Un chef étoilé débunke l’agriculteur-sénateur Laurent Duplomb

L'agriculteur-sénateur Laurent Duplomb et le chef étoilé Jacques Marcon - Photo - LAB_ PLURIELLE INFO
L'agriculteur-sénateur Laurent Duplomb et le chef étoilé Jacques Marcon - Photo - LAB_ PLURIELLE INFO

Dans une lettre ouverte empreinte de respect, de lucidité et d’engagement, le chef triplement étoilé Jacques Marcon vient de s’imposer comme l’une des voix les plus singulières et inattendues contre la loi agricole portée par le sénateur Laurent Duplomb.

Installé à Saint-Bonnet-le-Froid, en Haute-Loire, le cuisinier s’est dit « honteux de vivre dans le même département que le sénateur », un sens de la formule qui a déclenché du débat et une avalanche de soutiens, y compris du monde agricole. Il avait aussi précisé sur Instagram que cette loi « privilégie une agriculture intensive et néfaste pour les générations futures ».

Peu sereine, la réponse de l’agriculteur-sénateur de Haute-Loire a fusé sur Facebook : « dénoncer une agriculture productiviste tout en racontant des histoires idéalisées en mode ‘Martine à la ferme’, sur des menus à des prix inaccessibles pour la très grande majorité des Français, ne vous donne pas le droit de donner des leçons aux agricultrices et agriculteurs qui nourrissent la France », lâche Laurent Duplomb, ex-président de la FDSEA, la branche départementale de la FNSEA.

Face à l’attaque personnelle de l’élu, qui l’accuse d’élitisme et d’idéalisme naïf, Jacques Marcon a choisi de répondre avec une lettre ouverte exemplaire de clarté et de fermeté. Il y développe une vision humaniste et constructive de l’agriculture, fondée sur la qualité des produits, la santé des consommateurs et le respect du vivant.

« Je ne suis qu’un cuisinier… mais j’aime les paysans »

Dans un style direct, mais posé, Jacques Marcon récuse les accusations de condescendance. Il revendique une proximité quotidienne avec plus d’une centaine de producteurs locaux, souligne son implication dans l’alimentation des enfants du village, et rappelle que son établissement contribue à faire vivre plus de 110 emplois et une vingtaine de commerces dans un village d’altitude pourtant promis au déclin. « Je ne suis donc pas un écolo-bobo », affirme-t-il, précisant que ses clients ne sont pas tous des privilégiés, mais des gens qui veulent « célébrer un moment important de leur vie autour d’un bon repas ».

Surtout, le chef replace le débat là où il devrait toujours être : l’avenir de notre alimentation et de nos campagnes. Il dénonce une loi qui tourne le dos à la qualité, à la biodiversité et à la santé, en favorisant un modèle productiviste désormais obsolète. Avec des mots simples, il interpelle le sénateur : « Pourquoi refuser de tirer notre agriculture vers le haut ? » Et propose des pistes concrètes, comme le renforcement des contrôles sur les importations ou le soutien à la recherche pour une agriculture moins dépendante des intrants chimiques.

Une parole rare et précieuse, d’un citoyen

Sans jamais se poser en expert, Jacques Marcon formule ce que beaucoup ressentent confusément. Il parle en citoyen concerné, en acteur local engagé, en cuisinier profondément attaché à la terre et à celles et ceux qui la travaillent. Il appelle à un débat démocratique apaisé, dénonce les propos haineux, et conclut sur une note apaisée et philosophique, en citant Voltaire : « Je vais continuer à cultiver mon jardin. »

En pleine polémique sur la loi Duplomb, accusée d’affaiblir les normes environnementales au nom de la compétitivité, cette prise de parole tranche par sa sincérité. Elle révèle aussi combien les enjeux agricoles dépassent aujourd’hui les clivages traditionnels. Derrière les mots de Jacques Marcon, c’est tout un courant d’idées qui se dessine : celui d’une ruralité vivante, ancrée, moderne, qui ne renonce ni à l’excellence ni à l’avenir.

L’intégrale de la lettre de Jacques Marcon, chef étoilé en Haute-Loire, en date du 20 juillet 2025 :

Mr Le Sénateur,

J’ai bien reçu votre courrier et je vous en remercie. Je vous remercie également d’y avoir joint votre rapport d’information « Compétitivité : une urgence pour redresser la ferme France » et l’étude du professeur Stéphane Dedieu.

Ayant rendu votre réponse publique sur Facebook, je me permets donc de faire de même avec cette ultime réponse qui se veut être un éclairage sur mes convictions.

Merci Monsieur le Sénateur, de votre réponse dont je partage une partie du constat, mais qui ne répond pas à la légitime préoccupation des consommateurs d’accéder à une nourriture saine, pouvant les protéger de certaines maladies, dont les agriculteurs sont souvent les victimes.

Mais soyons donc précis comme vous semblez apprécier les mots. Dans votre courrier reçu hier, vous me parlez d’une « diatribe » à votre égard ce qui signifie « attaque sur un ton violent et injurieux ». D’où ma première question : à quel moment ai-je été injurieux ? Ce post, dont la portée m’a dépassé, se voulait surtout sévère contre mon mutisme et il était la voie de l’un de vos concitoyens. En démocratie, toute voie est importante et audible, je crois.

