Samedi 10 mai 2025, dans les rues de Paris, l’impensable s’est une nouvelle fois produit : un millier de militants d’ultradroite, venus de toute l’Europe, ont défilé en plein cœur de la capitale.
Organisé par le Comité du 9-Mai (C9M), ce rassemblement controversé, initialement interdit par la préfecture de police, a finalement été autorisé par le tribunal administratif, au motif que l’édition précédente n’avait donné lieu à aucune poursuite. Une décision qui interroge, car l’iconographie néonazie et les symboles haineux étaient omniprésents ce samedi.
Le cortège, protégé par les CRS, a emprunté les rues du quartier Montparnasse jusqu’à la rue des Chartreux, lieu de la mort accidentelle de Sébastien Deyzieu, militant de l’Œuvre française, tombé d’un toit en 1994 alors qu’il fuyait la police. Ce décès accidentel est depuis devenu le prétexte annuel d’un défilé d’extrême droite qui réunit un amas de groupuscules français et européens. Parmi les participants cette année : des représentants de Dritte Weg (Allemagne), de Légió Hungária (Hongrie), et des figures bien connues de la scène identitaire française comme Marc de Cacqueray-Valménier ou Axel Loustau.
Si le GUD (Groupe union défense), organisateur historique de la marche, a été officiellement dissous en 2024, ses relais sont toujours bien actifs. La manifestation avait été déclarée par Maylis de Cibon, ancienne collaboratrice d’élus RN et militante du groupuscule néofasciste Luminis. Les organisateurs avait désigné des porte-parole qui portaient des brassards blancs, dont Jean-Eudes Gannat (ex-Alvarium), Alexandre Boumy (Des tours et des lys) et Raphaël Ayma (Tenesoun), pour répondre aux médias. Une manière assumée de normaliser cette démonstration de force, où slogans identitaires et références suprémacistes pullulaient.
Mai 1945 – mai 2025 : retournement de l’Histoire
Deux jours après avoir commémoré le 80ème anniversaire de la victoire contre le nazisme, l’événement est saisissant. Ce sont les forces de l’ordre qui encadrent avec zèle un cortège aux relents néonazis, alors que toute contre-manifestation antifasciste a été interdite. S’il est vrai que la France combattait le fascisme en mai 1945, il est hélas tout aussi vrai de dire que le gouvernement Bayrou combat l’anti-fascisme en mai 2025. N’a-t-il pas d’ailleurs demandé la dissolution du mouvement anti-fasciste, La Jeune Garde ? Les rares militants opposants présents ont été violemment dispersés ou contrôlés, parfois au simple motif d’un t-shirt « antifa ». L’extrême droitisation du gouvernement français est patente.
Sur les réseaux, les Parisien·nes témoins de ce triste spectacle notent que dans le cortège, « on croisait des tee-shirts siglés The White Race », des tatouages « 14 » en référence à un slogan suprémaciste américain, ou encore des symboles nazis à peine dissimulés. Et les images ne viennent hélas pas les contredire. En réponse, les organisateurs évoquaient la « mémoire » de leur camarade défunt et dénonçaient le « grand remplacement », dans des discours truffés de haine raciale et de références à un « héritage européen à perpétuer pour mille ans ».
Allo Place Beauveau ? Que fait le ministre de l’Intérieur ?
L’élu RN Axel Loustau, proche de Marine Le Pen, filmait la scène. Quant à Marc de Cacqueray-Valménier, multi-condamné pour violences, il organisait le cortège à visage découvert. Des témoignages racontent des insultes homophobes ou antisémites, des CRS débordés par les contre-manifestants, et une presse tenue à distance par le service d’ordre masqué.
Le choix du ministre de l’intérieur Retailleau est clair : l’interdiction des antifascistes et la tolérance pour les néonazis. Un paradoxe qui en dit long son traitement sécuritaire et judiciaire de l’hexagone. D’autant plus que le C9M, loin de s’essouffler, a vu son audience doubler par rapport à 2024. Après deux heures de déambulation, le cortège s’est dispersé, mais le choc politique et culturel demeure dans le pays.
Avec raison, Nicolas Cadène, cofondateur de la vigie de la laïcité explique : « Beaucoup de ces néo-nazis avaient le visage dissimulé, ce qu’interdisent les lois de 2010 et 2019. Ce n’est pas une première. L’ordre public apparaît atteint par certains propos tenus et symboles exhibés. On peut s’étonner du manque d’entrain des autorités pour les poursuivre. »
Etonnement, pas vraiment, plutôt confirmation que ce gouvernement, si prompt à réprimer les mouvements sociaux ou pacifistes et à mener de faux procès contre ses opposants de gauche, n’est plus garant des lois de la République.
