Dans une ambiance surchauffée et un brin ubuesque, tant la présidence de séance était laborieuse et les coups volaient bas, c’est sans surprise Hervé Marques qui a été élu par 32 voix sur 43 votant·es. La majorité municipale a resserré les rangs pour élire son maire et reconduire sa 1re adjointe. Elle a encaissé les critiques devant un public divisé entre pros et anti-Commeinhes.
La salle Tarbouriech était comble, preuve de l’intérêt des citoyen·nes pour les affaires de leur cité, comme l’ont souligné Laura Seguin, puis Sébastien Denaja; appétence accrue par cinq ans de privation puisque depuis l’épidémie du Covid, le conseil municipal s’est toujours réuni sans public. L’une et l’autre ont demandé au nouveau maire à ce que l’engagement soit pris désormais que les réunions du conseil municipal se tiennent comme partout en France dans des conditions permettant d’accueillir le public.
Plus de 40 minutes d’interventions avant le vote
Avant le vote pour l’élection du maire, plusieurs élu•es se sont exprimés pour commenter la condamnation de François Commeinhes, soit pour en amenuiser la portée et rendre hommage à son œuvre, soit pour en souligner la gravité et tirer les enseignements qui s’imposent pour éviter de telles dérives morales, démocratiques et financières.
Interrogeant Mme Authié sur les décisions qu’elle avait été amenée à prendre pendant son bref intérim, Sébastien Denaja s’est étonné de la présence active de certains collaborateurs dont le contrat aurait du prendre fin en même temps que celui du maire. Le directeur général des services a indiqué que leur contrat avait été prolongé, apparemment sans que Madame Authié soit au courant. Laura Seguin a considéré pour sa part qu’on ne se contentait pas de changer de maire, mais qu’il s’agissait de changer de système : « Accepter que rien ne change, c’est cautionner ce qui s’est passé » et a donc invité les élu·es à «voter en conscience ». Sa demande de disposer d’isoloirs a été entendue, mais le fait qu’il n’y en est qu’un et le temps imparti pour le vote rendaient son utilisation délicate.
Sébastien Pacull cherche à capter l’héritage gaulliste en votant pour un mort
En l’absence de son collègue député Aurélien Lopez-Ligori qui confirme son désintérêt pour la ville de Sète, Sébastien Paccull a répété qu’il aurait préféré que le mandat de François Commeinhes se termine devant les urnes, mais ne se prive pas d’enfoncer le clou là où ça fait mal : l’éthique et le bon sens, l’affirmation que l’ancien directeur général qui l’a fait chuté continuerait d’agir à la mairie et la « transmission d’influence ». Celui qui fut adjoint de François Commeinhes avant de rejoindre le RN a tenu à rendre hommage à l’ancien adjoint aux finances Antoine De Rinaldo décédé en octobre 2018, un « véritable gaulliste qui serait bien triste de voir ce qui se passe » et a indiqué qu’il voterait pour lui. Ne sachant visiblement à quel saint se vouer ni quel registre adopter, Sébastien Pacull s’est permis un clin d’œil en affirmant « aujourd’hui s’ouvre une nouvelle page. C’est Madame Seguin qui va sourire » en faisant allusion au collectif de citoyens et de citoyennes que celle-ci a lancé il y a un an avec sa collègue Véronique Calueba dont elle avait la procuration de vote.
Cette « instrumentalisation d’un mort » par le représentant du RN a été qualifiée par François Escarguel « d’indécence intellectuelle », le même Escarguel qui a tenu à affirmer que la candidature du remplaçant du maire démissionnaire avait été démocratiquement débattue « Nous ne sommes pas des godillots. Nous ne confondons pas loyauté et soumission ». Ce qui a fait dire à l’élu syndicaliste Sébastien Andral « ha, vous êtes un insoumis alors !». Rires dans la salle. Le second syndicaliste siégeant également au conseil dans l’opposition, Arnaud Jean a rappelé à Sébastien Pacull qu’il y a 80 ans, le mouvement gaulliste avait contribué à vaincre l’extrême droite et qu’il était paradoxal de sa part de s’y référer.