Et d’ailleurs, à la vue des nombreux messages de soutien que je reçois du milieu agricole, il me semble que votre loi n’ait pas les faveurs de la majorité des agriculteurs.

Ensuite, Monsieur Le Sénateur, ne retournez pas ma question, je ne donne pas de leçons aux agriculteurs dont je respecte trop leur travail difficile, notamment en zone de montagne. Notre train de vie est similaire et pas de samedi dimanche, d’ailleurs je me félicite de travailler avec plus de 100 producteurs, éleveurs, maraîchers. Je ne suis donc pas un « écolo-bobo » comme vous semblez le faire croire.

Je les rencontre dans leur ferme et sur les marchés. Leur production me sert également à nourrir les enfants de l’école, de la crèche et nous avons monté une école du goût pour les initier à une bonne alimentation.

Monsieur le Sénateur, dans notre sphère d’étoiles, nous nourrissons pour 4, 15, 50 et 250 euros. J’essaie de proposer la nourriture la plus saine possible tout en précisant que nos maisons ont réussi à créer plus de 110 emplois, tout en contribuant à maintenir une population suffisante et plus de 20 commerces en 2025 dans un village d’altitude pourtant promu au déclin dans les années 60/70.

Voilà ma proposition très souvent répétée, celle de restaurateurs qui ont toujours privilégié la qualité des produits agricoles, pour des clients qui ne sont pas toujours riches comme vous le prétendez, mais aussi des clients qui veulent privilégier une fête de famille, casser une cagnotte, faire un cadeau à un proche, fêter un anniversaire, une guérison, ou un évènement inoubliable de leur vie.

En votre qualité de Sénateur, j’aimerais que vous vous penchiez aussi sur les métiers de la restauration, des villages où le café, l’épicerie ferme, c’est terrible pour notre département. Comme pour le milieu agricole, certaines normes imposées par l’administration nous étouffent et bloquent l’envie d’entreprendre.

Il aurait été plus élégant que vous ne mêliez pas mon père à votre réponse, à l’entendre il vous a soutenu dans vos premiers travaux il y a trois ans, visant à réduire les normes et paperasses…

Il a beaucoup œuvré auprès des agriculteurs et producteurs avec le travail sur l’obtention de l’AOC de la lentille verte du Puy, de l’AOP Fin gras du Mézenc, le Vedelou… qui était sa viande de prédilection notamment pour le Bocuse d’Or.

Se glorifier et être fier de nourrir la population avec des produits plus nocifs ne semble pas constituer le projet des agriculteurs de notre pays, aujourd’hui condamné à produire pour faire face à la concurrence étrangère, pourquoi refuser de tirer notre agriculture vers le haut, en privilégiant la qualité de nos produits agricoles qui ont fait longtemps la fierté de la France ?

Je ne suis pas législateur et je ne connais pas toutes les négociations que vous avez conduites, certaines très locales pour faire avancer notre agriculture. J’aurais applaudi si vous aviez été à l’origine d’une loi ou tout autre texte réglementaire imposant un contrôle strict des importations de produits alimentaires que notre pays s’interdit de produire.

J’aurai applaudi au fait que vous soyez à l’origine de mesures financières fortes pour activer la recherche visant à réduire l’utilisation de produits et d’engrais chimiques plutôt que de réduire les aides à une agriculture plus saine.

Contrairement à ce que les représentants de votre profession ont fait à Bruxelles, pourquoi ne sont-ils pas intervenus pour proposer la réduction de certains produits jugés dangereux pour les consommateurs. Le principe de précaution basé sur de nombreuses études sur les cancers liés à l’acétamipride aurait pu permettre cela. Quelle complicité avec les grandes industries qui les obligent.

Pour conclure, je suis déçu qu’une partie de la profession fasse de tels retours en arrière. Quel environnement vont-ils laisser aux futures générations. Je cite votre phrase « Nous aurons une agriculture propre, mais plus d’agriculteurs sans cette loi » … Je crois surtout Mr Le Sénateur qu’avec cette loi nous allons avoir une agriculture nocive pour l’homme, pour la nature, dévouée au commerce extérieur et je vous rejoins sans agriculteurs… il ne restera que des industriels agricoles.

Pour terminer, je veux bien visiter votre exploitation, mais je crains qu’elle ne soit pas représentative de l’agriculture de demain qui devra être tournée vers l’alimentation du marché national.

J’aurais un dernier message aux altiligériens : non je n’ai pas honte de vivre en Haute-Loire et encore moins après tous les messages de soutien que j’ai reçu et notamment du monde agricole.

Et également un message à tous les citoyens : merci de ne plus poster de message haineux envers notre sénateur. Ce débat doit se tenir de manière démocratique et respectueuse, nous éviterons ainsi de créer malaise et colère dans le monde agricole. Apprenons à vraiment nous écouter …

Je considère maintenant, Mr Le Sénateur, que notre discussion est terminée. Chacun aura su exposer ses arguments et comme vous le dîtes si bien, je ne suis ni agronome, ni hydrologue, ni phytopathologiste. Je suis juste un simple cuisinier qui aime les paysans en espérant un meilleur avenir pour eux.

Je vais donc suivre l’exemple de Candide et continuer à « cultiver mon jardin » pour être en harmonie avec mes idées et transmettre un monde plus sain à mes enfants.
Bien cordialement,

Jacques Marcon

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