Réuni le 16 juillet 2025, le Conseil de Métropole de Montpellier a adopté plusieurs délibérations autour de la gestion des déchets. Mais dès 8 heures, il y avait foule devant le bâtiment de la place Zeus, des manifestant·es contre le CSR et le PLUi ainsi que des salarié·es du site Amétyst inquiet·es.
Du renouvellement contesté de la DSP Amétyst à l’expérimentation d’une tarification incitative, en passant par une coopération inédite avec Sète Agglopôle et l’adhésion à une coalition mondiale contre la pollution plastique, retour sur un conseil qui fera date à quelques mois des prochaines élections municipales.
[VIDEO] « Urbaser c’est catastrophique… il faut arrêter l’escroquerie »
La société Urbaser Environnement devrait prendre les commandes de l’usine Amétyst pour 15 ans, à l’issue d’un appel d’offres remporté face à Suez et Paprec. La nouvelle Délégation de service public (DSP), approuvée à une large majorité, 67 pour, 7 abstentions et 17 contre marque une inflexion possiblement stratégique avec l’intégration d’une filière CSR (Combustibles solides de récupération) sur ce site, destinée à produire chaleur, biométhane et électricité à partir des déchets résiduels
Si René Revol a réussi son oral à la métropole, certes avec un jury acquis, à l’extérieur, le vice-président aux déchets est attendu jeudi pour son épreuve pratique qui risque d’être plus difficile. « Urbaser c’est catastrophique … Urbaser c’est zéro… il faut arrêter l’escroquerie » lâche Joël Carichon, délégué CGT à l’usine Amethyst de Montpellier. « Et Monsieur Revol qui devait rencontrer les salariés, il n’a jamais été capable de nous voir », mais avec le mouvement de grève qui risque de durer le maire insoumis de Grabels doit dès demain entrer au 230, rue Raymond Recouly, au contact des travailleurs.
Une nouvelle DSP pour Amétyst : le choix stratégique (et polémique) de la filière CSR
Incinérateur, chaudière, CSR, Urbaser c’est l’affaire la plus brûlante de ce conseil métropolitain. « C’était l’offre la meilleure de tous les points de vue », rassure René Revol. Puis toujours plus rassurant, il garantit que dans l’offre choisie, le traitement de l’air sera « un traitement de qualité. » Puis presque syndicaliste, anticipant certainement son épreuve pratique de demain : « on veillera aux conditions de travail ! »
Le projet, estimé à plus de 110 millions d’euros d’investissement, prévoit une montée en puissance progressive jusqu’en 2030 et un coût total pour la Métropole, évalué pour l’instant à 401,9 M€ HT. Côté production énergétique annuelle, ce qui est envisagé c’est 167 GWh, direction les réseaux de chaleur de la métropole.
« Et si les commissaires enquêteurs nous donnent un avis défavorable sur le CSR. Qu’est-ce qu’on fait ? On fait la même chose qu’avec le PLUi ? On baisse la culotte ? » Cyril Meunier, maire de Lattes, même sur le ton de l’humour, donne toute l’image d’une autorité politique coincée dans ses certitudes. Oui ! Ce choix d’une chaudière CSR en pleine ville suscite des critiques. Plusieurs collectifs de citoyens dénoncent une décision qui valorise l’incinération déguisée, au détriment de la réduction à la source. Si ce choix industriel est fait, Meunier, également vice-président au Tourisme, ne croit pas si bien dire. Des enquêtes et « une étude sur l’impact environnementale » seront certainement demandées, précise Julia Mignacca, porte-parole du groupe local Les Écologistes à Montpellier.
