jeudi 13 mars 2025 • 19h37

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Sète : Procédure exceptionnelle contre les responsables d’un chantier écocide

Sète conférence de presse Collectif Bancs Publics - Photo - Isabelle Goutmann
Sète conférence de presse Collectif Bancs Publics - Photo - Isabelle Goutmann

160 citoyen•nes et un collectif du Bassin de Thau se sont constitué•es partie civile pour déposer vendredi 7 février au tribunal correctionnel de Montpellier une « citation directe à comparaître » à l’encontre de 5 personnes morales ou physiques dont le maire de Sète François Commeinhes, le directeur de la SPLBT Christophe Clair et deux sociétés privées.


Pour les opposant•es à la construction de ce parking de 300 places en cœur de ville, les procédures auprès du tribunal administratif pour faire annuler le permis de construire et stopper les travaux ne suffisent pas. Ils tiennent à ce que les responsables de ce désastre écologique et financier soient jugés personnellement pour leurs actes. Une citation à comparaître de 122 pages, signée par 160 citoyen•nes et le collectif Bancs Publics, c’est du jamais vu dans le département ! À tel point que le greffe n’a pu fixer une date d’audience, les salles du tribunal ne pouvant accueillir toutes les parties puisqu’elles sont au nombre de 166 en tout, sans compter les avocats. C’est au Procureur de la République à qui il revient de trouver une solution pour que la procédure ait lieu. Car contrairement au cas d’une plainte ordinaire, le Procureur n’a pas dans le cadre d’une citation à comparaître la possibilité de court-circuiter la procédure en la classant « sans suite ».

La genèse du combat juridique

Lors d’une conférence de presse organisée par Bancs Publics, François Piettre explique la genèse de cette procédure tout à fait inhabituelle : « Cela fait 3 ans qu’on engage des procédures devant le tribunal administratif. Référé après référé, un coup on gagne, un coup on perd… et l’affaire n’est toujours pas jugée sur le fond, car la mairie et la SPLBT multiplient les manœuvres pour retarder la procédure /…/. Ce qu’ils cherchent, c’est que le jugement soit rendu après la construction du parking, comme cela a été fait pour l’aménagement du triangle de Villeroy. »

Deux actes ont motivé la décision de « passer au pénal » : d’une part la découverte en 2022 que la dérogation accordée par le préfet à l’obligation de réaliser une enquête d’impact environnemental préalable aux travaux reposait sur un faux document. Le tribunal administratif n’a pas pris en compte cette objection alors que le déroulement des travaux démontre aujourd’hui combien cette enquête était indispensable.

D’autre part, dans un contexte de mépris, d’opacité et de rejet de tout dialogue comme l’a rappelé Christophe Lalia, l’incroyable déclaration du maire affirmant en plein conseil municipal qu’il fallait « exterminer » les gens du collectif Bancs Publics. Ce fut la goutte d’acide qui a fait déborder le vase de la colère.

Quatre délits reprochés

Fidèle à son orientation de départ, le collectif Bancs Publics a choisi les voies légales pour exprimer ses protestations. Comme l’avait exposé Me Stéphane Hernandez lors du rassemblement du 25 janvier, plusieurs faits délictueux ont été relevés dans cette affaire assez tentaculaire. La saisine du juge pénal repose sur quatre motifs principaux. En premier, l’atteinte à l’environnement et la mise en danger de la vie d’autrui parce que, a rappelé l’avocat « la pollution tue ». Faire venir 300 voitures en centre-ville, remplacer un îlot de fraicheur par un bunker et perturber le cycle de l’eau constituent de dangereuses aberrations en ces temps de réchauffement climatique.

Le 2e motif, ce sont les menaces réitérées contre les personnes du collectif. Le 3e est la prise illégale d’intérêt par François Commeinhes à la fois maire et président de la SPLBT et par Christophe Clair, à la fois directeur de la SPLBT et de la SA ELIT. Le 4e motif est « faux et usage de faux » à l’encontre de deux entreprises et escroquerie au jugement puisque la décision irresponsable de se déroger à l’enquête d’impact environnemental préalable aux travaux s’est appuyée sur un document faux. Pour les plaignants, peu importe les condamnations qui seront prononcées, ce qui compte, est que ces actes soient jugés.

Opacité financière

Il est précisé au cours de la conférence de presse que cette procédure n’aborde pas les débordements financiers et d’éventuelles malversations que suspecte le Collectif. Il s’étonne que, contrairement aux usages en matière d’affichage pour les ouvrages publics, aucune somme ne figure sur les panneaux de chantier. D’après les déclarations de la maîtrise d’ouvrage, le coût est passé de 9 millions en 2022 à 14,5 millions en juin 2024. À combien s’élèvera le coût final et qui paiera la note ? Nul ne le sait et le collectif appelle la presse à enquêter sur cet aspect. «En plus de saccager notre environnement, ils sont en train de plomber les finances de la ville sur des générations », s’inquiète Christophe Lalia.

Baroud d’honneur ou round de la victoire ?

À la question que tout le monde se pose de savoir si le désastre peut encore être évité, les membres du collectif répondent positivement. Fort de 560 adhérent•es, de compétences sans cesse en progrès, ils affirment qu’il reviendrait moins cher à ce stade de combler le trou et de réinstaller une belle place arborée que de poursuivre un chantier où même les plus grosses entreprises, à l’exemple de NGE, semblent s’enfoncer. Pour François Piettre, « plus ça avance et plus il y a de dégâts. Ils peuvent bétonner autant qu’ils veulent, pomper autant qu’ils veulent, il y aura toujours autant d’eau qui sort ». « Ce qui se passe ici, ajoute Christophe Aucagne, c’est la risée du BTP ». À l’inverse, sont citées en exemples des démolitions de parkings souterrains ou en silo qui ont commencé comme à Nantes. Sans doute le début d’une nouvelle ère.

Pour Christophe Lalia, ce qui anime les citoyen·nes de cette ville et particulièrement les 160 signataires de cette citation, n’est pas compliqué : « c’est une soif de justice, de vérité et de transparence ».  Ce soutien populaire spontané a permis jusqu’à présent de faire face aux frais de justice, mais cet effort citoyen devra se poursuivre afin de mener le combat jusqu’à son terme, c’est à dire jusqu’à faire prévaloir le droit et le bon sens.

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