Au nom de la légalité, Sébastien Denaja propose la candidature de la 1re adjointe Blandine Authié
En bon légaliste (de surcroît professeur de droit), Sébastien Denaja a demandé à la présidente de mieux cadrer les débats qui partaient effectivement en tous sens et d’exiger le silence du public. Puis à l’approche de l’élection du maire, il a rappelé « Nous sommes là par la volonté du peuple au nom duquel la justice est rendue dans notre pays. Les faits sont suffisamment graves pour ne pas en rajouter ».
Rappelant que les Sétois ont donné à la liste de François Commeihnes en 2020 une majorité relative à 47% des voix et que la liste « La liste Ensemble pour Sète » représentait 41%, il invite à réfléchir « avec les valeurs de la république et le respect de l’état de droit. Quand le Numéro 1 est empêché, on se tourne vers la numéro 2. La logique aurait voulu de désigner Mme Authié pour la stabilité de l’édifice municipal ».
Bien qu’adjoint en charge du Pôle « Ville apaisée », Vincent Sabatier est surtout expert en saillies fielleuses. Il a réagi à la prise de position de l’ancien député par l’attaque la plus basse qu’on puisse trouver « on l’a bien vu s’associer avec les communistes. On le voit maintenant voter Authié. En bon socialiste, il est passé de la lutte des classes à la lutte des places ». Ce ne sera pas sa dernière du jour.
Hervé Marques soulagé, mais attendu au tournant
C’est donc après plus de 40 minutes de débats qui tournaient de plus en plus à l’invective que le scrutin pour l’élection du maire fut ouvert avec pour seule candidature celle d’Hervé Marques, à laquelle s’ajoutait donc la proposition inattendue présentée par Sébastien Denaja. Cette dernière ne recueillera que 5 voix. Hervé Marquès apparemment soulagé d’avoir fait le plein de la majorité avec 32 voix a fait, après avoir enfilé l’écharpe de maire, une déclaration assez vague et consensuelle dans laquelle il a assuré qu’il se consacrera « à 150% à son mandat ». En coulisse, à la question de savoir s’il sera tête de liste dans un an, il répond qu' »être candidat, ça se mérite », conscient qu’il devra faire ses preuves.
#Sète 👉 Dans une ambiance surchauffée et un brin ubuesque, c’est Hervé Marquès qui a été élu sans surprise successeur de François Commeinhes à la fonction de maire de Sète par 32 voix sur 43 votant•es pic.twitter.com/8kqLZH14rZ
— PLURIELLE INFO (@Plurielleinfo) May 12, 2025
Nouvelle salle Brassens contre viaduc de la ligne LGV
Comme ses colistier·es, Sébastien Denaja a dit espérer un changement de cap aux prochaines élections et a formulé au nouveau maire des propositions pour les dix prochains mois : outre la demande de tenir publiquement les réunions du conseil, l’application des recommandations de l’agence française anti-corruption, le renvoi du chantier de la future salle Brassens à l’avis des élections municipales, la non-délivrance du permis de construire d’une tour de 45 mètres à l’entrée Est de Sète, et la consultation des sétois pour tout grand projet.
Réponse immédiate et cinglante de Vincent Sabatier : « Nous, nous n’allons pas déchirer notre programme de 64 pages, comme vous l’avez fait entre deux tours pour vous associer avec un mélange de chichoumeille. Nous allons porter ce projet à terme. Le parking ira à son terme. La tour aussi, car y renoncer coûterait 4 millions d’Euros ». Puis toujours aussi perfide, il demande au conseiller régional, en échange de la réouverture du débat sur le projet de la salle Brassens, l’engagement à renoncer au viaduc de la LGV.