[VIDEO] Julia Mignacca « vert de rage, rouge de colère, non au CSR »
François Vasquez et Celia Serrano ont incarné la critique la plus frontale et la plus structurée de la séance. François Vasquez a dénoncé une « décision historique aux conséquences irréversibles », et il accuse l’exécutif d’enterrer toute ambition de transition réelle : « le temps de la honte viendra, car le réveil adviendra. Je demande le marbre pour y graver les noms des coupables. » De son côté, Célia Serrano a dénoncé un « cynisme absolu » et une « bombe sanitaire à retardement », s’élevant contre une technologie qui « fait fi des conséquences sanitaires » et dont les élus « se sont laissés endormir par les lobbys industriels »
Un malaise éthique dans la majorité, « Montpellier va se le coltiner »
Paradoxalement en voulant défendre l’affaire n°1, celui qui enfoncera le plus le dossier, c’est Jean-Luc Meissonnier, maire de Baillargues, délégué aux Festivités. D’un côté, il reconnaît le caractère problématique du projet, en soulignant que « Montpellier va se le coltiner » et en remerciant soigneusement Michaël Delafosse de ne pas avoir posé la question à chaque maire « s’ils souhaitaient accueillir le CSR dans leur commune. » Il y a là une manière d’enfoncer indirectement la chaudière, en soulignant son caractère indésirable.
De l’autre, il s’abrite derrière la personnalité de René Revol, présenté comme un garant technique et sanitaire. Il transfère la responsabilité du projet sur son porteur. Son éloge en conclusion « longue vie à toi, on te fait confiance » agit comme un rideau de scène pour masquer les contradictions du propos. Mais un éloge peut-être révélateur d’un malaise éthique dans la majorité, où certain·es élu·es soutiendraient à contrecœur un projet qu’iels savent contestable, en misant sur la vigilance future plutôt que sur une opposition franche dans ce moment décisif.
Villeneuve-lès-Maguelone : un premier exemple de coopération territoriale
Moins médiatisée, mais plutôt concrète, la convention entre Montpellier Méditerranée Métropole et Sète Agglopôle Méditerranée marque le retour d’un usage partagé de la déchèterie de Villeneuve-lès-Maguelone. Les habitants de Mireval et Vic-la-Gardiole continueront de l’utiliser, évitant ainsi la création d’un nouvel équipement coûteux. Ainsi, l’accord prévoit un coût annuel de 120 000 euros pour Sète Agglopôle, après déduction du traitement des encombrants transférés vers le site d’Oïkos à Villeveyrac. Mais pour Alenka Doulain , il faut aller plus loin, « il nous faut coopérer avec les EPCI voisines sur les déchets » et mettre en place « un grand syndicat mixte du sud de l’Hérault. »
Tarification incitative : Jacou et les Aubes en zone test
La Métropole expérimente une TEOMI (Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères Incitative) dans deux zones pilotes : la commune de Jacou et le quartier des Aubes à Montpellier. L’idée est de facturer en partie les usagers selon le volume de déchets produits, via un système de bacs pucés et de comptage des levées. Inspirée de modèles ruraux, cette approche pourrait être une force de dissuasion : responsabiliser les citoyens et réduire les OMR, tout en maîtrisant les coûts liés à la hausse de la fiscalité déchets (TGAP, fiscalité carbone). La généralisation pourrait s’étendre sur sept ans, à condition que les premiers résultats soient convaincants. À suivre donc…
Pollution plastique : Montpellier se voit à l’international
Ça pourrait être « pour de rire » comme disent les enfants, mais c’est un peu comme le nœud tout joli sur le paquet cadeau des déchets ou comme un effet de manche au niveau local. L’adhésion de Montpellier Méditerranée Métropole à la coalition mondiale contre la pollution plastique reste une décision symbolique. Une posture très classe grâce à laquelle la Métropole entend valoriser ses efforts et son action dans les cercles diplomatiques et institutionnels à portée internationale. Célia Serrano ne manquera pas de noter la dichotomie de ce choix de la majorité : « c’est une bonne chose » cette adhésion « mais en même temps vous construisez un incinérateur à plastique, un monstre à 500 millions d’euros qu’il faudra nourrir, nourrir, nourrir… »
Ce conseil du 16 juillet acte une série de décisions importantes et engageantes pour plusieurs décennies en matière de gestion des déchets. Derrière des montages financiers et un pari technologique avec l’incinérateur-chaudière, Michaël Delafosse est en mode « méthode Coué » en s’affichant exigeant sur le plan environnemental, il s’engage à faire de Montpellier « la référence sur la technologie CSR. » Souriez, vous êtes filmés, tous ces débats sont déjà inscrits dans l’Histoire et la bataille du climat se joue aussi dans les poubelles de la métropole.
