Rodéos urbains : quand Robert Ménard joue les shérifs

Robert Ménard : "à bon entendeur, salut !" - Photo - FB
Robert Ménard : "à bon entendeur, salut !" - Photo - FB

Dans une vidéo publiée sur Facebook en ce début d’août 2025, Robert Ménard, maire de Béziers, se met en scène face caméra, dans une petite veste qui ressemblerait à celle d’un prof de Ducobu. Mais !… Le ton est offensif, les mots choisis sont là pour frapper les esprits : « on en a ras-le-bol de ceux qui circulent sans permis ou sans assurance… des emmerdeurs publics qui font du rodéo urbain… maintenant, on a décidé d’aller plus loin : on saisit leur véhicule et on les détruit. Voilà, à bon entendeur, salut. »

Derrière lui, des images de scooters et motos pris dans un grappin avant d’être jetés dans des bennes. L’effet shérif fait place à l’effet instit pour impacter les réseaux sociaux. Mais sur le plan juridique, la scène relève bien plus du spectacle que d’une réalité applicable par un maire.

Un maire peut-il décider de la destruction d’un véhicule ?

En France, la saisie et la destruction d’un véhicule sont strictement encadrées par le Code de la route et le Code de procédure pénale. Dans le cas des rodéos urbains, la police ou la gendarmerie peuvent immobiliser et saisir immédiatement un deux-roues.

La destruction n’intervient qu’après décision judiciaire, souvent à l’issue d’un procès et dans le cadre d’une confiscation prononcée par un tribunal (articles L. 325-1 et suivants du Code de la route, article 131-21 du Code pénal).

Il existe toutefois une exception : l’article L. 41-5 du Code de procédure pénale permet au procureur, sur instruction du ministre de la Justice ou en cas d’urgence (véhicule dangereux, irrécupérable ou abandonné), de faire vendre ou détruire un véhicule avant jugement.

Mais là encore, c’est une prérogative judiciaire, pas municipale. Un maire n’a donc aucun pouvoir pour décider, seul, de la destruction d’un bien privé. S’il le faisait sans autorisation judiciaire, il s’exposerait à des poursuites pénales pour destruction de bien d’autrui (article 322-1 du Code pénal : 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende) et à des recours administratifs pour excès de pouvoir.

En clair : un maire peut faire saisir un véhicule avec la police, mais il n’a aucun droit de le faire détruire. Seul un juge ou un procureur peut en donner l’ordre, et toujours dans des conditions strictement prévues par la loi.

L’amalgame savant ou pas…

« Maintenant, à Béziers, on détruit les véhicules ! » En s’exprimant publiquement sur « la destruction » des deux-roues saisis, Robert Ménard joue sur l’amalgame entre ce que la loi permet et ce qu’il veut faire croire qu’il applique. Malin l’édile… Les images diffusées dans son “reel” Facebook montrent des engins malmenés par un grappin hydraulique, mais rien n’indique s’ils ont été confisqués par décision de justice, détruits sur ordre du parquet, ou simplement mis à la casse, car abandonnés ou déclarés irrécupérables par leur propriétaire. Cette ambiguïté entretient l’illusion d’une fermeté immédiate du maire, alors que la réalité passe nécessairement par un juge ou un procureur. Et pour éviter toute poursuite, il vaudrait mieux pour Robert Ménard que ce soit effectivement le cas.

La communication “aboyeuse” plus qu’une mesure

L’ancien journaliste n’en est pas à son premier coup d’éclat médiatique. En choisissant un ton martial et un slogan de clôture du type : « à bon entendeur, salut », il cible l’émotion voire la provocation, plus que l’information, au risque de laisser croire à des pouvoirs qu’il n’a pas.

Bref ! Pour ses soutiens, le message est : fermeté absolue contre les rodéos urbains. Pour ses détracteurs, c’est un nouvel épisode de politique-spectacle qui prend des libertés avec la légalité.

[VIDEO] Communication de Robert Ménard : « à bon entendeur, salut. »

L’arsenal contre les rodéos urbains

Depuis 2018, la loi punit la pratique du rodéo motorisé de peines allant jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende, assorties de la confiscation du véhicule. Mais ces mesures sont déclenchées par la justice, pas par un élu local. Le maire peut soutenir les opérations de police municipale et nationale, mais il ne peut en aucun cas court-circuiter le juge.

Montpellier, communication plus fine, mais tout aussi racoleuse

À la différence du “coup de menton” biterrois, la destruction d’une moto-cross à Montpellier, le 15 mai 2025, s’inscrivait dans un cadre légal précis. Mais coup de com’ aussi, la presse conviée était invitée à relayer le message de fermeté. Ce jour-là, le maire Michaël Delafosse assistait, aux côtés du procureur de la République Fabrice Bélargent, à la mise au rebut d’un deux-roues saisi lors d’un rodéo urbain et confisqué par décision de justice.

Conformément au Code pénal et au Code de la route, la confiscation transfère la propriété du véhicule à l’État, libre ensuite de le vendre, de l’affecter ou de le détruire. Le rôle de Michaël Delafosse se limitait ce jour-là à accompagner une exécution judiciaire, la décision relevant entièrement de l’autorité du tribunal et du parquet. Une communication plus fine, mais tout aussi racoleuse, qui n’a presque rien à voir avec une annonce unilatérale d’élu local s’arrogeant des pouvoirs qu’il n’a pas.

Une confiance partagée

L’espace public et la route ont leurs règles, non pour punir ou restreindre, mais pour garantir que chacun respecte l’autre. C’est un contrat de confiance sociale : en les suivant, on protège des vies, on partage l’espace et on rend possible une circulation sûre pour tous.

Bien enseignée, cette confiance partagée vaut plus que n’importe quelle répression. À Béziers, deux adolescents de 13 et 14 ans sont morts à motocross après avoir grillé un stop, sans casque, le 8 août dernier. Ce drame rappelle qu’aucune sanction ne remplace l’apprentissage patient, répété et constant des règles de circulation et de vie.

Avec en tête l’obsession des Municipales de mars 2026, Robert Ménard et Michaël Delafosse soignent leur image de « maires protecteurs » grâce à des démonstrations de fermeté spectaculaire. Destructions de véhicules, opérations médiatisées, chaque séquence est calibrée pour conforter l’électorat. Mais derrière la mise en scène, ces coups de com’ attisent la colère comme le vent attise l’incendie, polarisant davantage la société qu’ils prétendent apaiser.

La sagesse se construit dans la durée, par le dialogue, l’éducation et l’exemple, afin que chaque usager mesure le prix de sa sécurité et celle des autres. La pédagogie est un art, la répression est un aveu d’échec.

Ce que dit la loi

Saisie immédiate : En cas de rodéo urbain, police et gendarmerie peuvent immobiliser et saisir le véhicule immédiatement (article L. 325-1 du Code de la route).

Destruction ou vente : Après jugement : seule une décision judiciaire de confiscation permet à l’État de détruire ou de vendre le véhicule (articles 131-21 du Code pénal et L. 325-7 du Code de la route). Avant jugement : possible uniquement sur décision du procureur, via l’article L. 41-5 du Code de procédure pénale, dans des cas précis (véhicule dangereux, irrécupérable, abandonné ou avec accord exprès du propriétaire).

Pouvoirs du maire : Aucun élu local ne peut ordonner la destruction d’un véhicule saisi. Il peut soutenir les opérations de police, mais la décision appartient exclusivement au juge ou au procureur.

Sanction en cas de destruction illégale : Destruction volontaire d’un bien d’autrui : jusqu’à 2 ans de prison et 30 000 € d’amende (article 322-1 du Code pénal).

 

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