À Montpellier, la majorité de Michaël Delafosse a adopté son dernier compte administratif avant 2026 dans un exercice d’autosatisfaction budgétaire. L’opposition dénonce greenwashing, déséquilibres territoriaux et communication de prestige.
Montpellier, Conseil municipal du 24 juin 2025, un mardi, c’est l’heure du compte administratif 2024. Le maire Michaël Delafosse, conformément au cadre légal (en tant qu’ordonnateur, il ne peut pas participer au vote du compte qu’il a exécuté), s’est retiré. L’adjointe Véronique Brunet a alors présidé la séance.
« Nous avons utilisé l’argent public de bonne manière. »
C’est un autre adjoint, Michel Aslanian, qui a présenté un bilan qu’il qualifie lui-même de « très bon » : une épargne brute stable, aucun relèvement des taux d’imposition et un record d’investissements atteignant 173 millions d’euros. Un « satisfecit » que conteste vivement l’opposition. Avec sa « liste à la Prévert », Michel Aslanian a offert une séquence d’autosatisfaction, où l’exécutif défend une stratégie d’investissement ambitieuse, soutenue par un recours massif à l’emprunt. Bref ! Pour la dernière présentation du compte administratif de la mandature 2020–2026, la municipalité montpelliéraine a voulu marquer les esprits, une sorte de lobotomie communicationnelle, accompagnée d’une injonction, l’adjoint déclare : « je me ferai le plaisir de vous présenter un peu et de vous rappeler toutes les actions que nous avons menées pendant ce mandat et qui prouvent que nous avons utilisé l’argent public de bonne manière. »
Mais les failles politiques structurantes de cette majorité sortante restent visibles. Avec la « liste à la Aslanian », l’accumulation de « micro-politiques » n’a pour effet que de nuire à la lisibilité des grandes orientations. Elle occulte les tensions structurelles comme la fracture territoriale, la transition écologique réelle en opposition à une transition d’affichage, sans compter la pression immobilière.
Les dépenses d’équipement sont vantées sans ciblage précis. Si Michel Aslanian revendique un record d’investissements (173 M€ en 2024, 566 €/hab), il n’établit pas de hiérarchisation. L’effort est valorisé, voire galvanisé, mais où sont les arbitrages de fond entre prestige urbain, justice sociale, transition écologique ? Y a-t-il un déséquilibre géographique et social des investissements ?
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Budgets somptuaires
Pour Alenka Doulain, c’est une gestion déséquilibrée, marquée par un mépris de classe assumé : « le moins que l’on puisse dire c’est que ce reflet est parfaitement fidèle à la ligne de votre majorité, y compris dans la dernière interview de monsieur le maire dans Midi Libre où il assume pleinement être le maire de centre-ville, avec un mépris de classe digne de la macronie. » Elle poursuit : « vous débloquez des budgets somptuaires pour la place des Martyrs de la Résistance, tout en laissant des quartiers entiers populaires suffoquer sous la canicule dès le mois de juin. » Plus grave encore, l’élue critique une forme de censure culturelle et d’instrumentalisation des arts pour étouffer certaines causes : « vous mobilisez des moyens pour effacer en urgence certains graffs politiques, notamment ceux en soutien au peuple palestinien. Une politique d’instrumentalisation de l’art et d’invisibilisation du génocide en cours. » Enfin, elle sera la seule à dénoncer un usage partisan de la communication institutionnelle, pointant les aides à la presse locale : « vous entretenez une presse de cour à coup de publi-reportages et de communication financée sur le dos des contribuables. »
Effondrement climatique, « ce n’est plus une hypothèse, c’est une trajectoire. »
Coralie Mantion, ancienne élue écologiste de la majorité aujourd’hui dans les starting-blocks pour 2026, a livré un constat sévère avec comme alerte l’effondrement climatique : « la canicule arrive avec 37 degrés annoncés cette semaine et ce n’est qu’un début. Si rien n’est fait, on parle d’été à 50 degrés d’ici 2050. Ce n’est plus une hypothèse, c’est une trajectoire. » La responsable politique s’attaque alors à ce qu’elle qualifie de greenwashing : « deux millions d’euros pour des arbres en pot, [en référence aux 8 ormes plantés dans le parking de la Comédie, NDLR], du maquillage de l’incinérateur de plastique en fournisseur d’énergies renouvelables, plus de 100 millions d’euros … Cinquante mille plantations en un mandat, quand d’autres collectivités en plantent 50 000 en une seule saison. » Pour l’écologiste Coralie Mantion, « on ne peut pas faire du “en même temps” avec le climat. (…) Chaque décision a un impact climatique. Il faut fermer le robinet des émissions de CO₂, pas après-demain, pas demain, aujourd’hui. »
Enfin, Jacques Domergue, ancien député UMP et chirurgien, pointe une gestion qu’il estime excessive à l’approche des élections : « ce que vous avez fait, c’est, et monsieur le maire le dit souvent, de faire en un mandat les réalisations de deux mandats. » Une façon de suggérer peut-être que Delafosse n’a plus besoin de se présenter en 2026. « Tout le monde a souffert des travaux dans tous les secteurs, a souffert des incohérences de circulation, a souffert des difficultés de déplacement. » Et quid des finances ? « Le bilan de ce mandat, puisque nous en sommes à l’heure du bilan, c’est que la dette, qui était de 200 millions d’euros, a doublé. »
Ainsi, ce mardi, le compte administratif 2024 a été adopté avec 10 votes contre et 2 abstentions. La présentation de ce dernier compte administratif préfigure le terrain de la campagne municipale de 2026. Entre bilan assumé et accusations de « macronisme local », la bataille des récits est déjà lancée.
À retenirLes chiffres clés du compte administratif 2024
Dépenses de fonctionnement : 379,6 millions €
Recettes de fonctionnement : 431,2 millions €
Dépenses d’investissement : 245,3 millions €
Recettes d’investissement : 257,2 millions €
Emprunt : 106 millions € levés en 2024
Taux de réalisation de la PPI : 79 % sur le mandat
Épargne brute : 15 % du budget (soit env. 60 M€/an)
Capacité de désendettement : 6,7 années
Pas d’augmentation de la fiscalité sur l’ensemble du mandat. Michel Aslanian a fait également remarquer des dépenses d’équipement en forte hausse : 173 millions € en 2024, soit +20 % par rapport à 2023. Le niveau par habitant (566 €) est présenté comme très supérieur à la moyenne nationale (305 € dans les grandes villes selon l’exécutif). Les investissements se concentrent sur les écoles, la sécurité, la ville “nature” et la culture.
