Dimanche 6 juillet 2025, à quelques kilomètres de Montpellier, s’est tenue une journée peu ordinaire. Intitulée “Les quartiers s’en mêlent”, cette Assemblée des Quartiers a réuni plus de 350 personnes venues des quatre coins de l’ensemble des quartiers populaires de Montpellier, autour d’une idée centrale et simple : prendre la parole, revendiquer sa place, et construire ensemble des perspectives politiques pour demain.
Cette journée aurait dû se tenir à Montpellier. Faute de salle disponible – ou accessible – dans la ville-centre, les organisateurs ont dû se tourner vers une commune voisine, Lattes, et louer un lieu privé appartenant à un jeune entrepreneur issu des quartiers populaires montpelliérains. « Un choix contraint, mais finalement symbolique », interpelle Gemel Ben Said, référent de l’Assemblée des Quartiers Populaires et organisateur de cette rencontre « ce sont les nôtres qui créent aujourd’hui les espaces de débat et de dignité que la puissance publique leur refuse ».
Une journée politique, humaine, et profondément collective
L’assemblée entre dans le vif du sujet avec la présentation du projet « Éducation4Gaza », porté depuis 2009 par le documentariste Samir Abdallah. À travers des images fortes, il rappelle que la solidarité n’a pas de frontières, et que les injustices subies ici et ailleurs doivent nourrir des luttes communes. D’un quartier à l’autre, d’un peuple à l’autre, les logiques d’exclusion, de résistance et de dignité se répondent.
Avant même les débats, un déjeuner généreux, préparé grâce à l’énergie et l’envie des quartiers populaires, est servi à table. Dans chaque assiette, un geste d’hospitalité, un acte politique. “Ici, on se nourrit ensemble, on se respecte, on partage. C’est ça aussi la dignité populaire”, glisse l’un des organisateurs, Tarek Kawtari.
Une parole libre, directe, sans filtre
L’après-midi laisse place à ce que beaucoup attendaient : le micro est ouvert aux habitant·es. Pas de modération formelle, pas de discours calibrés. Juste des voix venues du quotidien. Colère face aux injustices, dénonciation des discriminations, critiques des politiques publiques, mais aussi propositions concrètes, élans d’espoir, récits de vie. Des prises de parole brutes, lucides, puissantes.
Partout dans la salle, on remarque la présence active de la jeunesse. Discrète parfois dans les mots, mais incontournable dans les actes. Elle a cuisiné, servi, organisé, accueilli, parlé. Elle a montré, sans détour, qu’elle n’attend plus qu’on vienne la chercher : elle est déjà là. Et elle veut construire, maintenant.
Quand les politiques doivent répondre
Le troisième temps fort est politique. Sept responsables politiques, Isabelle Perrein (div droite), Salim Jawari (Horizon), Serge Martin (SDE), Anne-Rose LeVan – (ENSEMBLE), Boris Chenaud – (L’Après), Nathalie Oziol – (LFI) et Jean-Louis Roumegas (Les Ecologistes – EELV) prennent place sur scène. La question est posée sans détour : “Quelle place donnerez-vous aux quartiers populaires dans vos projets municipaux pour 2026 ?”
Les réponses varient. Certaines cherchent à convaincre, d’autres peinent à dépasser la posture. Et souvent, un même constat : on continue à penser pour les quartiers, sans eux. Les habitant·es ne s’y trompent pas. Quand la parole leur est rendue, les interpellations sont très franches, sans agressivité, mais sans complaisance. “On en a assez d’être consultés pour cocher des cases. Ce que nous voulons, c’est co-construire, décider, participer pleinement”, lance une intervenante.
Une énergie à transformer en mouvement
La journée se termine dans la musique et la joie, avec un DJ set, des discussions informelles, et un nouveau repas préparé collectivement. Loin d’être une simple détente, ce moment festif s’inscrit dans la même logique : recréer du lien, faire collectif, célébrer les forces populaires. Temps de reconnaissance : l’hommage rendu à Gemel Ben Saïd, figure respectée du terrain, discret, mais essentiel. Un trophée lui est remis, dans une émotion palpable. “C’est aussi ça notre force : savoir reconnaître ceux qui œuvrent dans l’ombre, et construire avec eux”, résume un participant.
Une absence remarquée, un potentiel immense
Dans les conversations de fin de journée, une absence revient : le Parti socialiste (PS), aujourd’hui aux commandes à Montpellier, n’a pas daigné envoyer de représentant. Ce silence, pour beaucoup, est un signe. “Ils ne nous entendent que quand ça les arrange”, lâche un habitant. Mais loin d’en faire un motif de découragement, les organisateurs préfèrent y voir un levier pour accélérer leur propre structuration. Car c’est peut-être la principale leçon de cette assemblée : les quartiers populaires ne manquent pas d’idées, d’énergie ou d’envie. Ce qu’il leur manque encore parfois, c’est un cadre commun, une coordination, une stratégie partagée pour peser durablement sur les choix politiques. Les quartiers s’en mêlent ? Oui. Et ils ne comptent pas s’arrêter là.
