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Quand l’extrême-droite se prétend féministe

Trois quarts des VSS (violences sexistes et sexuelles) ont lieu dans les cercles intimes
Trois quarts des VSS (violences sexistes et sexuelles) ont lieu dans les cercles intimes - Photo - Geralt

En s’appropriant certaines causes féministes comme le harcèlement de rue et les violences sexistes et sexuelles (VSS) dans l’espace public, l’extrême droite, notamment le RN, prétend défendre les droits des femmes. En réalité, le fémonationalisme, une idéologie faite de racisme et de malhonnêteté intellectuelle, reste fidèle aux valeurs identitaires, anti-immigrations, islamophobes et xénophobes inscrites dans l’ADN de l’extrême droite.

Opposés au mariage pour tous et aux politiques d’égalité de genre, qu’ils considèrent comme une menace pour l’ordre social et familial de notre « civilisation chrétienne », les mouvements d’extrême droite se sont cependant emparés de revendications féministes. Une posture qui leur permet de dénoncer le patriarcat des autres, celui des pays non-occidentaux, pour mieux nourrir leur projet xénophobe. C’est ce que la professeure de sociologie Sara R. Farris a théorisé sous le nom de « fémonationalisme ».

L’insécurité – supposée – liée à l’immigration étant un refrain cher à l’extrême droite, il n’est pas étonnant qu’elle s’empare de l’insécurité vécue par les femmes et les crimes commis contre elles pour placer la racialisation du sexisme au cœur de son appropriation du féminisme. En qualifiant les hommes musulmans de dangereux pour les sociétés occidentales et d’oppresseurs à l’égard des femmes, en plaçant la menace sexiste à l’extérieur du foyer, dans l’espace public – alors qu’il est largement documenté que trois quarts des VSS (violences sexistes et sexuelles) ont lieu dans les cercles intimes – et en attribuant les VSS uniquement aux migrants et aux jeunes Français racisés des quartiers populaires, les mouvements d’extrême droite et les politiques d’État instrumentalisent et détournent les luttes féministes pour justifier la répression pénale et des politiques islamophobes et anti-migratoires qu’elles présentent comme uniques et inéluctables solutions.

Des femmes pour convaincre

Depuis les années 2010, alors que plusieurs femmes prennent la tête de partis d’extrême droite européens, comme Marine Le Pen (France), Giorgia Meloni (Italie), Alice Weidel (Allemagne) ou encore Pia Kjaersgaard (Danemark), naissent également de nombreux groupes féminins d’extrême droite avec l’émergence de figures féminines influentes parmi lesquelles les Françaises Thais d’Escufon (porte-parole de Génération identitaire de 2018 à sa dissolution en 2021), Alice Cordier (présidente du Collectif Némésis), Virginie Vota (youtubeuse catholique islamophobe, raciste et LGBT+phobe) ou encore Charlotte d’Ornellas (chroniqueuse française d’extrême droite issue de la mouvance identitaire, membre de SOS Chrétiens d’Orient) pour ne citer qu’elles. Ces femmes présentent toutes une même image de respectabilité et ont des profils plutôt similaires : blanches, issues de milieux aisés, diplômées, hétérosexuelles (exceptée Alice Weidel) et mères (ou affichant la volonté de le devenir). Elles ont toutes en commun d’être conservatrices, xénophobes et transphobes.

Cette mise en avant des femmes sert une stratégie de normalisation ainsi qu’une volonté de conquérir l’électorat féminin. En effet, mettre en avant les femmes permet de redorer l’image de ces mouvements d’extrême droite en rompant, au moins en apparence, avec le machisme et d’inscrire les idées réactionnaires dans la modernité.

En apparence seulement

Pour exemple, le Collectif Némésis, groupe d’action d’extrême droite identitaire se réclamant également du féminisme, constitué en 2019 en France et en 2021 en Suisse romande, n’évoque jamais les droits des femmes, l’égalité salariale, la répartition des tâches ménagères, ni l’IVG. Il ne s’attaque qu’aux violences sexuelles prétendument commises par les étrangers et se distingue pour ses actions et ses discours xénophobes, racistes, anti-islam, anti-immigration et transphobes. Il jouit depuis sa création d’une visibilité médiatique fortement soutenue par les chaînes de Bolloré, et déploie son activisme sur les réseaux sociaux ou à travers des actions visant à perturber les manifestations féministes. Ses membres sont de jeunes femmes proches de Marion Maréchal, du groupe Génération identitaire, du syndicat étudiant d’extrême droite, la Cocarde étudiante, de l’Action française et du Rassemblement national. En 2022, Marie-Émilie Euphrasie, membre fondatrice de Némésis et ancienne membre de la Cocarde étudiante, s’engage dans la campagne de Marine Le Pen à la présidentielle et est candidate RN aux élections législatives. Plusieurs militantes fondatrices de Némésis Suisse sont issues ou étaient liées avec le groupe néonazi Militants suisses. En France, le service d’ordre de Némésis est assuré par la Cocarde étudiante et, jusqu’en 2022, par le groupuscule néonazi violent Zouaves Paris, aujourd’hui dissous.

L’extrême droite nuit aux droits des femmes

Pour bien mesurer la mauvaise foi du RN et comprendre que ce parti n’est pas l’ami des femmes, il suffit de regarder les votes des élu·es RN. À l’Assemblée nationale, les député·es RN ont voté contre l’augmentation du SMIC à 1500€ (60% des personnes au SMIC sont des femmes), contre une résolution visant à accélérer la réduction des écarts de salaires entre hommes et femmes, contre la proposition de loi renforçant l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique, contre un rapport qui condamne toutes les formes de violence à l’égard des femmes et la moitié des député·e·s RN n’a pas voté pour l’inscription de l’IVG dans la Constitution au Congrès de Versailles.

Au parlement européen, les député·es RN ont voté contre le salaire minimum européen, contre une résolution visant à condamner la Pologne qui interdisait l’avortement, contre une résolution qui visait à lutter contre le harcèlement sexuel au sein des institutions de l’UE. Le groupe s’est abstenu sur l’introduction du droit à l’avortement dans la Charte européenne des droits fondamentaux et n’a pas ratifié la Convention d’Istanbul sur la lutte contre les violences envers les femmes et les violences conjugales.

Ainsi, pour l’extrême droite, le patriarcat, c’est chez les musulmans. Pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, il suffit de lutter contre l’islamisme. Contre le mariage pour tous et toutes et la transidentité, peu favorable à l’avortement, l’extrême droite défend une idée traditionaliste et conservatrice de la famille où les femmes françaises doivent avant tout faire des enfants pour sauver l’identité nationale. De ce fait, on comprend bien pourquoi les élu·es RN ne votent pas les avancées en matière d’égalité professionnelle et plus généralement pour les femmes. En bref, le féminisme de l’extrême droite, c’est encore une extrême imposture.