Sète pour la paix : témoignage d’un survivant d’Hiroshima

Sète pour la paix, témoignage d’un survivant d’Hiroshima - Photo - Isabelle Goutmann
Sète pour la paix, témoignage d’un survivant d’Hiroshima - Photo - Isabelle Goutmann

« Hibakusha est le terme en japonais pour désigner les victimes de la bombe atomique. Nous tous, nous vivons dans une même ère qui est celle de l’ère nucléaire. J’ai été irradié par la bombe atomique à l’âge de un an. Et j’ai survécu jusqu’à aujourd’hui, à l’âge de 81 ans, pour témoigner ».

Le rassemblement hebdomadaire pour le Cessez-le-feu à Gaza et pour une paix juste et durable a reçu samedi 17 mai des invités d’honneur, deux représentants de l’association Nihon Hidankyo, lauréate du prix Nobel de la paix en 2024 pour ses actions en faveur de l’élimination des armes nucléaires : Satoshi Tanaka et Koichi Maeda.

6 août 1945 : Explosion de la 1ère bombe atomique

Le 6 août 1945, encore bébé, Satoshi Tanaka était avec sa mère enceinte. Ils ont échappé à la mort, car éloignés de chez eux. Au retour dans leur ville d’Hiroshima, ils trouvent leur maison démolie. Ils errent dans les ruines irradiées pendant des jours à la recherche des membres de leur famille, dormant dehors, buvant l’eau de la rivière. Décompte macabre : « Ma mère a fini par trouver six personnes de notre famille qui s’étaient réfugiées dans une école. Mais quatre d’entre elles sont décédées. On n’a jamais retrouvé la petite sœur de ma mère […] au total en comptant la famille du côté de mon père et du côté de ma mère, 15 personnes sont décédées des suites de la bombe atomique ». Ils ne sont plus que trois survivants aujourd’hui.

« 80 ans après, je vis toujours avec la bombe »

Comme la plupart des survivant·es de Hiroshima et Nagasaki, Satoshi Tanaka a connu de nombreux problèmes de santé, sans que ceux-ci soient convenablement diagnostiqués. Ce n’est qu’à 50 ans puis 60 ans qu’ont été diagnostiqués des cancers de l’œsophage, de la gorge et de la bouche. «  Au final plus d’un demi-siècle après la bombe, je continue à vivre avec. J’ai eu six cancers. J’ai été maintes fois opéré, hospitalisé. J’ai subi des traitements très lourds et je continue à vivre, mais je vis avec cette angoisse de ne pas savoir à quel moment on va me découvrir un nouveau cancer. Dans quelle partie du corps cette fois-ci ? »

C’est pourquoi, avec l’association Nihon Hidankyo, Satoshi Tanaka consacre tout ce que la maladie lui laisse d’énergie à témoigner et alerter l’opinion mondiale.

On chiffre entre 90 000 et 140 000 le nombre de mort sous la 1ère bombe atomique de Hiroshima, mais en réalité, « j’aimerais que vous sachiez qu’il y a beaucoup plus de personnes qui sont mortes ensuite de la radioactivité. C’est 400 000 personnes qui sont mortes au total de la bombe atomique de Hiroshima et, en comptant les victimes de Nagasaki, ce chiffre se porte à 600 000. »

Il reste aujourd’hui dans le monde 110 000 Hibakusha « comme moi des survivants » dont les descendants de 2ème, 3ème et 4ème générations vivent dans l’angoisse des séquelles reçues en héritage génétique.

De quoi anéantir plusieurs fois l’humanité

« J’aimerais vraiment que vous compreniez que cette catastrophe qui a eu lieu à Hiroshima n’est pas juste une affaire du passé. C’est toujours présent et ça pèse sur le futur ». Les chiffres sont là : neuf pays dans le monde possèdent l’arme nucléaire alors qu’en 1945, il y avait seulement les États-Unis . Il existe aujourd’hui dans le monde 12 000 armes nucléaires, révèle-t-il , « ce nombre correspond à une puissance capable d’anéantir plusieurs fois l’humanité entièrement ».

Certes, se félicite ce grand témoin, « on a obtenu il y a 8 ans la signature du traité sur l’interdiction des armes nucléaires et nous avons même réussi à atteindre le nombre de 73 pays signataires, mais le drame dans tout cela, c’est que les pays qui détiennent l’arme nucléaire ne l’ont pas signé » et de citer  » la Russie ou Israël qui possèdent l’arme nucléaire continuent à faire la guerre tout en menaçant de l’utiliser ».

Il s’est dit également « très inquiet » de la déclaration du président Macron proposant d’étendre le parapluie nucléaire de la France à toute l’Europe, rappelant au passage que celui-ci venu il y a deux ans à Hiroshima dans le cadre du G7 avait visité le mémorial de la Paix et écrit dans son livre d’Or « Agir en faveur de la paix est le seul combat qui mérite d’être mené« .

Hiroshima a l’œil sur Gaza

Les Hibakusha sont la conscience du Monde et c’est sans doute ce qui leur a valu l’attribution du prix Nobel de la Paix. Ils militent pour faire arrêter la guerre, pour faire diminuer le risque d’utilisation d’armes nucléaires dans le monde. Satoshi Tanaka informe l’assistance que « les citoyens de Hiroshima regardent aux infos ce qui se passe aujourd’hui à Gaza en Palestine. Il y a tous les jours des manifestations principalement devant le mémorial de la Paix ( (Dôme de Genbaku) et nous Hibakusha, nous y sommes ».  Il finit son intervention par trois vœux qu’il souhaite partager sous le soleil sétois : « Arrêtons la guerre, abolissons les armes nucléaires et venons en aide aux victimes ».

Très émue de prendre la parole après un tel témoignage, Elisabeth Rathery a ensuite donné lecture d’un court et percutant poème écrit par Jean-Yves Mouchel en précisant que la bombe larguée sur Hiroshima le 6 aout 1945 avait été surnommée par ses concepteurs « Little Boy ».

Cette rencontre exceptionnelle a été conclue par Geneviève Coindoz au nom du collectif pour le Cessez-le-feu à Gaza et s’est poursuivie au cinéma Le Comoedia par la projection du film « La bombe et nous », réflexion sur l’actualité et l’avenir du nucléaire.

[VIDEO] Lecture d’Elisabeth Rathery « Little Boy » :

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