Le Plan Local d’Urbanisme intercommunal dit climat (PLUi-c) de Montpellier Méditerranée Métropole a reçu, au terme de l’enquête publique, un avis officiellement favorable de la commission d’enquête. Mais avec des réserves, et la commission, conditionne son accord à la révision de plusieurs OAP (Orientations d’Aménagement et de Programmation) exposées à des risques et des incohérences flagrantes.
Derrière cette approbation mitigée se cache un document accablant, où les réserves, critiques et recommandations sont si nombreuses et précises qu’il serait presque irresponsable de valider le projet en l’état. D’autant qu’il a subi déjà quelques modifications. Comme le souligne Manu Reynaud, adjoint de Michaël Delafosse, maire de Montpellier que : « la commission d’enquête a rendu un premier rapport qu’elle a soumis à la métropole. La métropole a apporté des réponses. » Et ainsi le document public, « c’est le rapport de la commission, une fois les réponses faites » explique l’élu écologiste resté dans la majorité socialiste.
Nul doute qu’il serait passionnant de pouvoir lire le rapport des commissaires enquêteurs sans les corrections apportées par les réponses métropolitaines officielles. Quoiqu’il en soit, dans le document en ligne, ajusté avant publication, de lourdes réserves existent encore sur des OAP très contestées.
Avis défavorable
Parmi les OAP du PLUi-c, 4 parmi d’autres, reçoivent un avis défavorable et posent de vrais problèmes : Sablassou à Castelnau-le-Lez, Petit Tinal à Lattes, Nouvelle Gendarmerie à Pignan, et Meyrargues à Vendargues. Pour chacune, la commission souligne des lacunes surréalistes dans la justification des choix d’aménagement, un manque de concertation locale, des risques environnementaux mal pris en compte et une inadéquation totale avec les enjeux climatiques.
Le cas de Sablassou
Le cas de Sablassou cristallise particulièrement la contestation : projeté sur des terres agricoles fertiles irriguées, en zone inondable, sans étude hydrogéologique sérieuse, sans desserte ni réseau d’assainissement, et dans un quartier déjà saturé en circulation, l’OAP a suscité plus de 1151 contributions, dont 464 (40 %) d’avis défavorables très argumentés émanant largement d’associations et citoyens. Mais étrangement, 662 (57 %) contributions sont favorables, mais faiblement argumentées, et seraient en grande partie, liées à une mobilisation orchestrée autour du déplacement de la clinique du Parc.
Ce qui sera passionnant à observer dans les jours qui viennent, c’est l’exploitation politique qu’en fera Frédéric Lafforgue, maire de Castelnau-le-Lez et vice-président de Montpellier Méditerranée Métropole. Il lui faudra marcher sur des œufs, car si enquête ou décryptage, il devait y avoir sur les contributions, certaines frôleraient la manipulation. Le groupe Clinipole à la manœuvre avait osé bousculer sa patientèle en osant un slogan : « soutenez le déplacement de la Clinique du Parc sur le site de Sablassou, » pour les motiver à participer à l’enquête publique, sans vraie connaissance du sujet, simplement avec une injonction sur leur affect.
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L’opposition de la 2e ville de la métropole semble pour l’heure bien éveillée, voire experte sur les sujets d’urbanisme, normal : leurs terres agricoles sont en danger. « Après déjà deux avis défavorables sur les précédentes enquêtes publiques sur l’urbanisme à Castelnau-le-Lez, c’est le 3e carton rouge pour Frédéric Lafforgue et la Métropole », note Richard Corvaisier, conseiller municipal Les Écologistes dans un communiqué co-signé avec La France insoumise, le PCF et le PRG. Pour Alexia Laforge du groupe insoumis de Castelnau , « ce PLUi piétine la démocratie, l’intérêt général est ignoré, c’est l’agenda caché des promoteurs qui dirige, pas celui des habitant·es. »
Précis, Jordan Homps, PCF exige « l’abandon de l’OAP Sablassou et un moratoire sur les secteurs des Berges du Lez et du Lycée Georges Pompidou afin de permettre de réelles études urbaines et une concertation populaire élargie. » Jacques Burguière PRG et conseiller du groupe d’opposition Ensemble pour Castelnau (EPC) interroge « Est-ce de l’utilité publique ? Est-ce du développement durable ? » Et le constat reste que les ambitions climatiques du PLUi-c sont insuffisantes, dixit les enquêteurs.
Dans un autre communiqué, la conseillère municipale EPC, Carine Barbier prévient : « l’heure doit être maintenant à la concertation pour élaborer un projet véritablement d’intérêt général sur les 130 hectares disponibles, respectant la nature et favorisant une agriculture de qualité et de proximité au bénéfice de toute la population. »
Climat : un PLUi dit « climat » sans moyens climatiques
Le constat des commissaires semble sans appel : les ambitions climatiques du PLUi-c sont largement insuffisantes. Le document ne contient aucune OAP spécifique climat/énergie, les seuils de performance environnementale sont faibles, les notions de désimperméabilisation ou de trames écologiques sont évoquées sans traduction concrète.
