Mauguio : « l’eau n’est à personne et son usage est à tous, » Jean-Charles Amar

Mauguio : "l’eau n’est à personne et son usage est à tous" Jean-Charles Amar - Photo - LF / PLURIELLE INFO
Mauguio : "l’eau n’est à personne et son usage est à tous" Jean-Charles Amar - Photo - LF / PLURIELLE INFO

Sécheresses, inondations, pollutions, gestion des ressources… Les enjeux de l’eau au cœur d’une conférence à Mauguio, pour débattre de la problématique de l’eau et de l’adaptation aux changements climatiques à l’initiative des Amis de la Gendarmerie.

Salle comble, ce lundi 14 avril, avec aussi des élu.es locaux ainsi que le sénateur Hussein Bourgi, qui ont répondu à l’invitation du comité de Montpellier des Amis de la Gendarmerie pour une conférence consacrée à la problématique de l’eau, alors que l’Hérault fait face à des défis croissants liés à la ressource hydrique.

La gendarmerie en première ligne face aux risques environnementaux

Premier intervenant, Florian Grolier, officier adjoint à l’environnement de la gendarmerie de l’Hérault, a dressé un état des lieux préoccupant : « 88% des communes du département ont une partie de leur territoire en zone inondable, soit 1,2 million de personnes concernées, un chiffre qui double en saison touristique. » Sécheresses, pénuries d’eau, crues et pollutions sont désormais au cœur des missions de la gendarmerie, qui veille à la sécurité publique et à la protection des populations.

L’officier a également insisté sur la montée des infractions environnementales, la nécessité d’une gestion équitable de la ressource entre industriels, agriculteurs et habitants, et la surveillance accrue de la biodiversité aquatique, avec des espèces locales menacées comme le chabot du Lez ou l’anguille européenne. En cas de crue, le Centre opérationnel départemental (COD) est activé pour coordonner la protection des populations.

L’eau, un bien commun sous tension

Jean-Charles Amar, docteur en droit public et ancien directeur général des services de l’EPTB Vidourle, a élargi la réflexion à l’échelle mondiale : « 70% du corps humain, comme de la surface de la Terre, est composé d’eau. Pourtant, la moitié de la population mondiale n’a pas accès à l’eau potable. » En France, la consommation moyenne atteint 150 litres par jour et par personne, contre 20 litres en Afrique et 1 000 litres à Las Vegas.

L’intervenant a souligné le poids de l’agriculture dans la consommation en eau (1 kg de maïs nécessite 230 litres d’eau, le riz vingt fois plus) et de l’industrie (53% des prélèvements servent à l’électricité). Il a alerté sur le stress hydrique qui touche déjà 20% de la population avec des coupures d’eau déjà déplorées dans plusieurs communes, et sur les pertes importantes dans les réseaux (25% de l’eau perdue avant d’arriver au robinet). Les sècheresses entrainent des inondations de plus en plus graves et « le coût annuel des inondations en France atteint 3 milliards d’euros ». Jean-Charles Amar plaide pour une gestion globale du « grand cycle de l’eau », dont les étapes sont l’évaporation, la condensation, les précipitations, la genèse de cours d’eau naturels, éventuellement captés et rejetés sous forme d’eaux usées, aboutissant dans les mers et océans avant évaporation. En effet, seul le « petit cycle de l’eau » (du captage au rejet), est pris en considération par les collectivités. Une meilleure prévention est également de mise, notamment en adoptant « l’intelligence nature » et en développant la « ville éponge », à l’antithèse de la ville imperméable et minérale.

Des solutions à inventer pour demain

Olivier Sarlat, représentant de Véolia et du pôle Aqua Valley, a voulu apporter un éclairage international et technologique. « Sur 72% de surface d’eau sur Terre, seulement 3% sont douces, et 0,01% accessibles lorsqu’on ne tient pas compte de la glace. Deux milliards d’humains n’ont pas accès à l’eau potable, quatre milliards à l’assainissement. » Face à la croissance démographique (10 milliards d’humains dans 30 ans) et au changement climatique, il a insisté sur la nécessité d’anticiper et de sécuriser les infrastructures, notamment face aux cyberattaques qui se multiplient. La guerre de l’eau a bien commencé.

La France, a-t-il noté, réutilise moins de 1% de ses eaux usées, contre 20 fois plus en Espagne. « Si nous passions à 10%, ce serait 500 milliards de m³ économisés chaque année. »

Un débat et des pistes d’action

La conférence s’est conclue par un échange avec le public. Un agriculteur présent a évoqué les débats sur les retenues hivernales et la nécessité d’adapter les usages selon les territoires. « Les retenues pourquoi pas », a répondu Jean-Charles Amar, mais il pose alors trois questions : « où prend-on l’eau, dans la nappe phréatique ou par retenues collinaires ? Combien de m3 de béton et d’imperméabilisation sont nécessaire pour réaliser l’infrastructure, ce point pouvant être variable selon la géographie et la géologie du lieu d’ouvrage ? Et enfin : comment cette eau sera-t-elle utilisée ? »

Le sujet des pollutions émergentes comme les PFAs et de la coordination entre les différents acteurs institutionnels a également été posée : « la gendarmerie ne s’autosaisit pas de ces problématiques, il faut saisir le préfet » précise Florian Grolier. La question de la privatisation des sources a également été posée, ce qui a permis à Jean-Charles Amar de rappeler qu’au regard de la loi française les sources d’eau ne peuvent être vendues, concluant l’échange en ces mots : « l’eau n’est à personne et son usage est à tous ».

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