Visite de l’aire d’accueil des gens du voyage de Lunel avec André Génissieux, président du MRAP de Montpellier. Le constat est accablant : chaleur, insalubrité et sentiment d’abandon.
Aménagée il y a une quinzaine d’années, l’aire d’accueil des gens du voyage à Lunel est un espace sans aucun arbre pour offrir de l’ombre, aucune végétation entre les parcelles, seulement du béton au sol. Imaginez.
Un environnement hostile et mal entretenu
Renard, un résident, souligne : « L’aire n’est pas entretenue, les herbes poussent partout, il y a des rats, les poubelles ne sont ni nettoyées ni désinfectées. » Il ajoute : « Il n’y a aucun arbre, seulement les auvents, et quand il fait chaud, on crève de chaleur. »
Henri Beauman, installé à l’extérieur de l’aire, bénéficie quant à lui de quelques arbres sous lesquels il nous reçoit. Il confirme la difficulté de supporter la chaleur : « On est en juin et il fait déjà largement 40° dans les caravanes si on ne met pas la clim. »
Une gestion défaillante et un sentiment d’insécurité
L’aire d’accueil est gérée par l’agglomération, mais c’est essentiellement sur les usagers que repose la responsabilité de leur emplacement, alors qu’aucun état des lieux n’est réalisé, ni à l’entrée ni à la sortie. Ce sont eux qui repeignent les sanitaires à leur arrivée par exemple et, du fait de compteurs d’eau cassés, ils ne payent pas leur consommation réelle : un forfait journalier de 5 euros est appliqué.
Les infrastructures communes sont dégradées. La sortie de secours est bloquée par des pierres, rendant impossible toute évacuation rapide en cas d’urgence, sauf à pied. Les poubelles collectives sont ramassées uniquement à l’entrée et, malgré la présence de caméras, aucune surveillance réelle n’est assurée, ce que les usagers déplorent vivement, renforçant un sentiment d’insécurité, d’insalubrité et donnant « la sensation de coupe-gorge ». Pourtant, de bonne volonté, le technicien sur place n’a pas toujours les moyens matériels d’assumer ses missions d’entretien et de réparation.
Une chaleur insupportable et un manque de prise en compte des enfants
Les enfants scolarisés ne bénéficient pas de transports en commun adaptés et doivent être conduits en voiture vers le centre-ville. Voilà une piste qui pourrait réduire les circulations en ville en facilitant la vie des familles !
En cette fin de matinée, les familles supportent sur l’aire une chaleur étouffante. Elles entretiennent leurs parcelles avec soin. Les jeunes enfants jouent sur des nattes, protégés par des parasols et des auvents, mais la chaleur entre le béton et l’absence d’arbres est intolérable, et laisse craindre l’approche des mois d’été pour les plus fragiles.
Un projet de rénovation avorté et des comparaisons régionales
L’aire devait apparemment être refaite, nous raconte Renard, mais après les mesures, rien n’a été fait. Il raconte « j’ai interrogé l’Agglo, mais on m’a répondu que la société chargée des travaux a fait faillite ! » laissant le site dans cet état de délabrement. Du côté de l’agglomération, on indique que le marché de rénovation est « en cours » et on justifie l’absence d’arbres par le vol à l’ouverture de ceux qui avaient été plantés. À partir de cet acte isolé – qui n’est peut-être même pas le fait des gens du voyage – c’est une punition collective qui s’impose depuis 15 ans à des centaines de familles.
Les gens du voyage sont par nature des voyageurs et ils ont donc des objets de comparaison. « L’aire de Castries offre de meilleures conditions : un grand préau, la présence d’une assistante sociale et d’un gardien, ainsi qu’une organisation des circulations qui facilite l’accès et le stationnement des grands véhicules » nous explique Renard. L’aire de Saint-Mathieu, bien qu’ancienne, est considérée comme plus propre avec un gardiennage efficace.
Un cercle vicieux ?
Cette situation soulève une interrogation majeure : les gens du voyage ne seraient-ils pas victimes d’un cercle vicieux où l’on traîne à investir pour ceux qui ne rapportent pas de voix aux élections ? Aucun dispositif de médiation et d’éducation n’est prévu pour améliorer la vie collective sur le site. Ce manque d’investissement tant humain que matériel perpétue la marginalisation et la précarité des familles, notamment des jeunes, qui subissent les conséquences directes de cette politique d’abandon.
Une visite engagée pour témoigner
Cette visite a été effectuée en présence d’André Génissieux, président du MRAP de Montpellier en charge des gens du voyage, venu constater sur place les conditions de vie difficiles et soutenir les revendications des familles. « L’aire d’accueil des gens du voyage à Lunel cumule les difficultés : chaleur extrême, absence d’ombre, insalubrité, gestion défaillante des déchets, sentiment d’insécurité et absence de solutions pour la scolarisation. Malgré cela, les usagers font preuve d’une grande dignité en entretenant leurs parcelles avec soin » souligne-t-il.
Ce constat appelle à une intervention urgente des pouvoirs publics pour rénover, sécuriser et humaniser ce lieu, afin de garantir un accueil digne et respectueux des droits fondamentaux.
[VIDEO] Témoignage de Renard et Brigitte usagers de l’aire d’accueil :
