Macron et Lecornu, un duo fantôme aux manettes ou l’art de gouverner par l’absence. Emmanuel Macron muet, Sébastien Lecornu invisible, voilà donc le nouveau style de l’exécutif. Depuis la chute express de François Bayrou, le 8 septembre, le tandem président-premier ministre s’illustre par une disparition aussi calculée qu’agaçante.
Deux mouvements sociaux massifs en une semaine, plus d’un million de personnes dans la rue selon la CGT, et pas un mot de l’Élysée, qui renvoie tout à Matignon. Macron préférera Notre-Dame et les selfies patrimoniaux avec Stéphane Bern. Lecornu, lui, s’essaye à la méthode Coué : ignorer la rue et se convaincre qu’un communiqué soporifique fera patienter les syndicats.
On cherche la stature, on ne trouve que la discrétion maladive. Le nouveau locataire de Matignon a concédé l’abandon des deux jours fériés du plan Bayrou, un recul calculé et déjà prévu de longue date pour calmer les ardeurs populaires et faire passer le reste de la pilule.
Mais ce précaire Premier ministre refuse toujours de toucher aux dogmes macroniens : retraite à 64 ans, chômage raboté et justice fiscale aux abonnés absents. Sophie Binet (CGT) réclame des « réponses immédiates », Lecornu répond par un rappel au calme et un sermon contre les « exactions » commises dans les cortèges.
À défaut de gouvernement solide, Lecornu consulte à la chaîne, dans le plus grand secret, espérant amadouer syndicats et oppositions sans rien céder de fondamental. Un art consommé de l’ambiguïté, qui transforme Matignon en salle d’attente. Faure voulait en être le toubib, reste que la rue gronde, les socialistes en profitent pour parader aux manifs, et l’exécutif avance sur des œufs. Macron se tait, Lecornu écoute. Comme dans le conte d’Andersen, où tout un royaume feint d’admirer un souverain inexistant sous ses habits imaginaires, l’exécutif Macron-Lecornu se drape dans le silence et les postures. Mais la rue, par la voix des syndicats et des manifestants, joue l’enfant du récit : elle rappelle que le pouvoir, aussi sûr de lui qu’il se croit, avance désormais nu, dépouillé de son autorité. La merveilleuse étoffe de la finance a perdu de sa magie. Macron est nu.
