Autour de l’abbaye de Saint Félix de Monceau située depuis le XIe siècle sur les hauts de Gigean, deux cultures s’affrontent : d’un côté, celle des amoureux du site et de vieilles pierres qui la bichonne depuis 55 ans sous l’impulsion de Luc Routier; de l’autre, des institutions technocratiques qui en reprennent la gestion et voient tout cela d’un (mauvais) œil d’experts, ressentis par les premiers comme arrogant.
Résultat sans appel : un arrêté préfectoral est pris le 23 janvier 2025, il est affiché sur les lieux, et il accable l’association et ses années de travail bénévole, pourtant récompensé à plusieurs reprises.
Depuis que l’abbaye est passée sous gestion de Sète Agglopôle Méditerranée, l’association de ses amis est désormais reléguée au rang d’animatrice culturelle. Toute intervention sur les pierres ou les jardins lui est strictement interdite. L’État évoque des travaux « illégaux », « non maîtrisés » et une mise en péril du patrimoine. La décision préfectorale acte une clôture du site – jusqu’à en fixer la matière et la hauteur – et une future déconstruction.
Le site sera fermé au public « provisoirement », le temps que soient engagés un diagnostic et les « vrais travaux », et surtout démontés, pièce par pièce, ce que les bénévoles y ont apporté : ici un mur trop droit, là un jardin, là-bas une statue, et partout les panneaux de signalisation… Le diable se cachant dans les détails, on ira jusqu’à couper un laurier rose ou retirer des cuves récupérées dans une coopérative pour recueillir l’eau de pluie afin d’arroser les nombreuses plantations qui entourent l’abbaye.
Un déchirement pour ceux qui ont voué leur vie à embellir le lieu et un rude paradoxe quand on sait qu’avec le projet de ligne LGV, le massif de la Gardiole sur lequel trône l’édifice tant contrôlé sera lui transpercé par un tunnel et qu’un viaduc sera érigé entre l’abbaye et l’étang qu’elle surplombe. Les experts de l’État et de l’agglomération seront-ils aussi tatillons et exigeants pour ces ouvrages qu’ils le sont avec les ruines de l’Abbaye ?
[PODCAST] L’abbaye de Saint-Félix : Luc Routier, 55 ans de passion balayés ?
Dans ce podcast empreint d’émotion, Luc Routier, fondateur des Amis de l’abbaye de Saint-Félix-de-Montceau, raconte une vie de dévouement pour sauver ce joyau roman du massif de la Gardiole. Bénévole depuis l’âge de 18 ans, il évoque ses combats, les travaux salvateurs menés sans moyens, mais avec passion, et les reconnaissances obtenues.
C’est un homme en colère et humilié qui dénonce une dépossession brutale et le risque d’effacement d’un demi-siècle d’engagement. Il se dit prêt à entamer une grève de a faim pour préserver ce qu’il considère comme « sa fille ».
Une pétition recueille déjà plus de 12 000 signatures. En solidarité avec l’association, une manifestation Festi’Félix est organisée dimanche 22 juin de 10 h à 19 heures avec un marché artisanal et une comédie musicale « Isabelle et le roi » inspirée de l’histoire de l’Abbaye.
