Le conseil municipal de Montpellier du 17 décembre 2024 a révélé une dynamique politique tendue, où la majorité de Michaël Delafosse, maire de Montpellier, a montré des signes d’essoufflement face à une opposition de plus en plus coordonnée.
Depuis le début du mandat, Alenka Doulain, présidente du groupe MUPES, incarne cette opposition structurée et déterminée face à un maire dit socialiste que beaucoup jugent trop macroniste. Les récents départs d’élu·es écologistes de la majorité, suivis par l’arrivée dans les rangs de l’opposition de Serge Martin, ancien cadre PS, renforcent un conseil municipal moins favorable au maire. Malgré l’absence d’un groupe unique, entre Montpellier Union Populaire Écologique et Sociale (MUPES) et Les Écologistes, une coordination de votes et d’interventions semble s’installer sur de nombreux dossiers, ce qui valide le constat d’une majorité sous pression, avec les difficultés d’un édile à rassembler autour de sa ligne politique.
Des notes de frais au Japon qui interrogent
Dès le vote de l’ordre du jour, Alenka Doulain a demandé des explications sur un dépassement de frais de mission de 2 000 euros pour deux nuits lors d’un déplacement au Japon. Une interrogation qui s’inscrit dans le contexte de perquisitions récentes au sein de la mairie, sur fond de soupçons de détournement de fonds et travail dissimulé. Plutôt que de répondre précisément, le maire Michaël Delafosse a préféré éluder dans un long soliloque invoquant la coopération internationale et la paix dans le monde, mais sans apporter de réponse claire sur l’utilisation de ces fonds publics. Serge Martin a rebondi pour dénoncer l’opacité des pratiques et souligner à Michaël Delafosse : « vous ne semblez pas répondre à la question ».
Crèches : des contradictions qui embarrassent la majorité
La fin d’une délégation de service public pour une crèche a donné lieu à des échanges passionnés avec d’abord François Vasquez, élu Les Écologistes. Il a dénoncé solennellement une logique de privatisation. Et c’est sur ce dossier des crèches que la stratégie d’Alenka Doulain mérite d’être notée. La responsable politique a d’abord salué cette décision comme une victoire pour la gestion publique, tout en dénonçant la persistance de la mise en concurrence entre acteurs associatifs dans d’autres projets municipaux.
Avec son expérience dans l’économie sociale et solidaire, elle a pointé les limites de cette approche, et accusé la majorité de considérer les structures d’économie sociale et solidaire (ESS) comme des « sous-traitants à bas coût ». Alenka Doulain a réclamé un moratoire sur toute forme de sous-traitance des crèches. Elle fait ainsi face aux réponses de la majorité entre le maire et Tasnime Akbaraly, chargée de la petite enfance, qui insistent sur « le caractère non lucratif des délégataires » tout en ne répondant pas sur les mises en concurrence des acteurs de l’ESS.
C’est lors d’une délibération sur l’affaire 39 concernant la ZAC Nouveau Saint-Roch que l’élue insoumise marque clairement les esprits par sa vigilance. En révélant que le projet incluait une crèche privée, elle a souligné cette incohérence devant un maire visiblement déstabilisé. Avec rigueur politique, méthode et calme, Alenka Doulain a poussé la majorité à justifier la pertinence de programmer de telles initiatives dans des ZAC, qui sont des outils stratégiques d’aménagement. Elle a ainsi dénoncé une orientation favorisant le développement de l’offre privée au détriment de celui de la régie municipale.
L’école du Nouveau Saint-Roch : un sujet de discorde
Autre point d’achoppement majeur : le plan de circulation autour de l’école du Nouveau Saint-Roch. L’ensemble des oppositions, de gauche comme de droite, a interpellé le maire sur les risques sanitaires et sécuritaires liés au trafic routier, avec près de 16 300 véhicules transitant quotidiennement par les Quatre Boulevards.
