En sous-effectif chronique, épuisés et débordés par un afflux de patient·es, les personnels du service des urgences adultes du CHU Lapeyronnie ont décidé de tirer à nouveau le signal d’alarme. En grève depuis le 5 février avec le soutien des syndicats CGT et FO, ils se sont rendus jeudi place de la Comédie pour populariser la pétition qu’ils lancent sur change.org avec pour mot d’ordre : “les urgences ne doivent pas être un lieu d’attente, mais un lieu de soin”.
Les problèmes semblent s’être donné rendez-vous dans ce service où se cumulent l’inadaptabilité des locaux vieux de presque 40 ans, l’insuffisance des surfaces, la pénurie de personnel notamment de médecins, inversement proportionnelle à l’augmentation du nombre d’entrées des patient·es – en augmentation de plus de 5000 entre 2023 et 2024 -, le manque de lits d’hospitalisation en aval et pour clore le tout, un management catastrophique avec une nouvelle direction sourde aux souffrances du personnel et à ses demandes. Le simple fait que les personnels en lutte refusent d’être filmés pour témoigner de peur de représailles en dit long sur le climat qui règne.
« On n’est pas là pour faire de la médecine de guerre »
Pour tou·tes ces soignant·es et acteurs de santé, la côte d’alarme est atteinte. “Là on traverse une situation inédite, avec des secteurs complets fermés sur le CHU. Mais ça fait plus d’un an que la situation est catastrophique”. “Il n’est pas normal que des gens, et notamment des personnes d’âgées de plus de 75 ans en augmentation de 25% aux urgences, attendent jusqu’à 15 heures sur des brancards, dans des salles bondées où se mélangent des personnes qui ont des troubles psychiatriques, des adolescents en détresse, des gens qui souffrent et qui crient”, témoigne une infirmière. “On s’est retrouvé le 23 décembre à ne même plus avoir suffisamment de brancards. Quand vous êtes obligé de faire une réanimation à même le sol pour un patient en arrêt cardiaque, on a dépassé les limites. On n’est pas là pour faire de la médecine de guerre”.
Les étapes de l’engorgement des Urgences
Après ces heures d’attente pour être pris en charge par un médecin, il faut encore plusieurs heures pour boucler le bilan médical (bilan sanguin, scanner, radio…) posé comme préalable à toute orientation dans un autre service. Et là démarrent de longues tractations entre les médecins urgentistes et leurs collègues chefs de service qui peinent à accepter les patient·es.
Pour désengorger le service des urgences et raccourcir ce parcours du combattant où les médecins passent plus de temps à chercher des lits qu’à soigner des patient·es, il faudrait un service de post-urgence et du personnel supplémentaire en amont pour réduire les temps d’attente. C’est ce qui a été demandé à la direction le 4 février dernier, explique Laurent Brun, secrétaire Force Ouvrière du CHU de Montpellier.
[VIDEO] Interview avec Laurent Brun, secrétaire Force Ouvrière du CHU de Montpellier :
Les conditions de travail sont telles dans l’hôpital public qu’il est de plus en plus difficile de pourvoir les postes et d’éviter les départs ou les arrêts pour burn-out.
Une autre syndicaliste déplore que les cliniques privées qui arborent le panneau URGENCE et touchent à ce titre des financements publics se refusent à participer à l’effort d’accueil et reportent sur Lapeyronnie la patientèle dont elles ne veulent pas. Elle relève en plus un problème de régulation géographique et de dispatching : “on reçoit des patients de partout, de Perpignan, Bézier, Sète, mais aussi du Gard…”.
Des travaux de modernisation sont certes prévus, mais à échéance de 2029. D’ici là, les urgences ne veulent pas craquer . Alors que la direction n’a apporté aucune réponse satisfaisante sur les mesures immédiates à prendre, le personnel poursuit son mouvement de grève (même s’il est peu perceptible puisque le personnel est “assigné”), et en appelle à la mobilisation de toutes et tous via leur pétition , « avant qu’il ne soit trop tard« .
