« Les monstres existent… ceux qui sont vraiment dangereux, ce sont les hommes ordinaires » Primo Levi

Auschwitz-Birkenau Ne jamais oublier - Photo - Lea Goutmann
Auschwitz-Birkenau Ne jamais oublier - Photo - Lea Goutmann

Il y a quatre-vingts ans, le 27 janvier 1945, l’Armée rouge entrait dans le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. « J’ai éprouvé que nous sommes si nombreux à souffrir qu’il est impossible de se taire, impossible de ne pas essayer de faire savoir, impossible de ne pas essayer de se faire entendre. » Primo Levi

Primo Levi, né le 31 juillet 1919 à Turin, est devenu un géant de la littérature du XXe siècle. Chimiste de formation, son témoignage sur sa déportation à Auschwitz est une référence, un livre à lire absolument : « Si c’est un homme ».

En 1943, alors qu’il tente de rejoindre un mouvement de résistance antifasciste, Primo Levi est arrêté et déporté au camp de concentration d’Auschwitz en février 1944. Il y restera jusqu’à la libération du camp par l’Armée rouge le 27 janvier 1945. L’atrocité de cette période deviendra la matière première de son récit  publié  en 1947 sous le titre « Se questo è un uomo » devenu de traduction en traduction   « Si c’est un homme » en 1987.

Les monstres existent

« Les monstres existent, mais ils sont trop peu nombreux pour être réellement dangereux ; ceux qui sont vraiment dangereux, ce sont les hommes ordinaires, les fonctionnaires prêts à croire et à obéir sans discuter. » Primo Levi analyse avec une précision presque scientifique les mécanismes de déshumanisation à l’œuvre dans les camps. Son écriture, sobre et dépourvue de pathos, reste puissante pour offrir un témoignage objectif des événements. « Ici, il n’y a pas de pourquoi ! » Simple phrase glaçante et autoritaire, répétée par les gardes du camp. Elle donne toute l’absurdité et l’arbitraire des règles d’Auschwitz. Parmi ses œuvres notables, « La Trêve » (1963) raconte son périple de retour en Italie après la libération, tandis que « Le Système périodique » (1975) est une collection de récits autobiographiques liés aux éléments chimiques.

Aucun de nous ne reviendra

Autre témoignage à portée universelle, celui de la française Charlotte Delbo dans une trilogie intitulé « Auschwitz et après » dont le premier tome est titré « Aucun de nous ne reviendra ». A 28 ans, elle fait partie des 230 femmes de la résistance qui partirent le 24 janvier 1943 de Compiègne pour Auschwitz. 49 seulement ont survécu à ces 27 mois de captivité. Elle conclue son premier livre par cette phrase qui dit toute la culpabilité des survivant·es : « Aucun de nous ne reviendra. Aucune de nous n’aurait dû revenir ».

Leurs ouvrages sont reconnus comme des témoignages indispensables sur la barbarie nazie. Ils sont étudiés dans le monde entier pour leur contribution à la mémoire collective et à la compréhension des mécanismes de la barbarie humaine, même si Primo Levi considère la tâche impossible :  » cela nous déroute et nous réconforte en même temps parce qu’il est peut-être souhaitable que ce qu’ils [les nazis] ont dit – et aussi hélas ce qu’ils ont fait- ne nous soit pas compréhensible. Ce sont là des paroles et des actions non humaines, ou plutôt anti-humaines« .

Charlotte Delbo s’est éteinte le 1er mars 1985 à Paris et Primo Levi le 11 avril 1987 à Turin. Leurs voix fortes continuent de retentir.

Fin du IIIème Reich mais pas de son idéologie

En écho à Primo Levi, une autre rescapée du nazisme, Viviane Forrester, écrit en 2004 dans son ouvrage « Le crime occidental » :  » Ce n’est pas la même menace qui se répète mais c’est la même indifférence qui lui permet de se réaliser et d’entrer dans l’Histoire. Or rien ne répond davantage à la facilité que le laisser-aller du racisme aux instincts primaires et à la stupidité fondamentale vers lesquels il fait régresser« .

L’Armée rouge entrait dans le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, il y a quatre-vingts ans, le 27 janvier 1945 . Ce camp est devenu le symbole du plus grand génocide du 20ème siècle et la représentation de l’entreprise industrielle d’extermination du peuple juif, mais aussi des Roms, des homosexuels, des handicapés et de toutes celles et ceux qui lui ont opposé une résistance.

Sa libération a certes montré au monde l’étendue de ses atrocités et marqué la fin du IIIème Reich, mais hélas pas celle de son idéologie haineuse qui ressurgit partout sous tant de formes.

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