jeudi 13 mars 2025 • 21h02

PLURIELLE.INFO

Castelnau-le-Lez : « Heureusement que l’absurde ne tue pas », lance Frédéric Lafforgue

Castelnau cérémonie de la plantation du premier arbre du parc Frédéric Bazille - Photo - JP Vallespir
Castelnau cérémonie de la plantation du premier arbre du parc Frédéric Bazille - Photo - JP Vallespir

C’était l’annonce à retenir ce week-end : le Pôle numérique est en stand-by. Jean-Pierre Grand l’avait soufflé dans notre micro quelques minutes avant le discours du maire. « On vient poser le premier arbre du parc et dans quelque temps la première pierre de la crèche, la maison du numérique, c’est autre chose. Comme on dit en patois, Avèm lou tèms », comprendre, on a le temps.

[VIDEO] Jean-Pierre Grand, maire honoraire de Castelnau-le-Lez et sénateur de l’Hérault, avec l’explication de Gérad Sigaud 1er adjoint sur la mise en pause du Pôle numérique :

Mettre en pause un projet ne veut pas dire l’abandonner, mais c’est aussi une façon de ne pas perdre la face. Dans les deux cas, c’est cultiver la stratégie de l’oubli, un grand classique. Avec le temps, les gens passent à autre chose, le sénateur connait bien cet art politique. Aujourd’hui dans la majorité, beaucoup s’amuse du grand capricorne, un insecte protégé par la Convention de Berne. Le chêne bicentenaire, Anathémis, classé « Arbre Remarquable » l’abrite, mais rien n’a stoppé l’avancée des travaux du chemin de Salaison, ni encouragé un changement d’accès à la résidence. « Les gens oublient ». Clin d’œil narquois pourrait-on dire, le parc Frédéric Bazille s’offre ce samedi 25 janvier 2025, un jeune chêne. Bref ! Trois ans déjà que le Pôle numérique (ou Maison du numérique) provoque de véritables contestations, jusque dans le rang de la majorité de Frédéric Lafforgue. Tous·tes sont conscient·es de l’asphyxie que pourrait créer ce nouveau chantier à plus de 6 millions d’euros.

« Heureusement que l’absurde ne tue pas » Frédéric Lafforgue

« Heureusement que l’absurde ne tue pas », lance Frédéric Lafforgue pour entamer son discours. « Vous seriez déjà mort », répond l’un de ses opposants. Le choix de la provocation par le maire de Castelnau-le-Lez n’était certainement pas le bon. Ni même celui de jouer avec l’anaphore, une technique rhétorique qui consiste à répéter un mot ou une expression en début de phrases. L’élu avait choisi : « quand je me lève le matin, je bosse… », histoire de montrer tout son dévouement à ses administré·es. Un nouveau couac arrive très vite, avec : « quand je me lève le matin, je bosse pour que les gamins aient des équipements sportifs culturels… » il se fera couper rapidement par un collégien lucide et à n’en pas douter un futur responsable politique : « on n’est pas des gamins ! » Immédiatement le maire corrige son erreur, « oui, tu as raison, vous êtes des grands ! »

Arrive enfin l’amalgame. En politique, l’amalgame est souvent perçu comme une manipulation intellectuelle. C’est un autre procédé rhétorique qui consiste à mêler des éléments distincts pour les présenter comme équivalents. Le but est simple : influencer l’opinion pour discréditer un adversaire. Frédéric Lafforgue a su en abuser avec soin. « Quand je me lève le matin, comme ce matin, on va planter des arbres sur plus d’un demi-hectare en plein centre de Castelnau… Ça, on le fait ! Et quand je vois qu’on ne veut pas de crèche, qu’on ne veut pas de l’agrandissement de la MJC. Et quand je bosse le matin, qu’on se lève, c’est aussi pour faire venir des entreprises à Castelnau avec 12 000 emplois, parce que ça, c’est la réalité des choses. » Huées et contestations, personne n’est contre les crèches, les parcs et l’extension du collège, mais le maire surenchérit : « il faut arrêter maintenant, c’est du grand n’importe quoi, on plante des arbres ici, on fait des crèches, on fait des écoles, on va agrandir la MJC et aujourd’hui on voit un cinéma. » Nouvelle attaque. Avec ses aires de victime, Frédéric Lafforgue se révèle un grand snipper de la langue française. « Arrête de faire ton cinéma », est une expression qui s’adresse très souvent aux enfants, c’est un jugement sur la sincérité ou la légitimité d’une émotion ou d’un comportement et ici d’un choix politique différent. Le maire aura le mauvais gout d’ajouter « les chiens aboient, la caravane passe. » Traiter ses opposants de chiens n’est pas des plus élégant pour apaiser le débat.

[VIDEO] Discours intégral de Frédéric Lafforgue lors de la cérémonie de la plantation du premier arbre du parc Frédéric Bazille : « Heureusement que l’absurde ne tue pas »

Le deal Département-Commune. 