Toutefois, il n’a pas répondu à Laura Seguin qui lui demande de justifier ce chiffre de 4 millions d’Euros, qui dénonce la politique du « fait accompli » et demande une réorientation stratégique de la ZAC de l’entrée Est.
LIRE AUSSI : Fin de règne pour le maire de Sète condamné et démissionnaire
Mme Authié reconduite, mais avec un potentiel démissionnaire sur sa liste
Vint enfin l’élection de l’unique liste d’adjoint·es conduite par Blandine Authié qui a réuni 32 voix et 11 bulletins blancs. Sébastien Denaja s’est étonné que Hervé Merz y figure puisqu’il avait annoncé sa démission. Le nouveau maire lui a répondu que M.Merz était toujours administrativement membre du CM et a fait remarqué que lui-même, Sébastien Denaja, avait annoncé sa démission et qu’il y avait renoncé. Nous ne saurons donc que dans quelques jours si Hervé Merz a concrétisé son annonce ou s’il est retourné au bercail.
Hervé Marquès élu nouveau maire de #Sète après la démission de François Commeinhes, condamné par la justice 👉 Blandine Authié reste première adjointe pic.twitter.com/DeuXCAzRrl
— PLURIELLE INFO (@Plurielleinfo) May 12, 2025
Le vote de la liste des délégations accordées au maire a suscité de plus vifs débats, car, comme l’a souligné Laura Seguin, tous les motifs de condamnation de François Commeinhes résident précisément dans ces délégations qui donnent plein pouvoir à un homme seul et que certaines décisions méritent débat au conseil municipal. Laurent Hercé cite pour exemple les 600 000 d’euros accordés pour la passerelle « au miroir » découverts dans la liste des décisions du maire. Ce à quoi Vincent Sabatier , encore lui, n’a pas trouvé mieux à répondre à Laura Seguin avec une goujaterie certaine que son « disque était rayé, pourtant vous êtes jeune» avant de la renvoyer à son mentor François Liberti et autres imbécilités. Après les protestations de ses colistiers Denaja et Hercé, Vincent Sabatier s’est enfoncé un peu plus dans l’ignominie.
Faux conflits d’intérêts
La lassitude avait gagné la salle quand vint l’élection des représentants de la ville auprès de divers organismes. La demande de passer la parole à une représentante de Bancs Publics a été refusée catégoriquement . Avec calme et clarté, Laura Seguin a présenté sa candidature à la SPLBT (société en charge de gérer notamment le chantier du parking de la Place Aristide Briand), motivant sa candidature par la nécessité d’y imposer la transparence sur le financement de ce projet et l’arrêt des travaux. Le maire a tenté de s’opposer à cette candidature au motif que Laura Seguin étant membre de Bancs publics, il y aurait donc « conflit d’intérêts », sauf que cette notion ne s’applique pas pour les associations loi 1901 à but non lucratif. Au moment de passer au vote, toutes les voix d’opposition ont voté en sa faveur, mais de nombreux bras se sont spontanément levés dans la salle. C’est Madame Corporon qui a été élue à la SPLBT. Le même sort a été appliqué à la candidature de l’écologiste Laurent Hercé à la commission de suivi de site de l’usine de Valorisation Energétique (UVE) parce que, a-t-il plaidé, « il ne faut pas faire une confiance absolue à la technologie et le mieux serait de tout faire pour diminuer les déchets ». C’est le maire qui sera le représentant de la ville dans cette commission.
La démocratie ne sort pas grandie à l’issue de cette chaotique passation de pouvoirs. Il y a même fort à craindre, au vu de la prédominance de Vincent Sabatier dans le débat, que, malgré sa prestation calamiteuse sur M6 et ses interventions désordonnées et injurieuses en conseil, celui-ci ne soit en réalité le « nouveau » maître à l’Hôtel de Ville, ou au moins son chien de garde.
