vendredi 14 mars 2025 • 19h32

PLURIELLE.INFO

Pour la paix et le Droit international : le courage des femmes

Nul besoin de statistiques pour constater qu’à Sète, les voix qui chaque semaine devant la mairie s’élèvent contre la guerre au Proche-Orient et réclament le cessez-le-feu sont majoritairement féminines. Preuve s’il en fallait que le courage n’est pas associé au port de testicules.

 Car il en faut beaucoup, du courage, pour dénoncer semaine après semaine depuis plus d’un an,  qu’il pleuve ou qu’il vente, ou que sous le soleil, les braillements des buveurs de « chez Boule », les klaxons et les musiciens des mariages, ou les animations diverses de la « place du Poulpe », couvrent la petite sono grésillante de la Ligue des Droits de l’Homme… Elles sont là, debout, avec la banderole qu’elles ont peinte et cousue, et trouvent les mots pour briser le silence qui entoure ce qu’il faut bien appeler désormais un génocide.

La première de ces femmes courageuses, c’est Véronique de la LDH qui anime la plupart du temps ce rendez-vous hebdomadaire, annonçant les orateur/trices et ouvrant d’une voix ferme la série de prises de parole par un point d’actualité toujours précis, détaillé qui décrit le massacre en cours et trouve des petites fenêtres d’espoir. Aide-soignante de profession, syndicaliste à l’hôpital de Sète, elle trouve encore le temps d’apporter sa pierre au combat pour la paix, un peu à l’image du « colibri », à laquelle elle aime à se référer pour désigner les syndicalistes grecs s’opposant au chargement d’armes pour Israël et toutes celles qui refusent de « se taire devant l’horreur de la guerre ». Toute la semaine, elle analyse les différentes informations. À partir du jeudi, elle choisit l’angle de son intervention et elle consacre sa matinée du samedi à l’écrire. Quand on lui demande quelle est celle de ses interventions qui l’a le plus marquée, elle dit que c’est « toujours la dernière, car l’horreur est là, les atrocités se cumulent, nos dirigeants ne font rien et la guerre s’étend. »

Autre initiatrice du mouvement pacifiste sétois, Geneviève parle haut et clair, au nom de La Libre Pensée. Sa double expérience de conseillère d’Éducation et de syndicaliste l’a habituée aux cours chahuteuses et à la précision du savoir. Ses textes sont toujours incisifs et percutants. Elle les martèle avec ce petit frémissement qui laisse affleurer sa colère. Pour les préparer, « c’est toujours un gros travail  pour faire tenir l’essentiel des informations en 5 minutes ». Elle soumet son projet à quelques proches pour être sûre de ne rien oublier. Si ses textes sont toujours prêts la veille, ils doivent pouvoir être modifiés jusqu’au dernier moment comme en ce jour du 26 octobre où l’armée israélienne a visé l’Iran.

Quand Geneviève ne peut être là, elle délègue à Anne-Marie le soin de représenter la Libre Pensée. Pour Anne-Marie, agente administrative en apparence réservée, cela n’a pas été évident au début, car jamais elle n’avait pris la parole auparavant dans l’espace public. Un exercice  qu’elle découvre et qui l’a projetée dans une histoire terrifiante qu’elle s’attache à documenter, celle du Proche-Orient, du dépeçage des empires coloniaux au redéploiement des pouvoirs financiers et du marché de l’armement. Depuis son premier texte un peu « peace and love » selon son expression, elle se sent « obligée d’aller chercher l’info de plus en plus loin » et de s’instruire pour comprendre les événements. « J’en suis à lire Claude Levi-Strauss !! ». Également membre de la France Insoumise, elle veille à trouver l’équilibre entre ce qui relève du positionnement de La Libre Pensée au nom de laquelle elle parle et un discours « plus politique » de son mouvement, notamment dans sa critique de l’attitude de Macron qui déclare au bout d’un an de guerre vouloir s’opposer à la livraison d’armes. Comme Véronique, elle se dit bouleversée : « Quand est-ce que tout cela va s’arrêter ? » Après Gaza, la Cisjordanie, le Liban, l’Iran…

C’est une « première » aussi pour Elisabeth, une autre Insoumise, de prendre la parole en public. Au-delà du trac de départ ressenti par cette ancienne employée de banque, elle finit par reconnaitre « finalement, ça me plait, ça oblige à lire et à réfléchir. C’est plus puissant de s’exprimer ainsi que de distribuer des tracts. Je fais une revue de presse, principalement avec le Monde Diplomatique, Informations Ouvrières ». Mais c’est finalement surtout avec la poésie qu’Elisabeth a choisi d’exprimer le drame qui se joue à Gaza et ses espoirs de paix. Ce qui l’a le plus marquée ? La lecture d’un poème « Si je dois mourir » de Refaat Alareer, quelques jours seulement après sa mort le 6 décembre 2023. Elle dit pourquoi : « Refaat Alareer  est un  résistant palestinien de Gaza. Il a été tué lui et toute  sa famille par une frappe israélienne ciblée sur l’immeuble où il avait tenté de la mettre à l’abri.» Autre temps fort :  la lecture à deux voix d’un texte « Dialogue entre un père et sa fille » écrit par son compagnon…

Pour la militante du PCF Valérie, « s’engager pour la Paix et la Justice semble d’une telle évidence que ce qui m’interroge c’est plutôt : comment peut-on ne pas y participer ?! ». Malgré cette forte motivation, pour elle,  la préparation des textes est « un processus assez laborieux, parce que je m’attache à être documentée le plus solidement possible ». La déclaration la plus marquante pour elle fut celle prononcée la veille du 1er tour des élections législatives en France. « Alors qu’il nous avait été reproché, par l’ensemble de nos opposants politiques, d’avoir « importé », l’actualité du Proche-Orient, les mêmes s’en servaient alors pour nous disqualifier. ». Supportant très mal cette constante « inversion de la réalité »,  Valérie constate à propos des rassemblements : « Nos voix ont des tonalités différentes, mais savent être chorales lorsqu’il s’agit de défendre des droits humains et de s’opposer aux massacres, de faire entendre d’autres paroles que celles diffusées et relayées massivement ».

Pari gagné, avec également l’apport de Carole de Green Peace, de Madeleine de l’association France Palestine Solidarité, de Françoise des Écologistes… et bien sûr de quelques hommes. Chaque samedi, la place de la mairie se transforme en mini agora. Spontanément, des militant·es viennent compléter les informations données ou annoncent une initiative. Des gens passent, s’arrêtent curieux, écoutent quelques interventions. Certains viennent remercier à la fin les intervenant·es  tant leurs voix sont précieuses. Un jour d’été, un homme offre dans l’anonymat la tournée à une dizaine de militant·es pour les « remercier de leur combat » auquel lui-même semble craindre de participer directement. Sous la chape de plomb que la France fait peser sur ce conflit et son « soutien indéfectible » à une puissance coloniale et suprémaciste engagée dans une escalade dangereuse pour la paix mondiale, couve une sourde colère. Une colère qu’expriment ces femmes « ordinaires », avec un  cœur et une détermination extraordinaires.

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