Dans un entretien accordé au journal Le Monde, la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, dresse un diagnostic sévère des textes budgétaires en cours d’examen. Elle y voit un risque de « déclassement du monde du travail et du pays », et elle estime « crucial de nettoyer les deux budgets de toutes les horreurs qu’ils contiennent ».
Pour la dirigeante syndicale, les mesures prévues sur les prestations sociales et les retraites constituent la première alerte. Le gel des prestations en 2026 et une revalorisation inférieure à l’inflation jusqu’en 2030 représentent, selon elle, un recul impensable. Elle demande également 5 milliards d’euros supplémentaires pour l’hôpital, la suppression de la hausse du reste à charge médical et le maintien de la prime de Noël. Elle dénonce en parallèle une baisse programmée des allocations familiales pour les adolescents et une restriction à quinze jours des arrêts maladie prescrits en ville.
Redressement financier de la Sécurité sociale ?!?
Face à l’argument gouvernemental du redressement financier de la Sécurité sociale, Sophie Binet rejette l’idée que l’équilibre budgétaire impose ces coupes. La CGT défend d’autres pistes : taxation accrue du capital, extension des cotisations aux stock-options et rachats d’actions, et réexamen des exonérations sociales, qu’elle chiffre à 80 milliards d’euros. Ces allègements, affirme-t-elle, « entretiennent une addiction » et tirent les salaires vers le bas. Elle propose un « sevrage » progressif, et elle rappelle que la France consacre 211 milliards d’euros par an aux aides aux entreprises, « pour une efficacité plus que sujette à caution ». Elle juge aussi nécessaire de les conditionner à des engagements sociaux.
La responsable syndicale regrette aussi des reculs dans le projet de loi de finances, notamment la baisse des moyens pour les associations, la suppression de postes dans l’éducation et l’affaiblissement de la recherche. « Ce budget sacrifie l’avenir », insiste-t-elle.
« Il n’y a pas pire ennemi pour les travailleurs que l’extrême droite ».
Sophie Binet salue toutefois le retrait du projet de réforme de l’assurance-chômage porté par François Bayrou, qu’elle considère comme une victoire. Elle critique le refus du Medef de participer aux négociations et dénonce « une radicalisation patronale ». Elle met également en garde contre la stratégie de respectabilité recherchée par l’extrême droite auprès des milieux économiques.
Sur les retraites, elle estime que le décalage du calendrier d’application de la réforme de 2023 confirme la possibilité de revenir aux règles antérieures. Selon elle, la hausse de l’âge légal entraîne « inaptitudes, arrêts de travail et chômage des seniors ».
À quelques mois des municipales, elle annonce que la CGT interpellera les candidats sur les enjeux locaux essentiels pour les salariés. Elle réaffirme enfin une ligne constante : « il n’y a pas pire ennemi pour les travailleurs que l’extrême droite ».