Nul ne l’ignore, les collèges sont de la responsabilité du conseil départemental et les villes sont en charge des écoles. Le deal Département-Commune : en face du Gymnase et de la piscine Caron, il y a un terrain pas si vague, dont la ville de Castelnau-le-Lez a cédé un morceau contre une « dent creuse » appartenant au département. En foncier, « dent creuse » désigne une parcelle non bâtie au sein d’une zone urbaine déjà construite. Cette parcelle n’empiète pas sur ledit terrain appelé à devenir parc Frédéric Bazille et accueillera une nouvelle crèche. Le morceau vendu au département permettra une extension du collège. Jusqu’ici tout va bien. Et personne ne remet en cause ces trois structures : parc, crèche, extension du collège. 

Pour la maison du numérique, c’est une autre affaire. Heureusement, ce sujet est sur pause. « Aujourd’hui sur les budgets on ne rentre pas dans l’enveloppe […] On connait les difficultés financières des collectivités, aujourd’hui je n’engage pas de finances sur ce projet, on le met sur pause et on avance sur le parc », explique Frédéric Lafforgue.

[VIDEO] Frédéric Lafforgue, maire de Castelnau-le-Lez :

Jean Keochlin claque la porte de la majorité

Ancien membre de la majorité municipale, Jean Keochlin claque la porte. Il s’oppose fermement à cette nouvelle bétonisation. Désormais d’opposition, ce conseiller pointe des risques majeurs liés à l’urbanisme : zone inondable, dangerosité pour les collégiens et absence de concertation publique. Face à ces irrégularités, il a déposé un recours contentieux et a quitté l’équipe Lafforgue. Il est certainement un élément important de la mise en pause du projet. Jean Keochlin critique une vision dépassée de l’aménagement urbain, entre priorité à la voiture et extension des périmètres constructibles. Une remise en question s’impose, selon lui, pour s’adapter aux défis environnementaux actuels.

[VIDEO] Jean Keochlin, conseiller municipal désormais d’opposition : 

Les Pied-Nickelés de l’écologie

Plus tranchant, Richard Corvaisier n’hésite pas à qualifier la majorité de Frédéric Lafforgue de « Pied-Nickelés de l’écologie ». Et il exprime sa déception face à cette simple « pause ». Le responsable politique membre du parti Les Écologistes aurait préféré un abandon définitif. Richard Corvaisier dénonce également la perte de végétation à Castelnau, comparant les vues aériennes actuelles à celles d’il y a vingt ans. Il accuse le maire d’incohérence entre son discours pseudo-écologique et ses actes. « Il y a une perte continue d’espaces verts, dans une commune déjà marquée par une densification excessive. » 

[VIDEO] Richard Corvaisier, conseiller municipal d’opposition – Les Écologistes :

Pour le groupe Ensemble pour Castelnau, « le maire n’a pas diligenté une enquête publique, obligatoire, pour un tel projet qui impactera de manière irrémédiable l’environnement. » Frédéric Faivre, dans l’opposition à Castelnau-le-Lez, rappelle que la promesse initiale de Frédéric Lafforgue était de consacrer la parcelle à un parc arboré, une promesse non tenue selon lui. Quant au Pôle numérique, c’est simple, c’est « obsolète » et « non prioritaire pour les habitants ». Il propose de réhabiliter des locaux vacants pour répondre à d’éventuels besoins numériques. Il pointe également des enjeux écologiques et de sécurité : ce secteur, historiquement inondable, sert de bassin de rétention. Pause ou pas, Frédéric Faivre appelle à revenir au projet initial pour créer un espace vert bénéfique aux riverains et aux élèves du collège voisin.

[VIDEO] Frédéric Faivre, conseiller municipal d’opposition, groupe Ensemble pour Castelnau :

Contrairement à sa déclaration le 13 mai 2024 au Kiasma, après une introduction de François Trusson, commissaire enquêteur sur la modification n°4 du PLU où Frédéric Lafforgue avait annoncé s’engager par voie d’amendements auprès des services de la métropole aux fins de stopper le projet des tours de 9 étages à Castelnau-le-Lez, ce 25 janvier 2025, il est juste question d’une pause pour des raisons financières. Une annonce dans le brouhaha d’une cérémonie de la plantation du premier arbre du parc Frédéric Bazille que l’on pourrait croire uniquement organisée à cet effet.

Détourner l’attention des spectateurs, c’est tout le talent d’un illusionniste. Il provoque un stimulus, on appelle cela la misdirection. Bref ! c’est quand la magie opère. Et si la pause était un tour de magie ? Et si le maire de Castelnau-le-Lez plantait des arbres pour mieux couler du béton ? Y aurait-il aussi la possibilité que cette pause sur la maison du numérique soit juste une étape pour de ne pas perdre la face et faire oublier tout ça ? À suivre…

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