Bassin de Thau : Crise de l’eau ou agglo en crise ?

Étang de Thau - Photo - JPV PLURIELLE INFO
Étang de Thau - Photo - JPV PLURIELLE INFO

Contrairement à ce que suggère son nom « Sète Agglopôle Méditerrannée », ce n’est pas sa ville centre qui est le cœur battant du territoire de la SAM, mais ses étangs, à commencer par l’étang de Thau dont l’évocation a été effacée. Sources d’activités multiséculaires, son équilibre est fragilisé par l’urbanisation de ses rives et, depuis plusieurs mois, par le chantier du parking Aristide Briand qui perturbe la circulation de l’eau et provoque sa dangereuse et durable salinisation… Ce qu’on appelle l’inversac.

Tout cela ne serait pas arrivé si le maître d’ouvrage communautaire, la SPLBT (La Société Publique Locale Bassin de Thau), n’avait pas triché pour se soustraire à l’enquête environnementale. Le résultat est là, vérifié par la vigilance citoyenne, et déclenche des alertes fortes, bien au-delà du collectif qui combat ce parking. Une plainte a été déposée auprès du procureur de la République de Montpellier, concernant les travaux de construction du parking souterrain de la place Aristide Briand à Sète par Bancs Publics bien sûr, mais aussi par la Prud’homie des étangs de Thau et d’Ingril, et le Comité des Usagers du Bassin de Thau du Cycle de l’Eau.

Alerte sur les déséquilibres hydrologiques : sans eau douce, pas de vie

Sachant que Bancs Publics et le comité des usagers du cycle de l’Eau rencontraient vendredi 13 juin le nouveau président de la communauté d’agglomération, les principaux responsables de la pêche et de la conchyliculture dans l’étang, et pas des moindres, leur ont fait remettre un courrier solennel signé par Jean-Marie Ricard, le prud’homme major de l’étang de Thau et d’Ingril, Ludovic Moulis, Prud’homme de Marseillan, Yannick Cartier, prud’homme de Mèze et les représentants professionnels Philippe Ortin du syndicat conchylicole de Marseillan, Jean François Fores de Sète, Fabrice Jean de Mèze, Jean-Christophe Cabrol de Bouzigues, Manuel Liberti de Sète, Stéphane Moreno du Collectif Choeur de Thau de Marseillan. Ils n’y ont pas mâché leurs mots « les dernières analyses attestent que le chantier du parking Aristide Briand a provoqué la création artificielle d’un nouvel inversac (déplacement du biseau salé). Les apports d’origine karstique du Mont Saint Clair qui alimentent naturellement le canal royal sont désormais durablement perturbés. Plus le pompage se prolonge, plus le sel s’accumule dans les sols et dans l’aquifère ». Ils demandent dans cette lettre de prendre des mesures pour faire cesser ces désordres. Ils en appellent à ce que « les politiques publiques d’aménagement urbain, d’artificialisation des sols et de gestion de l’eau douce » soient réorientées « de toute urgence ».

Quant à la rencontre de tous ces acteurs avec le nouveau président de l’agglomération Loïc Linares, les représentants de Bancs Publics ont fait part à leurs adhérent·es et soutiens réunis le lendemain comme tous les samedis matin, de la satisfaction d’avoir été reçus et enfin écoutés avec semble-t-il beaucoup d’intérêt. Le président aurait dit être « sidéré » par ce qu’il découvrait dans les dossiers et les éléments fournis par ses interlocuteurs. Cependant, il n’a pu prendre aucun engagement compte tenu de l’insuffisance de données sur certains sujets et de la fragilité de sa majorité au conseil communautaire comme  au sein du conseil d’administration de la SPLBT.

L’inaction n’est pas un choix possible

Le président du comité des usagers du cycle de l’Eau du Bassin de Thau et représentant en la circonstance les prud’hommes et les professionnels de l’étang a complété le compte-rendu de manière plus « cash ». « On lui a dit, soit vous vous appuyez sur un mouvement populaire d’une grande dimension et vous gagnez. Soit vous restez dans l’inaction et nous porterons plainte aussi contre vous pour les dégâts commis. Il va falloir bien réfléchir et vous décider », dit-il sous les applaudissements. Pour contourner la difficulté liée à la composition de la SPLBT, le comité des usagers de l’eau a suggéré au jeune président de la dissoudre et de « virer son directeur »; re applaudissements de la foule.

