L’épisode est inédit, et hautement symbolique du climat parlementaire actuel : hier 26 mai 2025, la majorité présidentielle, alliée à la droite et à l’extrême droite, a voté une motion de rejet préalable, déposée par le rapporteur lui-même.
Un procédé rarissime, qui permet de renvoyer la proposition de loi agricole « Duplomb » directement en commission mixte paritaire, sans aucun débat en séance à l’Assemblée. Pour les députés de La France insoumise (LFI), c’est un scandale démocratique.
FNSEA, une caste au service d’intérêts privés
Le texte porté par le rapporteur de la commission des affaires économiques, le député LR Julien Dive, prévoit notamment la réintroduction de l’acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes interdit depuis 2020, la facilitation de l’élevage industriel et le soutien au stockage de l’eau. Pour LFI, il s’agit d’une loi « obscurantiste », dictée par les lobbies de l’agrochimie et de l’agrobusiness, défendue par une FNSEA de plus en plus assimilée à une caste au service d’intérêts privés.
Un « 49.3 parlementaire »
Face à ce qu’elle considère comme une loi « dangereuse pour la santé publique et la biodiversité », la gauche parlementaire avait déposé plus de 3 500 amendements. Une stratégie assumée d’obstruction, pour ouvrir un débat de fond sur le modèle agricole. En retour, les auteurs du texte ont organisé son propre rejet, pour forcer son adoption en CMP (commission mixte paritaire), à huis clos. Une manœuvre dénoncée comme un « 49.3 parlementaire » par la présidente du groupe LFI, Mathilde Panot, qui a immédiatement annoncé une motion de censure.
Pesticides et méga-bassines
Dans l’hémicycle, la députée LFI Mathilde Hignet a vivement interpellé la majorité : « Vous piétinez la voix des paysans et la mémoire des victimes de pesticides. Cette loi ne parle ni de foncier, ni de juste rémunération, ni de transition écologique, mais de pesticides et de méga-bassines. » Pour LFI, le texte ne répond en rien aux attentes des agriculteurs, et aggrave les inégalités entre les petites exploitations et les géants de l’agrobusiness.
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Alors que plusieurs permanences parlementaires ont été dégradées, la tension monte. « C’est la violence contre les paysans qui est la première contrainte à l’exercice du métier », a souligné Mathilde Hignet. LFI accuse le gouvernement de céder à la pression de la FNSEA et de sacrifier l’intérêt général. Pour Mathilde Panot, cette stratégie revient à empêcher tout débat, tout vote et tout échange démocratique sur un sujet de santé publique prioritaire. Elle dénonce une « forfaiture démocratique » organisée à huis clos.
Le texte reviendra en séance après la CMP, sans possibilité d’amendement. Pour les insoumis, le Parlement est ainsi vidé de sa substance.
[VIDEO] Intervention de Mathilde Hignet députée LFI :
Avec cette motion de rejet, vous piétinez la voix des paysans et paysannes qui s’opposent à ce texte.
Vous piétinez la voix et la mémoire des victimes de pesticides : agriculteurs, salariés, riverains.
Vous tremblez face aux lobbys : nous, nous ne céderons pas. pic.twitter.com/nq8okAymD1
— Mathilde Hignet (@MathildeHignet) May 26, 2025
