Quand le fantasme du bloc rural se heurte à la réalité du terrain

Bretagne, quand le fantasme du bloc rural se heurte à la réalité du terrain - Photo - Maxime Bergonso
Bretagne, quand le fantasme du bloc rural se heurte à la réalité du terrain - Photo - Maxime Bergonso

Depuis plusieurs jours, les permanences des parlementaires de la France Insoumise sont souillées et saccagées par des actions violentes de la FNSEA ou de la Coordination rurale, syndicat proche de l’extrême droite. Ils cherchent à intimider celles et ceux qui s’opposent fermement à la loi Duplomb, une loi qui entend ré-autoriser les pesticides tueurs d’abeilles et faciliter l’agrandissement des élevages. Une loi qui ne répond en rien à l’urgence de la profession : des revenus stables et dignes.

En Ille-et-Vilaine, la FNSEA avait prévu une action similaire ce lundi matin à Guipry-Messac, devant la permanence de Mathilde Hignet, ouvrière agricole et députée insoumise en charge de ce texte. Mais, pour une fois en Bretagne, tout ne s’est pas passé comme il l’avait prévu.

Bien avant l’arrivée de la trentaine de tracteurs de la FNSEA, près de 200 contre-manifestants étaient déjà présents à l’appel de la Confédération paysanne. Il y avait là une joyeuse union populaire : paysans, syndicalistes de SUD ou de la CGT, insoumis de tous âges, apiculteurs en vareuse, parents d’élèves, simples curieux… Il y avait aussi un déploiement de la gendarmerie très impressionnant. Osons imaginer les sentiments du Maire de la commune, présent à un moment, qui attend une nouvelle brigade depuis des années.

Pendant plus de six heures, cette diversité a montré que le fameux « bloc rural » (sorte de fantasme où tous les ruraux seraient d’accord et de droite) est bien plus fragmenté que ne veut nous le faire croire CNEWS. Le rôle politique du mouvement insoumis à la campagne est précisément de mettre en lumière ces lignes de fracture.

Quant au soutien populaire aux positions portées par la France Insoumise et son programme l’Avenir en Commun, il s’est exprimé pleinement, dans toute sa diversité, devant la permanence. Preuve que les manipulations médiatiques ne résistent pas toujours aux faits. On peut regretter l’absence des autres forces de gauche (à l’exception notable de quelques écologistes locaux) — était-ce un désaccord politique ou simplement une absence d’implantation ? Nous ne le saurons pas. Mais reconnaissons-le : les forces politiques capables de mobiliser 200 personnes en deux jours, à la campagne, ne sont pas nombreuses…

Il est de tradition que le mouvement ouvrier et paysan « laisse des traces ». Je termine à l’instant l’ouvrage  « Le pays disparu » de Nicolas Offenstadt, un ouvrage passionnant sur ce sujet. Peut-être qu’un jour, une plaque commémorative sera posée devant le 20 bis avenue du Port : « Ici, pour la première fois en Bretagne, le 26 mai 2025, la FNSEA fut bloquée et recula. »

Ne brûlons pas les étapes. Le bloc réactionnaire répondra sans doute avec la violence qui le caractérise à ce rapport de forces. En attendant, dans une manœuvre grossière, la droite, les macronistes et l’extrême droite ont adopté une motion de rejet, renvoyant le texte en commission mixte paritaire — pour une version sans doute tout droit sortie du neuvième cercle des enfers.

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