À l’appui de cette proposition, le constat que la mission d’aménagement des espaces communautaires confiée à cette société sera bientôt à l’équilibre tandis que la gestion du stationnement qui ne concerne que la seule ville de Sète creuse un important déficit qui ne cesse d’augmenter. Pourquoi les autres communes de l’agglomération supporteraient-elles une telle charge ?

Enfin, Henri Loison démontre à partir de l’exemple des ZAC de Marseillan comment l’agglomération prend en charge l’assainissement de ZAC qui, in fine, contribuent à la bétonisation et la spéculation immobilière, le m2 de terrain passant allègrement de 40 euros à l’achat « pour être revendu à 400 euros par le promoteur Angelotti » … un cycle vicieux donc qui produit l’inverse de ce qu’il faudrait faire.

Démission du vice-président en charge de l’eau

La même semaine, le maire de Marseillan, Yves Michel, en délicatesse avec la justice, démissionne de son poste de vice-président de l’agglomération. Il se retire de toutes les délégations dont il avait la charge, parmi lesquelles le grand et le petit cycle de l’eau, l’assainissement, l’eau potable, les eaux pluviales urbaines, mais aussi les activités liées à la pêche et à la conchyliculture. Par cette décision, il marque son différend avec la majorité communautaire, mais conserve son siège de conseiller communautaire, ce qui ne devrait pas durer puisqu’il est condamné à deux ans d’inéligibilité.

Le comité des usagers s’est réjoui de cette démission. Selon lui, « Yves Michel incarnera pour toujours, la vente des services d’eau potable et d’assainissement à des intérêts privés ». Rappelant les circonstances de l’attribution de la concession du service des eaux usées de l’agglomération à SUEZ France – Thau Maritima – accordée sans concurrence pour 20 ans, d’un montant de 270 millions d’euros -, le comité souhaite « la nomination au poste vacant, d’une personne attachée aux services publics de l’eau potable et de l’assainissement, mais proposant pour le futur (janvier 2027), la création de régies publiques de l’eau potable et de l’assainissement ». L’élection de son successeur devrait avoir lieu lors du prochain conseil communautaire.

Face au mécontentement unanime des professionnels de l’étang, face aux pollutions récurrentes de celui-ci comme celles qui frappent les plages du fait de l’état des réseaux d’assainissement, sans même parler des menaces que le projet de la future ligne LGV fait peser sur les sources vitales du territoire, le futur vice-président en charge de la gestion de l’eau aura fort à faire. Il devra relever les défis d’une grave crise écologique qui pourrait vite se transformer en crise politique si les élu·es communautaires, actuels ou futurs, ne prennent pas la mesure des transformations à opérer dans les modes de gestion du patrimoine commun en lien réel avec la population qui y vit et y travaille.

MémoQu’est-ce que le biseau salé ?

C’est la zone de transition entre l’eau douce (provenant de la nappe souterraine continentale) et l’eau salée (mer ou océan) dans un aquifère côtier. En situation stable, l’eau douce « flotte » sur l’eau salée, car elle est moins dense. En cas de pompage excessif d’eau douce – ce qui est le cas sur le chantier du parking – ou de montée du niveau marin, le biseau salé avance vers l’intérieur des terres, ce qui peut saliniser les eaux souterraines.

Ce qu’on appelle l’inversac peut faire remonter de l’eau salée ou saumâtre vers la surface, surtout si le biseau salé s’est avancé dans le système karstique.

En résumé : Un inversac peut favoriser le déplacement du biseau salé en perturbant la circulation naturelle de l’eau douce dans les aquifères côtiers. Cela aggrave les intrusions salines dans les systèmes karstiques littoraux, posant un problème majeur pour la végétation, la stabilité des sols et la gestion de l’eau potable.

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