La journée du 12 novembre restera comme celle où la gauche s’est divisée à l’Assemblée nationale, sur fond de bataille budgétaire et de calculs politiques.
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, présenté par le gouvernement de Sébastien Lecornu, contenait un article manœuvrier : la suspension jusqu’en janvier 2028 de la réforme des retraites imposée par Élisabeth Borne.
Fragile compromis négocié entre Macron et le Parti socialiste
Adoptée par 255 voix contre 146, la mesure a rassemblé un attelage inédit : socialistes, écologistes et Rassemblement national ont voté pour, tandis que les députés Renaissance et MoDem se sont abstenus, respectant un fragile compromis négocié entre le gouvernement et le Parti socialiste. Pour Lecornu, ce succès d’étape a valeur de répit : il échappe à une motion de censure, maintient le cap budgétaire et gagne un peu de temps politique.
Olivier Faure a revendiqué une « victoire symbolique » : celle d’avoir fait tomber le « totem macroniste » des 64 ans. Le PS estime avoir ouvert une brèche dans la réforme honnie et renvoyé à 2027, année présidentielle, la question de son abrogation. Mais à gauche, tout le monde ne partage pas cet enthousiasme.
Opération trompeuse
Pour La France insoumise, cette suspension n’est qu’un « décalage » : la réforme reste intacte, simplement reportée. Mathilde Panot et Hadrien Clouet ont dénoncé « une illusion », et ils rappellent que voter ce texte revient à « avaliser la retraite à 64 ans ». Les communistes ont tenu la même ligne, jugeant l’opération « trompeuse ».
Les écologistes, eux, se sont montrés plus divisés. François Ruffin a défendu un pragmatisme « à petits pas », quand Sandrine Rousseau alertait sur le risque de voir l’exécutif reprendre d’une main ce qu’il concède de l’autre, par des décrets ou des déremboursements à venir.
Au-delà du symbole, la suspension aurait un coût : 300 millions d’euros dès 2025, près de 2 milliards en 2027, et aucun plan de compensation n’a été présenté.
La soirée s’est achevée dans une ambiance agitée avec quelques mots du presque inconnu Laurent Panifous, ministre, délégué chargé des Relations avec le Parlement. Faute de temps, les députés n’ont pas pu examiner l’ensemble du texte, transmis au Sénat, inachevé. Une situation paradoxale qui arrange, au fond, tout le monde : la gauche « macroniste » peut revendiquer une victoire partielle sans cautionner l’ensemble du budget, et Lecornu évite un rejet global.
Prochaine étape : le Sénat, dès le 19 novembre, où la suspension des retraites risque d’être retoquée par la majorité de droite. Mais pour l’heure, Sébastien Lecornu est sauvé.