Repenser le progrès, relocaliser les luttes : l’écologie populaire en action

Pierre Benassaya auteur : Le pari de l’écologie populaire - Photo - LF / PLURIELLE INFO
Pierre Benassaya auteur : Le pari de l’écologie populaire - Photo - LF / PLURIELLE INFO

Montpellier, le Quartier Généreux a accueilli une nouvelle édition des « Jeudis Politiques » ce 17 avril, autour du livre Le pari de l’écologie populaire de Pierre Benassaya.

Succès assuré et salle comble, pour une méthode participative d’arpentage et d’échanges nourris qui ont permis de revisiter les enjeux de l’écologie populaire, en présence de l’auteur, d’Elisabeth Jaune (association Graines Populaires) et de Julia Mignacca, co-secrétaire des Ecologistes de Montpellier, animatrice de la soirée.

Organisation participative et méthodologie d’éducation populaire

Le Quartier Généreux, café associatif engagé du centre-ville, propose régulièrement des événements favorisant la réflexion citoyenne et l’action collective. Pour cette soirée, le choix s’est porté sur l’arpentage, une technique d’éducation populaire : chaque participant lit un extrait différent du livre en sous-groupe, puis partage à l’assemblée ses impressions, questionnements et analyses.

Cette méthode est faite pour briser l’isolement du lecteur et enrichir la compréhension par la diversité des regards tout en favorisant l’appropriation collective des savoirs.

Après une demi-heure de lecture en petits groupes, chaque équipe a restitué les grandes lignes de son chapitre, et a ainsi provoqué de nombreux débats. Pierre Benassaya qui découvrait l’exercice explique : « dès lors qu’on publie un livre, il n’appartient plus à l’auteur, mais à ceux qui le lisent. » Il s’est même étonné des points mis en avant ou laissés de côté par les lecteurs.

[VIDEO] interview de Pierre Benassaya :

Échanges intenses et questionnements collectifs

Les échanges ont rapidement dépassé la simple restitution pour aborder des enjeux profonds comme la diversité des rapports à la nature, de l’anthropocentrisme à la symbiose, et la question de l’adaptation des sociétés aux limites écologiques.

Les groupes de lectrice·eurs ont aussi abordé l’histoire de l’écologie politique, ses racines marxistes et libertaires, et les critiques du progrès technique. N’ont pas été laissées de côté les impasses de la société de consommation et du mythe de la croissance infinie, la dépendance à la croissance et la nécessité d’autolimiter nos besoins.

Autre enjeu important : gagner la bataille de l’imaginaire collectif, mobiliser localement afin de faciliter et démocratiser l’engagement écologique. Dans le débat, une urgence s’est imposée : la déconstruction d’une perception de l’écologie comme « bourgeoise », et surtout la nécessité de penser l’écologie populaire à partir des réalités sociales et territoriales, « il faut arrêter de culpabiliser les plus modestes. »

Dans Le pari de l’écologie populaire, Pierre Benassaya propose un renversement salutaire de nos représentations contemporaines du progrès comme la sobriété heureuse, la question de la décroissance choisie et le rôle des engagements individuels et collectifs.

L’Europe, la question des émissions importées, la dette écologique et les mécanismes de compensation pour les pays du Sud ont également nourri les débats, tout comme la difficulté à faire pression sur les décideurs et à lutter contre le pouvoir des lobbies.

Un livre, des pistes pour agir

Le pari de l’écologie populaire, tel que restitué par les participants, propose une analyse critique des rapports à la nature, de l’Histoire, de l’écologie politique et des limites du capitalisme. Il invite à repenser nos besoins, à privilégier l’action locale et collective, et à s’engager pour une justice sociale et environnementale. Le livre met en avant le principe des « 8 R » et appelle à une mobilisation citoyenne pour faire évoluer les normes et les imaginaires.

Les 8 R

Huit piliers pour dessiner un projet de société qui replace l’humain dans son écosystème sans le déconnecter du réel. Loin des grands discours abstraits ou culpabilisants, Pierre Benassaya propose une écologie des gestes concrets, des luttes locales et d’une conscience collective en marche.

Répartir : remettre en question les inégalités dans l’accès aux ressources et aux richesses. L’écologie populaire est aussi une écologie de la redistribution.

Réduire : diminuer notre consommation de ressources, notre production de déchets, notre usage de l’énergie. C’est la base d’une sobriété matérielle assumée.

Respecter : les écosystèmes, les humains, les autres vivants. Cela implique une éthique du soin, du vivant et des relations.

Relocaliser : produire et consommer au plus près, pour réduire les transports, renforcer les économies locales et reterritorialiser les activités humaines.

Réparer : soigner les territoires dégradés, retisser les liens sociaux abîmés, et réparer les injustices historiques (notamment environnementales).

Réutiliser : donner une seconde vie aux objets, sortir de la logique du jetable. La réparation, le recyclage et les circuits de l’économie circulaire sont valorisés.

Recycler : transformer les déchets en nouvelles ressources, dans une logique de boucle fermée. Un geste concret qui limite l’extraction de matières premières.

Résister : aux logiques extractivistes, à la marchandisation du vivant, au capitalisme vert. C’est l’axe politique de la démarche, inscrit dans les luttes sociales et écologiques.

Au Quartier Généreux cette rencontre a permis de démontrer l’efficacité de l’arpentage comme outil de réflexion collective et d’appropriation citoyenne des enjeux écologiques. Comme l’a résumé Elisabeth Jaune (Graines Populaires) : « la réduction des besoins, autrefois gérée collectivement, est désormais individuelle, rendant difficile le retour au collectif. » Un défi que le Quartier Généreux et ses partenaires semblent bien décidés à relever, un jeudi à la fois.

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