Malgré quatre mois de concertations laborieuses, la tentative de « conclave » sur les retraites lancée par François Bayrou s’est soldée par un échec. Ni fumée blanche ni consensus : l’annonce conjointe d’une impasse par les partenaires sociaux, lundi soir, a mis fin à un processus censé redonner corps à la démocratie sociale après le traumatisme de la réforme de 2023.
« Je ne peux pas accepter sans réagir qu’on se satisfasse d’échouer si près du but », a-t-il déclaré ce mardi matin depuis Matignon. Bayrou a annoncé qu’il recevait séparément les syndicats et le patronat pour tenter de rouvrir une « voie de passage ». Le pape François aurait encore la foi, même si ce revers illustre non seulement la fracture persistante entre syndicats et patronat, mais aussi les limites de la méthode Bayrou, fondée sur une relance du dialogue autonome, hors de la tutelle gouvernementale directe.
[VIDEO] Le Premier ministre invoque la gravité de la situation dans le monde pour trouver une issue à la réforme des retraites ?!? :
Je ne peux pas accepter sans réagir qu’on se satisfasse d’échouer si près du but. pic.twitter.com/rTMkzfRMvx
— François Bayrou (@bayrou) June 24, 2025
Méthode sous tension
Le dispositif imaginé par le Premier ministre : laisser syndicats et organisations patronales négocier entre eux pour refonder une architecture commune, s’est brisé sur la réalité des désaccords profonds. Si des avancées semblaient se dessiner sur certains points (prise en compte des carrières des mères de famille, âge de départ à taux plein, gouvernance inspirée de l’AGIRC-ARRCO), deux lignes rouges ont crispé les débats : la pénibilité, et les cotisations. La CFDT, la CFTC et la CFE-CGC ont pointé l’immobilisme du patronat, qui s’est refusé à ouvrir la porte à des départs anticipés automatiques, ou à toucher aux cotisations.
Martin VS Ricordeau le catch patronal
Symbole d’un dialogue mal embarqué, le « coup médiatique » orchestré par les patrons du Medef et de la CPME, juste avant la reprise de la dernière réunion, a tendu encore davantage les relations. Une scène de confrontation verbale surréaliste sur le trottoir entre Yvan Ricordeau (CFDT) et Patrick Martin (Medef) illustre la dégradation du climat. Théâtre d’ombres qui révèle la défiance croissante des syndicats vis-à-vis d’un patronat accusé de « torpiller » les négociations tout en tentant d’imposer ses termes dans l’espace médiatique.
Un échec au goût amer « si près du but » ?!? Et une opération rafistolage…
Pour Bayrou, qui se voulait l’artisan d’un compromis constructif, la pilule est difficile à avaler. À quelques jours de possibles tensions parlementaires, alors que La France insoumise appelle à une motion de censure, le Premier ministre tente de reprendre la main en convoquant ce mardi une nouvelle série de réunions bilatérales à Matignon. Il refuse donc de « se satisfaire d’un échec si près du but » et évoque des « points d’accord majeurs » à reprendre.
Mais cette relance d’urgence ressemble à un rafistolage. L’hostilité frontale entre les syndicats réformistes et les représentants patronaux n’a pas été désamorcée. Quant aux acteurs déjà sortis du processus (FO, CGT, U2P), ils n’ont pas été réintégrés dans la manœuvre finale, fragilisant d’autant plus la légitimité d’un éventuel accord.
Le Parti socialiste à l’épreuve du flou
L’échec du conclave entame la crédibilité de François Bayrou, alors qu’il avait voulu se distinguer de ses prédécesseurs par une méthode plus participative. En toile de fond, une autre question revient sur le devant de la scène : celle du positionnement du Parti socialiste. Ces dernières semaines, le PS avait refusé de voter la motion de censure déposée par le Nouveau Front populaire (NFP), arguant de sa volonté de « laisser une chance au dialogue social » ouvert par François Bayrou. Cet échec les place désormais face à leurs contradictions.
Faut-il persister dans une ligne de conciliation, alors que le gouvernement vient de subir un revers sur le terrain même où il promettait l’apaisement ? Ou rejoindre les rangs de l’opposition qui réclament une censure ? La pression monte, d’autant que La France insoumise pousse pour relancer le bras de fer. Le PS, qui cherchait une troisième voie entre blocage et confrontation, se retrouve dans une impasse politique difficile à tenir. Dans ce nouveau contexte, son abstention pourrait apparaître comme une caution implicite à un gouvernement affaibli, c’est pourquoi le PS annonce une menace de motion de censure ce 24 juin. À suivre… Le RN tient-il désormais le premier ministre dans le creux de sa main ?