Inquiétudes légitimes dans le rapport, certaines zones à urbaniser le sont au mépris des prescriptions de la loi Littoral, des Plans de Prévention des Risques d’Inondation (PPRI), ou des préconisations de l’État et de la Mission Régionale d’Autorité Environnementale (MRAe). Le PLUi-c pêche par absence de hiérarchisation des enjeux, ignorance des dynamiques paysagères et faiblesse de la séquence « Éviter – Réduire – Compenser » (ERC).
D’un autre côté, les écologistes de Michaël Delafosse s’auto-félicitent, « On l’a dit, on l’a fait », clament ces élu·es dans un communiqué. Ils saluent la validation du parc de Malbosc ou l’annulation (tardive) de la ZAC du Coteau, mais une question centrale demeure : le PLUi-c est-il structurellement capable de répondre aux urgences climatiques ? Autre question : si ce n’est pas un plan climat, est-ce un plan com’ ?
Pour Coralie Mantion, conseillère municipale et métropolitaine à Montpellier, aucun doute ce n’est pas un plan climat : « la métropole doit désormais choisir entre poursuivre une urbanisation à courte vue ou s’engager résolument pour un territoire résilient, équilibré et solidaire. » Plus grave, selon elle : « ce PLUi ne permet pas au territoire de s’adapter ni de protéger efficacement la population face aux crises climatiques à venir. »
Une densification déséquilibrée, mal anticipée
Autre alerte : « la dissymétrie du développement métropolitain », avec une densification excessive sur certaines communes comme Grabels, Castelnau, Vendargues, sans que les équipements publics, écoles, mobilités, services ne suivent. La commission souligne à plusieurs reprises « un décrochage entre le projet de densification et la capacité d’accueil réelle des territoires. » L’État lui-même s’interroge sur la robustesse des calculs d’utilisation du foncier. La Métropole avance une réduction de 50 % de l’artificialisation, mais les méthodes restent opaques et contestées, y compris pour l’Autorité environnementale.
Dernier souffle avant le passage du bulldozer
Face à ces constats, la conclusion de la commission prend une tournure paradoxale. Avis favorable, oui, mais à condition que les réserves soient levées, les OAP corrigées, les règles renforcées, et les choix urbanistiques mieux justifiés. Pourrait-on dire que le document ne peut décemment être approuvé en l’état et qu’un avis défavorable eut été plus juste ? Peut-être, mais dans sa conclusion, il est écrit « la commission d’enquête a donné un avis favorable à l’unanimité de ses membres sur le projet de PLUi-c et sur les zonages d’assainissement des eaux usées et pluviales. »
Oui, c’est à n’y rien comprendre, mais c’est comme ça. Une enquête publique, c’est le dernier souffle de la démocratie locale avant le passage du bulldozer. Fragile, outil légal encadré par le Code de l’environnement, son avis, même défavorable, n’est pas contraignant : les élus peuvent l’ignorer.
Y a-t-il un mode d’emploi pour les recours citoyens ?
Oui, même si l’enquête publique n’empêche pas l’adoption d’un projet, elle produit des pièces exploitables en Justice. Dans les deux mois suivant l’approbation d’un PLUi, il est possible de déposer un recours gracieux ou contentieux devant le tribunal administratif, pour contester un vice de procédure, un non-respect du droit supérieur (loi Littoral, PPRI, etc.) ou une absence d’évaluation environnementale sérieuse. Un référé-suspension permet aussi d’arrêter un projet en urgence. Les avis défavorables (commission d’enquête, MRAe, CDPENAF) renforcent cette action. L’enquête publique peut donc être un outil citoyen pour faire respecter la démocratie. C’est juste une question de souffle, et il faut en avoir beaucoup.
À noter : le vote pour valider ce PLUi-c aura lieu en Conseil de métropole prévu le 16 juillet prochain.
Tableau des réserves et avis défavorables PLUi-c Métropole de Montpellier mai 2025 :
CDPENAF : Commission Départementale de Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers.
MRAe : Missions régionales d’autorité environnementale.
Commune / Secteur | Zone(s) problématique(s) | Nature du problème | Réserves / Avis défavorables |
---|---|---|---|
Castelnau-le-Lez | OAP Sablassou | Inondation, artificialisation terres agricoles | CDPENAF, MRAe |
Lattes | OAP Ode à la Mer, Petit Tinal | Loi Littoral, submersion, artificialisation | CDPENAF, MRAe |
Vendargues | OAP Meyrargues | Artificialisation excessive, zones agricoles | CDPENAF |
Montferrier-sur-Lez | OAP Le Savel, Plaine du Baillarguet | Atteinte aux continuités écologiques | CDPENAF |
Murviel-lès-Montpellier | Urbanisation sur garrigue, zones naturelles | Pression foncière sur zones sensibles | Observations nombreuses, pas de consultation obligatoire |
Grabels | OAP La Valsière | Ruissellement, continuités écologiques | Réserves techniques (ruissellement) |
Saint-Jean-de-Védas | Zonages agricoles (ex. peupleraie en Nt) | Zonage bloquant usages agricoles | Non listé par autorités mais identifié par la CE |
Montpellier | OAP République, Mosson, Rieucoulon, etc. | Densification, risques inondation, bruit | MRAe, État |
Pérols | Partie de l’OAP Ode à la Mer | Submersion marine, littoral vulnérable | MRAe, Loi Littoral |
Saint-Brès | Zones inondables et assainissement | Assainissement, zonage contesté | État |
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