« La lutte paie, mais à quel prix ? » Rhany Slimane

Carnets de campagne Rhany Slimane - Photo - DR RS
Carnets de campagne Rhany Slimane - Photo - DR RS
[Élections municipales 2026] Plurielle info ouvre ses colonnes aux candidates et candidats. Carnets de campagne, une nouvelle rubrique pour partager leurs réflexions, leurs priorités et leurs visions de la ville. Une autre manière d’éclairer le débat public, de l’intérieur.

[Rhany Slimane, co-chef de file LFI pour les élections municipales à Montpellier.] Du tumulte budgétaire à l’Assemblée aux pavés glacés du parvis de la mairie de Montpellier, en passant par la victoire de Zohran Mamdani à New York, une même leçon s’impose : sans rapport de force, rien ne bouge. Cette quinzaine, la politique a quitté les tribunes pour reprendre sa place naturelle dans la rue, au cœur des luttes.

La France vit suspendue à une motion de censure. Depuis la présentation du budget, l’Assemblée nationale s’est transformée en bourbier politique : le gouvernement esquive, les débats sur les recettes sont bâclés, seules une dissolution ou mieux, une présidentielle anticipée clarifieront les choses.

Je ne crois pas un instant que cette paralysie soit accidentelle. Macron gagne du temps. Il attend les conditions favorables pour reprendre la main : une dissolution calculée, peut-être alignée sur les municipales de 2026, pour tenter le coup double : 36 000 communes et 577 circonscriptions dans la même bataille. Son pari, faire que la gauche ne se reconstitue pas en un bloc avec la complicité du parti socialiste, et faire que l’affrontement final oppose l’extrême droite à son propre camp, comme en 2022. Mais pendant qu’il calcule, le réel s’impose ailleurs.

Une semaine sur le parvis

Le 27 octobre 2025, des familles, dont quinze enfants, se sont installées sur le parvis de la mairie de Montpellier. Expulsées sur décision du préfet, elles n’avaient plus rien. Avec elles, des associations comme Une École, un Avenir et Solidarité Partagée ont demandé l’ouverture temporaire d’un bâtiment public, un gymnase, une maison pour tous, peu importe. La réponse du maire, Michaël Delafosse (PS), a d’abord été le silence. Puis, celle de son adjoint, le mépris.

Il a expliqué qu’il ne traitait que des “trajectoires de rebond individuelles” et qu’ouvrir un lieu “à la veille des élections” serait dangereux politiquement. Ces mots, prononcés alors que des enfants dormaient sur les marches de l’hôtel de ville, disent tout d’une politique réduite à la communication.

Mais cette fois, les familles n’ont pas bougé. Pendant huit jours et huit nuits, elles ont résisté. Et le 4 novembre, le maire a fini par céder : des solutions d’hébergement ont été trouvées, sous la pression des associations et du soutien populaire. La lutte a payé, mais c’est une honte qu’il faille en arriver là pour que le PS s’occupe enfin des gens. Ce que cette semaine a démontré, c’est que rien n’avance sans conflit, sans mobilisation, sans courage collectif. Comme l’écrivait Saul Alinsky : « Le pouvoir ne concède rien sans rapport de force ».

De Montpellier à New York, la même bataille

Cette victoire locale trouve un étrange écho à l’autre bout du monde. Le 5 octobre, à New York, Zohran Mamdani a été réélu député du Queens. Fils d’immigrés ougandais et indien, militant socialiste et anticolonial, il a triomphé face à la machine démocrate en menant campagne sur des sujets bannis des plateaux télé : logement, justice sociale, Palestine, anticapitalisme. Sa victoire, comme celle des familles montpelliéraines, est un rappel : lorsque le peuple s’organise, les puissants reculent. Mais elle révèle aussi une hypocrisie française. Car un profil comme Mamdani, le PS ne le soutiendrait jamais. Un élu marxiste, populaire, issu de l’immigration, parlant sans trembler de colonisation ou de redistribution : ici, il serait marginalisé, caricaturé, voire exclu.

Pendant que des voix comme la sienne redonnent espoir aux mouvements progressistes outre-Atlantique, la gauche institutionnelle française continue d’étouffer les siens. À Montpellier, cela prend la forme d’un maire socialiste qui fait dormir des enfants sur le parvis avant de céder sous la honte. La même logique, les mêmes réflexes : gérer plutôt que transformer, temporiser plutôt que s’engager.

La ville contre ses habitants

Cette crise du logement, on la retrouve partout. Quelques jours après la victoire des familles, j’ai animé une soirée au café Le Quartier Généreux, sur les droits des locataires dans les quartiers populaires. Très vite, la discussion a débordé : le mal est structurel.

Montpellier est aujourd’hui l’une des villes les plus chères de France : 15,5 € le mètre carré en moyenne. Son taux de chômage dépasse 18 % (Insee, 2022), mais les loyers sont plus élevés qu’à Toulouse, pourtant bien plus dynamique économiquement. Ce paradoxe, c’est l’héritage du “modèle Frêche” : croissance par le béton, spéculation foncière, dépendance à la promotion immobilière. Aujourd’hui, ce modèle touche ses limites physiques et morales.

La lutte de la Cité Bergère, où les habitants défendent la dernière terre agricole du centre-ville contre un projet de promotion immobilière, en est le symbole. Allons-nous vraiment sacrifier un champ nourricier pour un immeuble de standing ? C’est un choix de société, pas un simple arbitrage technique.

L’honneur des luttes

Ces trois séquences, le « cirque » à l’Assemblée, le parvis de la mairie, la victoire de Mamdani, forment une seule histoire : celle d’un peuple qui refuse la résignation. Pendant que les puissants calculent, le peuple agit. Pendant qu’ils négocient leurs alliances, nous, nous organisons la solidarité. Oui, la lutte paie. Mais elle ne devrait pas être nécessaire pour obtenir ce qui relève de la dignité. Et pourtant, c’est toujours là que tout recommence : dans le froid, dans la rue, dans le collectif.

À Montpellier, comme à New York, l’espoir porte les mêmes couleurs, celles du courage, de la justice et du refus de l’humiliation. C’est cela, la vraie politique : changer la vie des gens, pas l’ordre du pouvoir.

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