La vieille histoire du « deux poids, deux mesures »

Donald Trump a été élu une seconde fois président des États-Unis. C’est une triste nouvelle pour les amis de la Paix et pour le peuple palestinien. Trump et sa famille nourrissent, sans rire, un projet ambitieux pour Gaza : en faire une station touristique « encore plus belle que Monaco ». 

Sa victoire, le candidat républicain la doit, dans une proportion non négligeable, au soutien indéfectible de Joe Biden et de Kamala Harris à la politique meurtrière de Netanyahou. Plutôt que de soutenir la lutte pour le cessez-le-feu et l’embargo sur les armes livrées à Israël ; lutte menée par un grand nombre d’électeurs démocrates, notamment par la jeunesse estudiantine, les candidats démocrates ont tenté de se concilier les très influents sionistes chrétiens. En vain et pour cause !

Une assistance militaire de 14 milliards à Israël

Parmi ces derniers, le président républicain de la Chambre des Représentants, le trumpiste Mike Johnson. C’est lui qui, le 3 novembre 2023, fait voter une assistance militaire de 14 milliards à Israël. C’est encore parmi, eux en la personne de Franklin Graham, le fils de Billy, la figure de proue des évangélistes américains, qui « assure son soutien à Israël, le peuple de Dieu dans cette guerre du Bien contre le Mal « . Reçu par Netanyahou, le 20 novembre 2023, il appelle tous ses fidèles à prier « pour le Premier ministre israélien ». La sanction est tombée.  Pour avoir cautionné le bellicisme génocidaire du gouvernement israélien, Harris a perdu 13 millions de voix par rapport à l’élection présidentielle de 2020. Précisons que Trump a perdu, lui aussi, un peu moins de deux millions de voix. Le seul camp qui a donc progressé, le 5 novembre dernier, c’est celui des abstentionnistes.

Mais les USA ne sont pas les seuls à avoir les yeux de Chimène pour Israël. Le « deux poids, deux mesures » n’est pas né de la dernière couvée. L’Europe occidentale, et la France en particulier, nourrissent de longue date une admiration pour le Peuple juif vivant en Palestine.

Ainsi, en 1806, le très catholique François-René de Chateaubriand se rend en pèlerinage en Terre sainte. Son verdict est sans appel : « tout indique chez l’Arabe l’homme civilisé retombé à l’état sauvage ». En revanche, il voit dans les Juifs qui représentent alors moins de 10% de la population, « les légitimes maitres de la Judée, esclaves et étrangers dans leur propre pays. Rien ne peut empêcher ce petit peuple qui existe encore, sans mélange, de tourner les regards vers Sion » ajoute-t- il.

En 1832, Alphonse de Lamartine qualifie ceux qu’ils nomment les Arabes bédouins de « barbares ». « Leur civilisation, écrit-il, c’est le meurtre et le pillage ». Visitant l’esplanade des Mosquées à Jérusalem, il y voit surtout  « le piédestal sublime sur lequel s’élevait le temple de Salomon ». 

Peu après la naissance de la IIIe République, le très républicain Léon Gambetta affirme que « La France ne voit pas plus de peuple en Palestine que dans le reste du Moyen-Orient ».

En juin 1917, Paul Cambon, ministre français des Affaires étrangères, assure le mouvement sioniste que « son gouvernement ne peut qu’éprouver de la sympathie pour la cause de la colonisation israélite en Palestine.  Car, ajoute-t-il, ce serait faire œuvre de justice et de réparation que d’aider à la renaissance, par la protection des puissances alliées, de la nationalité juive sur cette terre d’où le peuple d’Israël a été chassé, il y a tant de siècles ». La balance de la justice ne penchait déjà que d’un côté, celui d’Israël. La justice, pour le peuple palestinien, n’effleurait pas la pensée occidentale, championne du colonialisme et convaincue de sa supériorité raciale sur le reste du monde.

Après la création de l’État d’Israël, la France sera durant deux décennies le principal fournisseur d’équipements militaires d’Israël. En quête elle-même de l’arme nucléaire, elle aidera Israël, à l’instigation du socialiste Guy Mollet, à se doter de la bombe atomique.

Mais, après la guerre des Six Jours, en juin 1967, Israël se tourne vers son allié inconditionnel, les États-Unis.  Il est vrai que la France – autrement plus courageuse qu’elle ne l’est aujourd’hui – avait prononcé un embargo sur les livraisons d’armes à l’État hébreu.

Au lendemain de l’adoption de la résolution 242 par le Conseil de sécurité de l’ONU qui prévoit « le retrait des forces israéliennes des territoires occupés » sans jamais toutefois mentionner le terme  » palestinien », De Gaulle prévient « qu’Israël organise, sur les territoires qu’il a pris, l’occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsions, et, il s’y manifeste contre lui une résistance qu’à son tour, il qualifie de terrorisme ». Cette déclaration vaudrait aujourd’hui à l’ancien Président de la République française d’être qualifié d’antisémite et d’être accusé « d’apologie du terrorisme ».

Certes, la marche vers la Paix est longue, semée d’embûches, mais elle est la seule qui guidera nos pas sur le chemin de l’Humanité.

Certaines citations sont extraites du livre « Comment la Palestine fut perdue et pourquoi Israël n’a pas gagné » Histoire d’un conflit XIXe – XXIe. Auteur : Jean-Pierre Filu

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