les cliniques privées sont aussi la cible du mécontentement des soignant·e·s de l’hôpital public. À leurs yeux, les cliniques comme Saint-Roch à Saint-Jean-de-Védas ou celle du Parc à Castelnau-le-Lez ne prennent pas suffisamment leur part dans l’accueil des patient·e·s « On nous redirige des personnes qui peuvent être traité·e·s chez eux. On se retrouve avec les malades que personne ne veut. » Autre facteur aggravant : l’explosion du nombre de personnes qui se présentent aux urgences. « Sur un an, de 2023 à 2024, on a eu une augmentation de 5 500 patient·e·s. On a accueilli plus de 63 000 personnes en 2024, c’est énorme ! », affirme Philippe Peretti, infirmier et délégué CGT. « Ce sont souvent des gens âgés, dans des états critiques, et qui n’ont pas vu un·e médecin depuis bien longtemps. » Il pointe aussi l’explosion démographique que connaît Montpellier. Selon les derniers chiffres du recensement, la préfecture de l’Hérault accueille près de 3 500 nouveaux·elles habitant·e·s chaque année « Cette augmentation n’a pas été compensée par une augmentation du nombre de soignant·e·s ».

On approche de la mi-journée, les élu·e·s syndicaux·ales ressortent de leur rendez-vous avec la direction sous les applaudissements des soignant·e·s toujours présent·e·s devant le bâtiment. « On a rappelé nos revendications », détaille Philippe Peretti. « Plus de médecins, en particulier des pédiatres, la pérennisation des postes d’infirmier·ère·s supplémentaires mis en place pour la saison de la grippe et la revalorisation des salaires ». Du côté de la direction, les syndicats ont noté un constat partagé face à l’augmentation du nombre de patient·e·s, mais aucune mesure forte immédiate n’est sur la table pour répondre à la souffrance exprimée. « On a des promesses d’ouverture de lits et d’une meilleure gestion des places disponibles, mais rien qui permet de ne nous soulager dès maintenant ». Pour le représentant CGT, ces mesures risquent de prendre trop de temps à être effectives : « En attendant, on va continuer à être débordé·e·s au quotidien. Dans ces conditions, on n’est pas certain·e·s de pouvoir continuer à travailler. »
Contactée par Plurielle.info, la direction du CHU de Montpellier n’a, ce mardi, pas répondu à notre demande d’interview. Elle a publié mercredi 8 janvier un communiqué sur les réseaux sociaux dans lequel elle demande aux gens de s’adresser d’abord à leur médecin traitant avant de se déplacer aux urgences. Avant de retourner au travail, les soignant·e·s promettent « d’autres mobilisations ». On s’autorise une question importante : est-ce que Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président du conseil d’administration de l’hôpital, a contacté les soignant·e·s mobilisé·e·s ? Réponse de Françoise Gaillard, Secrétaire de la CGT-CHU Montpellier : « Il a mon numéro, j’attends son appel. »
[VIDEO] Françoise Gaillard, Secrétaire de la CGT-CHU Montpellier
