À l’Assemblée nationale, le RN reprend mots pour mots la note des lobbyistes de Airbnb

airbnb location illustration - Photo - Peggy Fotografin
airbnb location illustration - Photo - Peggy Fotografin

Trois ans !  C’est le temps qui s’est écoulé entre l’annonce par le gouvernement macroniste de mesures tendant à encadrer la location saisonnière en meublés touristiques et le vote final de la loi transpartisane dite «loi  anti-Airbnb » le 7 novembre. Mais à l’issue d’un parcours long et chaotique, la loi votée laisse aux maires la responsabilité d’appliquer, ou pas, l’essentiel des mesures de régulation.

Après l’obstruction gouvernementale à faire discuter cette loi, c’est la droite et l’extrême-droite qui ont bataillé dur pour garder les taux de profit élevés de ce secteur de la location saisonnière, taux dus à ses avantages fiscaux, à l’absence de normes imposées à ces logements saisonniers et bien sûr à l’absence de prestations hôtelières. Pour la co-autrice de la loi, Annaïg Le Meur : « De 2014 à 2024, le nombre de logements loués en courte durée est passé de 80 000 à 1,2 million ». Un taux de croissance énorme qui s’est effectué  au détriment du parc locatif nu, d’où  » l’importance de rétablir un équilibre pour garantir un accès à des logements de longue durée pour les locataires ».

Il est loin le temps des débuts de la plate-forme en 2008 alors nommée « Airbed and breakfast » — littéralement  « matelas gonflable et petit déjeuner » — qui mettait en relation des voyageurs avec des particuliers, lesquel·les  recevaient chez elleux et/ou  louaient un espace allant du canapé à une pièce ou un logement entier. Maintenant, l’immense majorité des logements loués sur les plates-formes à travers le monde ne sont les domiciles de personne, mais des logements uniquement destinés à la location saisonnière, qu’ils soient la propriété de particuliers ou de sociétés.

Ce secteur de la location saisonnière meublée assèche dans toutes les communes à potentiel touristique l’offre de location de logements permanents, contribuant parallèlement à l’augmentation générale des loyers. À Sète, on peut estimer à plus d’un millier le nombre de ces logements sur la seule plate-forme Airbnb, sachant qu’il y en a bien d’autres…

Réguler le marché ? Quotas, autorisations, interdictions…

À la finale, la loi se contente d’offrir aux maires quelques moyens d’action présentés  sous forme de « boîte à outils » leur permettant de réguler le marché : attribution d’un numéro d’enregistrement obligatoire comme il existe à Paris, délivrance d’autorisation de changement d’usage – d’habitation à location saisonnière -, baisse du nombre de jours autorisés de location d’une résidence principale à 90 au lieu de 120 actuellement , possibilité d’imposer un quota de logement en location meublée de courte durée et, pour les villes qui ont plus de 20% de résidences secondaires, d’interdire toutes nouvelles constructions destinées à cet usage. C’est le cas sur le territoire de Sète Agglopôle Méditerranée qui détient le taux record de 26 % de résidences secondaires, taux qui ne baissera pas de lui-même puisque cette catégorie constitue encore 13% des constructions neuves.

Quotas, autorisations, interdictions… ce ne sont que des possibilités légales qui sont offertes aux maires, nullement une obligation. Alors deux questions se posent : Quel·les maires auront le courage ici de se saisir de ce dispositif pour permettre l’accès au logement aux ménages modestes (ceux qui n’ont pu accéder à la propriété) quand les multi-propriétaires profitent eux du système ? Et quels moyens auront-iels d’en contrôler l’application ? Ces limites de la loi permettent au géant américain de ricaner en rappelant que, « sur les 4 000 villes que la loi autorisait déjà à prendre des mesures pour limiter l’essor des locations de courte durée, seules 350 communes s’en étaient saisies« . A n’en pas douter, ses lobbyistes vont continuer leur job. Et les associations et collectifs de défense du logement et des locataires devront engager le bras de fer avec leur commune pour reconquérir des logements accessibles.

Fiscalement plus avantageux que la location classique

Côté fiscal, pour les meublés non classés, l’abattement fiscal passerait de 50 % à 30 %, s’alignant ainsi sur la location nue, dans la limite de 15 000 euros de recette par an. Quant aux meublés classés et chambres d’hôtes, ils bénéficieront d’un abattement ramené de 71 % à 50 % avec un plafond de revenus locatifs abaissé à 77 700 euros.  Ce qui reste toutefois plus avantageux que la location classique, ce que regrette la députée insoumise Aurélie Trouvé, vice-présidente de la Commission Mixte Paritaire dédiée, qui aurait souhaité supprimer cet avantage.

Exonérés jusque-là des obligations de rénovation thermique, les meublés de tourisme devront progressivement se mettre aux normes communes ( obligation d’un DPE au moins F en 2025 et E en 2028), droite et RN ayant beaucoup œuvré à alléger et retarder toutes contraintes.

Dernier point de la loi durement contesté par le RN qui en appelle aux «principes constitutionnels» du droit de propriété : Les règlements de copropriété pourront être modifiés pour interdire ce type de location. Mais dans les immeubles déjà majoritairement détenus par des copropriétaires la pratiquant, ils ne voteront évidemment pas contre la source de leurs profits. On sait également qu’un grand nombre de copropriétés, surtout dans l’habitat ancien, n’ont pas de réel fonctionnement.

Palme de l’hypocrisie au député RN Alexis Jolly

Au cours de cette longue bataille parlementaire où certain·es  ont joué sur tous les tableaux de l’hypocrisie, la palme revient au député RN Alexis Jolly. Il a été démasqué lors de l’ultime débat à reprendre mot pour mot  la note blanche envoyée par Airbnb la veille de la commission mixte paritaire. Et sous couvert de défendre le pouvoir d’achat des « petits propriétaires » – qu’aucune des dispositions de la loi ne remet pourtant en cause -, c’est en réalité les profits de la plate-forme cotée en bourse et ceux des gros investisseurs qui ont été défendus jusqu’à la dernière minute.

Avec le RN, c’est toujours la même méthode : faire croire que l’on défend les petits pour servir les gros. C’est même fondamentalement sa raison d’exister.

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