Alenka Doulain a ouvert les hostilités en demandant : « Faudra-t-il un accident grave pour que vous rouvriez les discussions sur ce plan de circulation ? » Puis l’écologiste François Vasquez, ancien vice-président à la Métropole, a dénoncé la « surdité sélective » du maire dans sa gestion des enjeux environnementaux. Serge Martin a appelé à une analyse approfondie de la qualité de l’air avant toute ouverture de l’établissement, jugeant l’air du quartier « irrespirable ».
Les oppositions de droite, par la voix de Stéphanie Jannin, se sont jointes à la critique. L’élue a plaidé pour un retour au dialogue avec les habitant·es. La réponse du maire a suscité le mécontentement général, ne répondant pas sur la problématique du plan de circulation, mais sur la nécessité d’une école. « Vous avez tous soutenu la création de cette école… Vous connaissiez parfaitement sa géographie… car les écoles du centre-ville… souvent pour les familles, c’était difficile, car on se retrouvait à 28 ou 29 élèves par classe. »
Ce à quoi Alenka Doulain a réagi vivement en demandant des comptes au maire, évacuant la question du bien-fondé de l’établissement scolaire : « Nous sommes tous favorables à cette école… Tous les deux mois, vous devez rendre des comptes, c’est maintenant ! Le reste du temps, vous êtes entouré d’une cour où vous dites ce que vous voulez. » Le maire ne donnera pas plus de précisions, apparemment décontenancé.
Publicité : un champ de bataille entre écologistes
Ce sujet est également un vieux point de clivage entre Alenka Doulain et Michaël Delafosse. La présidente du groupe MUPES interpelle l’élu écologiste du maire, Bruno Paternot, en charge du dossier, en lui demandant un calendrier sur l’encadrement de la publicité. Et c’est Coralie Mantion, récemment sortie de la majorité, qui aura la critique la plus sévère, creusant encore un peu plus le fossé entre Les Écologistes ayant rompu avec le PS et les écolos-socialistes resté·es dans la majorité. Elle est directe : « On est loin des engagements pris, comme par exemple la modification du RLPI (Règlement Local de Publicité Intercommunal). » L’ancienne adjointe poursuit en citant l’exemple de Lyon qui a, selon elle, été beaucoup plus ambitieuse dans la réduction de la publicité. « Lyon se libère de la publicité, tandis que Montpellier prépare une nouvelle convention avec les publicitaires… pour une durée de 17 ans », accuse-t-elle.
Face à ces critiques, la majorité, par la voix du maire Michaël Delafosse, défend l’apport financier de la publicité, qui rapporte à la collectivité 1,2 million d’euros par an. Il met également en avant les restrictions prévues, annonçant un objectif de 30 % de publicité en moins, avec comme première action emblématique la suppression du panneau numérique de la place de la Comédie.
Une droite atone
Si l’opposition à gauche s’est imposée comme une force de proposition face à la majorité, la droite montpelliéraine s’est montrée particulièrement discrète. À l’exception notable de Stéphanie Jannin, ses membres ont peiné à se faire entendre. Salim Jawari, ancien socialiste rallié à Horizons, est resté en retrait, tandis que Patricia Mirallès, ancienne ministre d’Emmanuel Macron, a multiplié les interventions hors sujet. La secrétaire d’État a ainsi demandé ce qu’était un four à pain, avant de s’étendre sur les actions d’une association de solidarité, sans lien avec les débats du jour.
Jacques Domergue, ancien leader de feu l’UMP, pourtant réputé pour son expérience, n’a pas non plus marqué les esprits, se contentant d’interroger sur le nombre de licencié·es au club de hockey sur gazon. Ces interventions, anecdotiques, voire déconnectées, illustrent la difficulté pour cette droite à incarner une alternative crédible.
En revanche, face à un maire qui apparaît sous pression, l’opposition à gauche, méthodique et incisive, entre Coralie Mantion, Serge Martin, François Vasquez et Alenka Doulain, confirme l’émergence d’un nouvel équilibre des forces.
