Les principaux responsables du chantier écocide du parking de la place Aristide Briand de Sète se retrouvent devant la justice pénale. Ce 16 juin à Montpellier, 161 personnes ont engagé une procédure exceptionnelle et pris connaissance de ses modalités.
Une citation directe à l’encontre des personnes physiques et morales suivantes : François Commeinhes, Christophe Clair, la SARL A.BE.SOL, la commune de Sète, la SA ANTEA France, et La Société Publique Locale Bassin de Thau (SPLBT), a franchi sa première étape. Une audience préparatoire s’est tenue devant la chambre correctionnelle, en formation collégiale.
Représentées par Me Stéphane Fernandez, les parties civiles portent cinq chefs de prévention, différenciés en fonction des personnes citées : menaces réitérées, faux et usage de faux, escroquerie au jugement, prise illégale d’intérêts et manquement aux obligations de protection des populations.
Consignation collective pour un procès inédit
En l’absence des personnes « citées à comparaitre », toutes représentées par leurs avocats, la présidente Sandrine Lalande a ouvert l’audience en fixant le montant de la consignation. Conformément à l’article 392-1 du code de procédure pénale, chaque partie civile devra s’acquitter de 200 euros pour garantir la recevabilité de sa plainte, soit un total de 32 200 euros à régler d’ici au 1er mars 2026. À défaut, leur action pourrait être déclarée irrecevable.
L’échange d’écritures entre les parties se déroulera entre mars et mi-juillet 2026. L’audience de jugement est prévue le 21 septembre 2026 à 9h00. La présidente lance : « si je dois bloquer une salle deux jours, il faut me le dire tout de suite… » Brouhaha dans la salle… « une journée me semble suffisante… » tente à nouveau Sandrine Lalande, avant de décider finalement : « je vais bloquer le lendemain matin au cas où… »
Une procédure rare, à portée politique
Me Fernandez a rappelé la portée inédite de la démarche : « C’est la première fois qu’une telle action collective par citation directe est engagée en matière environnementale et à cette échelle territoriale. » Le recours à ce mode accéléré de saisine du juge vise à gagner quelques années de procédure. Une procédure classique au pénal peut durer 15 ans. Avec la citation directe, les délais d’instruction sont considérablement réduits, même si ils apparaissent encore trop longs pour ces citoyen·nes brutalement privé.es de leur place arborée et inquiets des conséquences dramatiques de ce chantier, dans l’action depuis trois ans déjà.
L’avocat modère leur déception : « Pour ce type de contentieux, une audience dans un délai de quinze mois, c’est rapide. Cela montre qu’un autre usage du droit est possible », et surtout nécessaire dans un contexte de sous-estimation par l’appareil judiciaire des enjeux écologiques et d’une grande indulgence à l’égard du monde politico-financier. Cette procédure inhabituelle initiée par 161 citoyen·nes prêt·es à engager leurs deniers personnels pour défendre l’intérêt général, retentit comme un signal d’alarme tant auprès des responsables politiques ou professionnels qui se pensent au-dessus des lois qu’envers des institutions qui peinent à reconnaître les conséquences concrètes des décisions publiques.
Ténacité et réussite
Christophe Aucagne, du collectif Bancs Publics, salue cette première étape : « La présence de nombreux requérants au tribunal est une réussite collective. » Christophe Lalia, président de l’association, ajoute : « Personne ne nous attendait ici. Nous y sommes par notre seule ténacité. » Une adhérente résume l’état d’esprit du groupe : « Il ne faut pas perdre de vue que les victimes, ce sont les habitants du Bassin de Thau. Nous faisons valoir nos droits. »
